samedi 29 juin 2019

Le Petit Navire, la Capitaine et les Réfugiés

Le Petit Navire, la Capitaine

et les Réfugiés


Chanson française – Le Petit Navire, la Capitaine et les Réfugiés – Marco Valdo M.I. – 2019


Capitaine Courage – Carola Rackete, capitaine du Sea Watch 3


Cette canzone a été écrite pour saluer la capitaine Courage – Carola Rackete, capitaine du Sea Watch 3, qui avait forcé (force majeure que ça s’appelle) le blocus des eaux territoriales italiennes imposé par le ministre de l’Intérieur d’extrême droite – catho-fasciste, dont on ne veut pas prononcer le nom qui donne la nausée – Que la honte et la peste emportent cet idiot (ce qualificatif est juste la constatation d’un fait) ! Comme chantait Georges Brassens : « Quand on est con, on est con ! »
Carola Rackete a été arrêtée dans la nuit de vendredi à samedi, avant que ne débarquent 40 migrants bloqués à bord depuis 17 jours.





Dialogue Maïeutique

J’avais déjà abordé, commence Marco Valdo M.I.

C’est le cas de le dire, dit Lucien l’âne.

Ne m’interromps pas, Lucien l’âne mon ami. Donc, j’avais déjà abordé cette question des « boat people » dans une chanson intitulée « Le Radeau de Lampéduse », où il était dit :

« Et pendant ce temps-là, en Méditerranée,
Des barques à ras bord remplies,
De toutes parts submergées,
Sans timon ni voile ni quille,
Avec des pleurs et des hurlements
Rejouent sempiternellement
Le Radeau de la Méduse
Sur un canot au large de Lampéduse. »

Et tu anticipais fortement les événements, dit Lucien l’âne, dans cette autre chanson « Les grands Sentiments », où il était dit :

« Monsieur le Ministre, il faut que je vous explique
Ces personnes ont de grands principes,
Ils ne pensent qu’à sauver les gens
En vertu de grands sentiments.

Monsieur le Ministre, ce sont de braves types
Qui
s’en tiennent à leurs grands principes,
Et qui se fichent des ordres du gouvernement
En vertu des grands sentiments.

Monsieur le Ministre, c’est une petite équipe,
Mais elle a de grands principes,
Et pour l’aider, les gens lui donnent de l’argent,
En vertu des grands sentiments.

Monsieur le Ministre, ce sont des gens très pacifiques
En vertu de leurs grands principes
Mais ils ont armé un bâtiment
En vertu des grands sentiments. »

D’ailleurs, je pense qu’il faudrait offrir à ce sinistre ministre un canard en plastique pour qu’il puisse jouer dans sa piscine et foutre la paix aux gens de bonne volonté.

Oh, Lucien l’âne, ce n’est pas si simple, car ce genre de ministre, très sinistre, sait jouer des pires sentiments de certaines gens. Et ça marche assurément. D’ailleurs, ce sont les mêmes qui ont mené l’Italie pendant le Ventennio et d’ailleurs, ils l’y ramènent à présent. La fois d’avant, l’addition de leurs bêtises et celles de leurs amis fit quarante millions de morts. Ce sont des gens qui ne font pas dans le détail. Mais c’est une des conséquences de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches, les puissants, les installés, les « premiers occupants » mènent systématiquement contre les pauvres, les faibles, les nouveaux arrivants afin d’assurer leur domination et protéger leurs privilèges. Mais au fait, d’où sont venus les Lombards ? D’Afrique, forcément, comme nous tous, sauf peut-être les Néandertaliens, mais on les a éliminés.

Je sais tout cela, Marco Valdo M.I., mais je sais aussi que le « vent tourne » et que malgré les naufrages, les tempêtes, les tirs de barrage, les « limes », les frontières tant gardées finissent par s’effondrer, l’empire (Impero) finit toujours pas céder. Mais dis-moi, la chanson, on dirait une comptine.

Mais évidemment, Lucien l’âne, comme si tu ne le savais pas. Tous les enfants de France, de Navarre, du Québec, de Suisse, de Wallonie et même, de très nombreux enfants d’Afrique la connaissent très bien. Ils l’apprennent dès la petite enfance. C’est « Le petit Navire », dont j’ai fait une parodie en gardant la forme et la musique. Tout le monde pourra la chanter ; c’est très facile. Si on la traduit en italien, des chœurs d’enfants pourraient la seriner au ministre sinistre.

Et chaque fois, lui offrir un canard jaune en plastique, pour sa piscine, conclut Lucien l’âne. Et puis, lui rappeler à ce sinistre ministre que nous – tous tant que nous sommes – nous sommes tous des migrants ou des descendants de migrants, tous des réfugiés. Imagine simplement que comme veut le faire le ministre sinistre, on renvoie en Italie, tous les migrants et descendants de migrants italiens, qui sont des dizaines de millions à travers le monde et disant : « Bien le bonjour chez vous ! ». Ce serait ignoble, absurde, imbécile, évidemment. Mais c’est ce que le ministre sinistre et ses amis veulent faire avec les enfants d’Afrique. Alors, tissons avec plus d’ardeur encore le linceul de ce vieux monde ignoble, abject, ipséiste et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Il était un petit navire (bis)
Qui s’en allait sauver (bis)
Des réfugiés.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Il entreprit un long voyage (bis)
Sur la mer Mé- Mé- Méditerranée (bis)
Ohé ! Ohé !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Au bout de cinq à six semaines, (bis)
Il repêcha cinquante réfugiés. (bis)
Ohé ! Ohé !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Il les sortit de la mélasse, (bis)
Pour en un lieu sûr les ramener. (bis)
Ohé ! Ohé !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Le soir tomba sur les réfugiés, (bis)
Qui, qui, qui se mirent à pleurer. (bis)
Les morts noyés !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Il met le cap vers le port à proximité, (bis)
Pour déposer les survivants des réfugiés. (bis)
Et demande l’hospitalité
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

En Italie, il y a un ministre, (bis)
Un personnage vraiment sinistre, (bis)
Qui lui interdit d’accoster.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Pendant qu’ainsi on délibère, (bis)
La capitaine monte sur son grand hunier (bis)
Sans se démonter.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Elle lance au monde un message : (bis)
Il faut sauver ces réfugiés, (bis)
On ne peut en enfer les rejeter.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Mais regardant la Terre entière, (bis)
Elle voit des flots !, flots !, flots ! de tous côtés, (bis)
Elle se demande où accoster.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

La réponse est vite arrivée ; (bis)
En Europe, on veut les accepter (bis)
Tous ces réfugiés.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Alors, alors, la capitaine, (bis)
Fille hardie au port de reine, (bis)
Vers un port d’Italie les emmène.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Tout le monde pense le problème réglé (bis)
Et que le bateau va pouvoir accoster, (bis)
Et les sauver.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

C’était compter sans le ministre, (bis)
Qui dans son mental sinistre, (bis)
À la mer veut les rejeter.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

La capitaine dit : « Par devoir humanitaire, (bis)
Mes obligations sur la mer, (bis)
C’est de les conduire à terre.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Alors, la capitaine dit malgré l’interdiction, (bis)
Nous allons accoster au quai sans façon, (bis)
Et l’Europe la salue à l’unisson.
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Pour saluer cette capitaine Courage, (bis)
Cette chanson j’ai composé. (bis)
Nous allons la, la, la recommencer,
Ohé ! Ohé !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots ! !
Ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots !

Envoi :

Quant au sinistre ministre, (bis)
Il n’a plus qu’à, qu’à, qu’à aller jouer (bis)
Avec son canard en plastique !
Ohé ! Ohé ! Matteo, Matteo navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matteo, Matteo navigue sur les flots !


jeudi 27 juin 2019

LA VALLÉE DE LA JARAMA


LA VALLÉE DE LA JARAMA


Version française – LA VALLÉE DE LA JARAMA – Marco Valdo M.I. - 2019
d’après la version italienne – LA VALLE DEL JARAMA – Riccardo Venturi – 2019
d’une chanson anglaiseJarama ValleyAlex McDade – 1937 et de la version « Bataillon Lincoln » – 1937
Pour les détails historiques, voir Brigade Abraham Lincoln et Bataille du Jarama


















LA VALLÉE DE LA JARAMA – Version originale – Alex MacDade



Il y a une vallée en Espagne appelée Jarama,
C’est un endroit que nous connaissons tous si bien,
C’est là que nous avons perdu notre jeunesse,
Et la plupart de nos vieux jours aussi.



De cette vallée, ils nous disent que nous partons.
Mais ne vous hâtez pas de nous dire adieu.
Car même si, nous devions partir
Nous serions de retour en une heure ou deux.



Oh, nous sommes fiers de notre bataillon britannique,
Et le record du marathon qu’il a fait,
S’il vous plaît, faites-nous cette petite faveur.
Et retenez ce dernier mot de la Brigade :



« Vous ne serez jamais heureux avec des étrangers,
Ils ne vous comprendraient pas comme nous,
Alors souvenez-vous de la vallée de la Jarama
Et les vieillards qui attendent patiemment ».



LA VALLÉE DE LA JARAMA – Version « Bataillon Lincoln »






Il y a une vallée en Espagne appelée Jarama.
C’est un endroit que nous connaissons tous bien.
Car c’est là que nous avons révélé notre humanité
Et où nombre de nos courageux camarades sont tombés.



Nous sommes les hommes de la brigade Lincoln
Et nous sommes fiers de la résistance que nous avons menée
Car nous savons que les gens de la vallée
Se souviendront de la brigade américaine.



De cette vallée, ils disent que nous allons partir
Ne vous pressez pas de nous dire adieu
Même si nous avons perdu la bataille pour Jarama
Nous libérerons cette vallée.



Vous ne trouverez jamais la paix avec les fascistes,
Vous ne connaîtrez jamais des amis comme nous,
Alors, souvenez-vous de la bataille pour Jarama.
Et de ceux qui veulent libérer cette vallée.



Il y a une vallée en Espagne appelée Jarama.
C’est un endroit que nous connaissons tous bien.
Car c’est là que nous nous sommes battus avec les fascistes.
Et nous avons vu cette agréable vallée se muer en Enfer.

mercredi 26 juin 2019

Sentimental Bourreau



Sentimental Bourreau

 
Chanson française – Sentimental BourreauBoby Lapointe – 1970









Dialogue Maïeutique

Encore une chanson de bourreau, qu’est-ce qui te prend ?, Marco Valdo M.I. mon ami.

Oh, Lucien l’âne mon ami, c’est tout simplement un effet de ce qu’on appelle l’esprit de suite. Une chanson en appelle une autre à l’oreille ou à la mémoire. Tout le monde connaît ce phénomène ; c’est d’ailleurs une des caractéristiques de la chanson que cette manie du refrain qui colle et elle est souvent détestable.

Oh combien, dit Lucien l’âne, et tu peux imaginer ce que c’est pour moi qui ai de si grandes oreilles ! Enfin, je connais ce ressac usant que font les refrains, surtout la nuit. Il est même possible, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu découvres un autre chanson sur ce sujet.

Peut-être, Lucien l’âne mon ami. En attendant, ce bourreau-ci est l’œuvre de l’ami Boby Lapointe et regarde quand il a présenté cette chanson : c’était en 1970.

Oui, et alors ?, demande Lucien l’âne.

Et alors ?, reprend Marco Valdo M.I. En 1970, la peine de mort était encore inscrite dans le Code Pénal en France ; la base était constituée par les célébrissimes articles de 1791 qui disent :

« Article 2
La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés.
Article 3
Tout condamné aura la tête tranchée.
Article 4
Quiconque aura été condamné à mort pour crime d’assassinat, d’incendie ou de poison, sera conduit au lieu de l’exécution revêtu d’une chemise rouge.
Le parricide aura la tête et le visage voilés d’une étoffe noire ; il ne sera découvert qu’au moment de l’exécution.
Article 5
L’exécution des condamnés à mort se fera dans la place publique de la ville où le jury d’accusation aura été convoqué. »

Oh, dit Lucien l’âne, ça rigolait pas en ces temps-là. Mais pourquoi donc la « tête tranchée » ?

La tête tranchée et pas la pendaison ou d’autres manières, répond Marco Valdo, par souci d’égalité, c’est une application de la démocratie. Tout le monde n’avait pas droit au vote, mais « Tout condamné à mort avait la tête tranchée ». C’est un article qui instaurait une réelle égalité révolutionnaire.

Et, elle était encore existante du temps de la chanson ?, s’étonne Lucien l’âne.

En effet, la peine de mort ne disparaîtra de la loi française qu’en 1981. De plus, au temps de la chanson, elle était encore appliquée. La dernière exécution (en France) date de 1977. Donc, la chanson avait un sens très particulier pour qui voulait l’entendre. Connaissant Boby Lapointe, ami de Georges Brassens avec qui il allait en tournée ces années-là, tu peux comprendre tout ce qu’il y a derrière ce « petit bourreau beau » – « petit bout robot ». C’est là un sujet tabou et une profession dont on ne parle pas et à laquelle on n’applique une telle dose d’acide ironique. Bref, on ne rit pas du bourreau, pas plus que ne rit de la mort ou de Dieu.

Oui, dit Lucien l’âne, je vois ça, mais le bourreau devait encore exister en France en 1970.

Effectivement, dit Marco Valdo M.I.. Il sera actif jusqu’en 1977, année où il procéda à la dernière exécution avec comme aidant son fils, qu’il préparait à prendre sa succession. Cependant, question d’humour noir et d’ironie appliqués au bourreau, je te lègue cette citation : « Tous les journaux s’accordèrent à rendre justice au jeune monsieur Deibler qui montra pour ses débuts à Paris un tournemain et une aisance de vieux praticien. Jeune, élégant, vêtu d’une redingote de couleur sombre, comme un témoin de duel sélect, il réalise dans la perfection le type du bourreau moderne. On peut, après cet heureux essai, lui prédire une belle carrière et un nombre respectable de représentations. » (Annales politiques et littéraires du 12 février 1899)

Bon, reprend Lucien l’âne, humour toujours, ainsi finit l’ère des bourreaux de France. Mais une dernière question, si tu permets. Pourquoi « Sentimental » ?, ça m’intrigue.

Eh bien, Lucien l’âne, c’était une manière de rappeler que le bourreau est aussi un être humain. Il n’était d’ailleurs « bourreau » que les jours d’exécution – c’était un emploi à temps partiel, un métier intermittent, qui ne nourrissait pas son homme ; il lui fallait un autre emploi pour le reste du temps. Ce monsieur tout le monde, ce travailleur, comme tous les autres, pouvait éprouver des sentiments – en laissant le travail de côté.

En somme, dit Lucien l’âne, c’est un citoyen comme un autre avec femme(s), enfant(s), travail, famille, patrie, etc., mais aussi, tant qu’il y a une peine de mort, c’est un rouage indispensable de la société. C’était quand même un sale boulot ; mais à considérer la chose, il n’en tue qu’un à la fois ; à côté d’autres, c’est de l’artisanat. Quant à nous qu’une telle profession hérisse et rebiffe, tissons le linceul de ce vieux monde mortel, mortifère, morticole et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Il était une fois,
Un beau petit bourreau,
Pas plus grand que trois noix
Et pas beaucoup plus gros ;
Des hautes et basses œuvres
Était exécuteur
Et pour les basses œuvres,
Était à la hauteur ;
N’avait jamais de trêve
Et jamais de repos,
Car en place de Grève,
Il faisait son boulot.


Pourtant couper des têtes,
Disait-il, ça m’embête :
C’est un truc idiot,
Ça salit mon billot.
Pour nourrir ma vieille mère,
Je saigne Paul ou Pierre
D’un geste un peu brutal,
Mais sans penser à mal.
Sentimental bourreau,
Aïe, aïe, aïe ! Aïe, aïe, aïe !


Un soir de sa fenêtre,
La femme du fossoyeur
Héla l’homme de têtes
Et lui ouvrit son cœur.
Depuis longtemps sevrée
De transports amoureux,
À vous, veux me livrer,
Ô bourreau vigoureux !
Je vous lance une corde
Du haut de mon balcon,
Grimpez-y, c’est un ordre ;
Allons exécution !


Pourtant couper des têtes,
Disait-il, ça m’embête :
C’est un truc idiot,
Ça salit mon billot.
Pour nourrir ma vieille mère,
Je saigne Paul ou Pierre
D’un geste un peu brutal,
Mais sans penser à mal.
Sentimental bourreau,
Aïe, aïe, aïe ! Aïe, aïe, aïe !


À partager sa couche,
La belle l’invita ;
En quelques coups de hache,
Il la lui débita.
L’époux au bruit du bris
Survint un peu inquiet,
Il partagea le mari
Pour garder sa moitié.
Comme la dame inquiète
Suggérait : « Taillons-nous ! »,
Il lui coupa la tête
Et se trancha le cou.


Pourtant couper des têtes,
Disait-il, ça m’embête :
C’est un truc idiot,
Ça salit mon billot.
Pour nourrir ma vieille mère,
Je saigne Paul ou Pierre
D’un geste un peu brutal,
Mais sans penser à mal.
Sentimental bourreau,
Aïe, aïe, aïe ! Aïe, aïe, aïe !


Envoi :


Prince, prenez grand soin,
De la douce Isabeau,
Qu’elle n’ait oncques besoin
D’un petit bourreau beau.

mardi 25 juin 2019

LE BOURREAU

LE BOURREAU


Version française – LE BOURREAU – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson allemandeDer HenkerCochise – 1981
Texte : Pit Budde









Dialogue maïeutique

Je suppose, Lucien l’âne mon ami, que tu sais ce qu’est un bourreau et que sans doute, tu en as vu à l’œuvre ou que tu en as entendu parler.

D’abord, Marco Valdo M.I. mon ami, si j’en ai vu à l’œuvre, comme tu dis, c’est que j’y étais contraint, car souvent, je n’étais qu’une sorte de véhicule et qu’on m’avait amené là sans me demander mon avis. Cela étant précisé, des bourreaux, il y en avait à toutes les époques et dans tous les pays que j’ai traversés et ils usaient plus volontiers de la hache, du braquemart, de la corde, du feu ou de l’eau que de la bien aimable ciguë socratique, sans compter les lapidations ou les fusillades qui sont des œuvres collectives. Personnellement, quand on ne m’y menait pas de force, je m’en suis toujours tenu à l’écart, car ils s’en prenaient même aux animaux.

Je sais, dit Marco Valdo M.I., selon la fable, tout spécialement à l’âne lui-même « ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal », comme ils disaient.

Exactement, reprend Lucien l’âne, mais il y a lieu de distinguer, car il y a des bourreaux et le bourreau. Il y a ceux qui torturent, qui mettent à la question comme sous l’Inquisition et qui tuent malignement et il y a celui qui exerce la terrible fonction d’exécuteur public ; celui-là est une sorte de fonctionnaire-délégué. Ce ne sont pas les mêmes usages. À tel point qu’en France, bien entendu avant l’abolition de la peine de mort où le métier de bourreau a disparu, le bourreau était appelé « Monsieur », pas monsieur Machin ou monsieur Truc, mais tout simplement « Monsieur », sans nom accolé, pour rester anonyme dans sa fonction.

Effectivement, Lucien l’âne mon ami, je m’en souviens bien. On était même bourreau de père en fils ; c’était une charge héréditaire. Une des raisons de cette hérédité, c’était la tradition, au sens de la transmission. Mais nous ne sommes pas des historiens et ces explications suffisent. Il convient aussi d’ajouter que les bourreaux, même officiels, continuent d’exercer dans d’autres pays où la peine de mort est encore d’application. Maintenant, pour ce qui est de la chanson, elle se présente comme une scénette où un bourreau est saisi par les gens et mis en accusation ; presque condamné par la vindicte, lors même que ces gens font le public fort intéressé par ces exécutions.

Ça, dit Lucien l’âne, c’est vrai. Je les ai vu s’attrouper sur les places en attendant – pendant des heures – la mise à mort comme un spectacle. Ils y allaient comme à la foire et les marchands de victuailles, de boissons et d’objets souvenirs, pendant tout ce temps, faisaient de bonnes affaires.

La chanson ne précise pas tout ça, répond Marco Valdo M.I. ; elle fait écho à un débat dans une foule (le peuple, la démocratie, que sais-je ?). À la réflexion, avec la conclusion, il me paraît qu’il s’agit peut-être d’une autre sorte de bourreau, un bourreau plus politique, un bourreau dans le genre « industriel », un bourreau national. On en a connu dans nombre de pays et pour ce qui est de l’Allemagne, leurs bourreaux leur ont coûté fort cher. Et, c’est la fin de la chanson, ils pourraient recommencer.

Je me disais, conclut Lucien l’âne, qu’en somme, on n’en avait pas fini avec les bourreaux. Certains en certains pays en réclament à cor et à cri. C’est inquiétant. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde exécuteur, vindicatif, tueur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






« Aidez-moi », criait le bourreau.
« Ce n’était pas ma faute à moi !
Les ordres venaient d’en haut,
Soyez indulgents avec moi ! 


J’étais juste un petit écrou
De la machinerie géante de l’État !
C’était mon travail après tout.
Je ne décidais jamais, moi ! »


Dans la foule, quelqu’un a crié :
« L’homme a raison, entièrement !
On ne peut pas le condamner.
C’était juste un exécutant ! »


« Mais si on le laisse partir,
Est-ce qu’on peut nous garantir
Qu’il ne frappera pas à nouveau ?
Peut-on vivre avec le bourreau ? »


« On deviendra nous-mêmes des bourreaux ! »
On entendit quelqu’un crier bien haut :
« Nous ne sommes pas de meilleure engeance ;
Je dis non à la vengeance ! »


Alors s’est indigné le suivant :
« Combien de gens a-t-il tués ?
Comment pouvons-nous oublier
Le sable rougi par le sang ? »


Et comme tous se battent,
Par l’amour du métier repris,
Sa hache, le bourreau saisit.
Alors, encore, à nouveau, il frappe.


dimanche 23 juin 2019

Bains de Lumière



Bains de Lumière


Lettre de prison 35
1 juillet 1935





Dialogue Maïeutique

Ces bains de lumière, je te le dis tout de suite, Lucien l’âne mon ami, ne sont pas de pures métaphores, ce sont d’authentiques bains de lumière que le prisonnier Carlo Levi prenait au tout début de cet été 1935 dans la cour de la prison romaine de Regina Cœli. Sans doute, Coelho le début juillet de cette année-là, le soleil était au rendez-vous et cognait dur – comme les sbires du régime.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, je connais ces jours de canicule, car je les ai subis comme tous ceux qui courent les routes et qui vivent dans les prés et les champs sous le soleil et se traînent en plein cagnard. Mais ces « bains de lumière », quelle image !

Certes, Lucien l’âne mon ami, ces « bains de lumière », nés de la canicule au pied du Janicule, sont durs à supporter, ils humifient le corps et trempent les vêtements d’une limpide transpiration. Le corps fond littéralement. Et, comme l’annonce la chanson, ce ne serait qu’un début.

Un début ?, dit Lucien l’âne, mais comment le savoir ? Il pleuvra peut-être demain.

Lucien l’âne mon ami, tu as trop vécu pas loin de la Mer du Nord. Je te dirais volontiers « Kennst du das Land, wo der Regen blüht ? » (Connais-tu le pays où la pluie fleurit?), paraphrasant – à mon tour – après Erich Kästner et son « « Kennst du das Land, wo die Kanonen blühen ? », le poème de Goethe ; mais trêve de supputations, ce qui importe, c’est qu’une fois encore, allant du particulier – la situation faite au prisonnier Carlo Levi – au général – la situation faite à tous les prisonniers, on prend doucement conscience des inconvénients de l’enfermement par temps caniculaire.

C’est ce que je disais aussi, répond Lucien l’âne, en évoquant la situation de tous ceux qui sont soumis aux conditions caniculaires sans pouvoir s’y soustraire ou trouver le réconfort d’un ombre, d’une douche ou que sais-je ? En tout cas, il faut boire beaucoup et de l’eau et si possible, fraîche.

Bien sûr, Lucien l’âne mon ami, mais pur le prisonnier Levi, l’eau, dont il bénéficie, est celle qui repose dans sa cellule et qui atteint une température plus élevée que celle du corps ; concrètement, elle dépasse les 37 ° ; elle est chaude, mais assez pour faire du thé.

Oh, dit Lucien l’âne, ce n’est pas très rafraîchissant. Mais dis-moi quand même ce que sont ces bains de lumière.

Pour en revenir aux « bains de lumière », répond Marco Valdo M.I., il s’agit en fait des bains de soleil que le prisonnier Carlo Levi – par ailleurs, médecin – s’offre durant la courte période de « promenade » qui lui est accordée chaque jour. C’est un plein de vitamines D et aussi, une fameuse séance de sauna, détoxifiante à souhait, qui permet d’éliminer bien des miasmes. Et comme il le raconte, je peux te décrire la manière de faire un tel bain de lumière, qui est tout à fait conforme à celle dont use n’importe quel estivant, sauf évidemment qu’il n’y a ni plage, ni mer, ni rivière, ni lac, ni vent du large, ni bosquet ombreux où se réfugier, ni terrasse ombragée où siroter une boisson rafraîchie. Ni même crème solaire, ni parasol, ni ombrelle, ni demoiselles sortant le l’onde en s’ébrouant.

J’imagine, dit Lucien l’âne. Ce n’est pas une situation plaisante.

Cependant, remarque Marco Valdo M.I, si la canzone en donne une description détaillée, elle n’abandonne cependant pas l’indispensable distanciation que crée l’humour, qu’à son habitude, Carlo Levi pratique à froid.

Oui, dit Lucien l’âne, l’humour du Dr. Levi est un brûlant humour glacial, pictural et poétique. Enfin, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde caniculaire, étouffant, transpirant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne


Lettre 6 – La Maison de Santé ; Lettre 7 – Les Graffitis ; Lettre 8 – Le Temps libre ; Lettre 9 – À l’Abri des Bandits ; Lettre 10 – Surtout, pas de Mélancolie ; Lettre 11 – Dangereux pour l’Ordre de l’État ; Lettre 12 – La Guerre sainte ; Lettre 13 – Entre la Ruche et l’Hôpital ; Lettre 14 – On dit que je suis cultivé ; Lettre 15 – Les Cartes-lettres ; Lettre 16 – Le Temps des Rides ; Lettre 17 – Le Ventriloque ; Lettre 18 – Retour en Cellule ; Lettre 19 – Le Bouquet ; Lettre 20 – Admirable Justice ; Lettre 21 : La Sagesse de la Nation ; Lettre 22 - La Confination ; Lettre 23 – La Peinture en Prison ; Lettre 24 - Le Procès-verbal ; Lettre 25 - Cellini avait Raison ; Lettre 26 – L’Année philosophique ; Lettre 27 – Le Voyage en Cage ; Lettre 28 – Les Pins du Janicule ; Lettre 29 – Je suis un Artiste ; Lettre 30 – Les petites Fraises parfumées ; Lettre 31 – Le Soleil ivre ; Lettre 32 – Être au Frais ; Lettre 33 – Dante, c’est Dante ; Lettre 34 – À Vau-l’Eau ; Lettre 35 – Bains de Lumière

Sous un ciel de feu,
Juillet a commencé depuis peu.
Les bruits du monde reculent.
Effrayés par la canicule,
Ils abandonnent ma cellule.

Trente-sept degrés au moins
L’eau au repos
Dans le lavabo
Est plus chaude que les mains.
J’appréhende demain.

Sur le pavement brûlant,
La promenade est un châtiment.
Il est sept heures tapant,
Tout est mou et moite,
On cuit déjà comme dans une boîte.

Couché sur le ciment,
De mes pores coule d’abondance
Un liquide insipide.
Comme l’eau de jouvence,
Ma suée recluse est limpide.

Ces bains de soleil quotidiens
Font du bien.
Mes bras sont bronzés.
Pour mon visage, je ne peux juger
Sans miroir, je ne peux me regarder.

Mirage, rêve, délire :
Des démons tirent
Mon corps vers l’enfer
Et le pire,
Je ne peux rien y faire.

samedi 22 juin 2019

À CET HOMME

À CET HOMME




Version française – À CET HOMME – Marco Valdo M.I. – 2019
d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi, 19-06-2019 22:29
Chanson italienne (Lombardo Milanese) – A quel ommIvan Della Mea – 1965

Paroles et musique : Omicron (Ernesto Esposito)Della Mea







Un garçon prolétaire dans le Milan des années 50, et un homme solitaire qui marche dans la nuit pâle et étrange. Ce garçon s’appelait Ivan Della Mea, et cet homme, dont il ne savait pas qui il était, était Elio Vittorini. Il vivait Viale Gorizia, pas loin du garçon. Une histoire simple et un souvenir de ce garçon qui, en 1966, écrivait déjà des chansons comme celle-ci, dans son milanais, dans lequel lui, un Toscan de naissance, s’était immergé jusqu’à la moelle. Il marchait seul absorbé dans ses pensées, on peut s’imaginer dans la brume classique sur les naviles (mais ce fut aussi les nuits d’été claires, c’eût été pareil), et le garçon se demandait qui c’était, ce qu’il pensait, quelle était sa vie, à cette époque « Quand les vivants dorment, rêvent tranquilles et ceux qui sont morts par les rues rôdent. » Un souvenir qu’Ivan Della Mea a transcrit dans ce chef-d’œuvre de ses vingt-cinq ans, alors qu’il savait désormais qui était cet homme qui s’apprêtait à mourir (Elio Vittorini, malade du cancer, disparut dans sa maison du Viale Gorizia le 12 février 1966). Ivan Della Mea a donc voulu se souvenir de ces rencontres de fantômes dans la nuit ; la chanson est de 1965, mais elle fut publiée dans l’album « Io so che un giorno l’anno successivo ». Il prend ainsi la valeur d’un hommage posthume au grand écrivain et intellectuel syracusain, transplanté à Milan. Une histoire de transplantés dans la nuit, le garçon toscan et l’homme sicilien, sans paroles, sans regards, sans un signe de tête ; une histoire de solitude et de questions. Le communiste Della Mea, qui dans l’obscurité, évoque l’intellectuel tourmenté et solitaire à l’histoire et la vie complexes, le jeune Elio , « fasciste de gauche », mari de la sœur de Salvatore Quasimodo, qui en 1936 a encouragé les fascistes italiens à se ranger du côté des Républicains contre Franco (ce pourquoi il fut immédiatement exclu du parti fasciste), le libertaire spontanéiste ultérieur qui a soutenu Camillo Berneri (à son tour un anarchiste très particulier, et probablement le seul du genre), le participant (en 1942) à la conférence des intellectuels nazis à Weimar, promue par Joseph Goebbels, et qui la même année, cependant, a rejoint le Parti communiste italien (PCI) clandestin participant activement dans la résistance anti-fasciste. Le communiste libertaire déçu qui rejoignit les positions de Jean-Paul Sartre, déclarant échouées les cultures antifascistes qui n’ont pas su prévenir les catastrophes de la Seconde Guerre mondiale ; la rupture avec Palmiro Togliatti, le détachement du PCI après la révolution hongroise de 1956, l’arrivée chez Einaudi avec la codirection du Menabò avec Italo Calvino et enfin, la présidence du parti radical. Un Della Mea, dont la maison fut toute sa vie le PCI – Parti Communiste Italien – (mais une maison difficile, une maison de fuites, de haine et d’amour, une maison de refus et de malentendus, une maison qu’Ivan habita jusqu’à la fin, même si ce fut sous un nom différent), voulait avec cette chanson extrême se questionner sur un personnage comme Elio Vittorini en s’attachant au souvenir personnel des nuits solitaires et d’errance et au moment même Elio Vittorini se prépare à devenir un fantôme pour de vrai. C’est en même temps, un texte d’éloignement et, en même temps, d’identification. Bien qu’il savait désormais qui il rencontrait ces nuits sur les naviles, Ivan Della Mea a dit qu’il ne connaissait même pas leur nom pour l’instant. À ce « morceau de silence », il dit qu’il était là maintenant, seul, sur ces naviles dans la nuit, et qu’il ne savait pas ce que signifiait ce qu’il écrivait. Mais il y avait un sens très élevé à cela : la rencontre de deux ombres et de deux vies, et les questions qui s’ensuivent. Et qui sait si, à la fin, ils ne se sont pas rencontrés, Ivan et Elio, sur un navile insondable dans le Vaste Rien. [RV]






À cet homme que je rencontrais la nuit.
Dans le viale Gorizia, là, sur le navile
Quand les vivants dorment, rêvent tranquilles
Et ceux qui sont morts par les rues rôdent .


À cet homme, mais c’était peut-être une tache.
Qui se formait sur l’asphalte de la rue
Avec une face un peu jaune et bizarre,
Avec les yeux un peu fatigués, un peu mornes.


À cet homme, mais étais-tu un homme,
Quatre chiffons, un peu d’ombre, rien d’autre.
Pas Walter, ni Giovanni ou Gaston
Et même à présent, je ne connais pas ton nom.


À cet homme, à ce morceau de silence,
À la nuit, et à lui aussi, je voudrais dire :
Je suis seul dans ce viale
Et je ne sais pas si ces choses ont un sens.