En ce temps-là, Till
Chanson française – En ce temps-là, Till – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel le Gueux – 7
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
Charles, un jeune homme d'à peine vingt ans |
En
ce temps-là…
Ça
me rappelle quelque chose, dit Lucien
l'âne.
Bien
sûr que ça doit te rappeler quelque chose, car c'est une manière
ancienne de raconter les contes, les légendes, les épopées, les
sagas, les fables, etc. Et en l'espèce, je n'ai fait que reprendre
le récit de Charles De Coster qui lui-même s'efforçait de donner
cette tonalité à son roman, de sorte à l'inscrire dans une
tradition et à donner l'impression qu'il était d'époque. Ça
l'authentifiait…
Un
peu j'imagine comme le font les metteurs en scène de théâtre ou de
cinéma.
Exactement.
Mais il faut ajouter que c'est aussi une forme de rituel dans les
ouvrages religieux, tel la Bible, qui utilisent le même procédé.
Quant à la chanson, elle raconte les débuts des longues années de
massacres que va déclencher la Contre-Réforme catholique.Le
rôle du jeune Charles Quint sera essentiel : ainsi, le
15 juin 1520, le Pape condamne les idées de Luther. L'Empereur
Charles Quint, un jeune homme d'à peine vingt ans, fait brûler les
écrits de Luther à l'université
de Louvain dès décembre 1520.
Charles-Quint,
sous la pression de l'Église catholique, va mener une terrible
répression
qui dans nos régions – quart Pays-Bas, quart pays rhénan, quart
pays mosan, quart pays flamand – va
furieusement ressembler aux croisades contre les hérétiques :
Juifs, Arabes, Vaudois ou Albigeois, Cathares, Patarins. L'horreur
déferlait sur les populations ; les fleurs rouges des bûchers
animaient les places publiques et les pendus les entrées des villes.
Dis-moi,
Marco Valdo M.I. mon ami, j'ai une question qui m'obsède : « Et
Till dans tout ça ? »
Till ?
Comme tu le verras dans la chanson, Till passe comme un zombie dans
ce paysage de désastre, condamné par le ban de trois ans à une
errance infernale. Mais, c'est dans cette errance que ses yeux – à
force de voir ce qu'ils voient – vont s'ouvrir plus grands encore
et modeler la révolte de sa conscience. C'est précisément ce
pèlerinage qui devait le soumettre qui va instiller la colère en
son cœur et faire de lui un Gueux.
Voyons
donc cette chanson et puis, reprenons notre tâche et tissons le
linceul de ce vieux monde censeur, inconscient, brutal, prédicateur
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
En
ce temps-là, Till s'en allait
Par
bois, champs, villages et villes
Car
le ban de Till
Était
de trois ans et lentement coulait.
En
ce temps-là, inquisiteurs, théologiens, évêques
Abbés,
prêtres, moines et tous catholiques
Félicitaient
l'Empereur de ses victoires
Et
lui remontraient que l'Église soignait sa gloire.
En
ce temps-là, un archevêque d'Espagne réclama
Six
mille têtes bonnes chrétiennes
Tombées
en l'hérésie luthérienne ;
Six
mille têtes tombèrent ; six mille corps, on brûla.
En
ce temps-là, les biens des hérétiques
Revenaient
au souverain catholique.
L'Empereur
pensait : six mille, ce n'est pas assez
Car
la vie est chère pour les majestés.
En
ce temps-là, Till sentait la terrible odeur.
Partout,
Till voyait fleurir l'horreur :
Les
têtes fichées sur les poteaux ;
Les
filles jetées au fil de l'eau ;
Les
hommes écartelés nus sur la roue,
Frappés
encore et encore de barres de fer ;
Les
femmes mises au trou et couvertes de terre ;
Et les
bourreaux dansaient dans cette gadoue.
Till
les regardait toues ces morts avec courage.
À
Louvain, il vit brûler d'un coup trente luthériens.
À
Limbourg, une famille mourait en se tenant la main.
En
ce temps-là, Till ravalait sa rage.
En
ce temps-là, sur les places coulait le sang,
Tremblait
le feu, mouraient les cris, les hurlements.
Till errait muet dans ce monde dément,
Till errait muet dans ce monde dément,
Car
le ban de Till était de trois ans.