Les Pragois étaient allés à Sankt Pauli
Canzone
française – Les Pragois étaient allés à Sankt Pauli – Marco
Valdo M.I. – 2013
Histoires
d'Allemagne 100
An
de Grass 03
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Soirée à Sankt PauliVergnuegen auf St. Pauli, 1930. - Elfriede Lohse-Waechtler |
Comme celle de 1901, celle d'Else du Mont des Oliviers, cette Histoire d'Allemagne n'est pas à sa place chronologique. Et comme je l'ai déjà expliqué, si elle vient si tard, c'est qu'il y a presque trois ans maintenant, je ne savais pas trop comment l'assaisonner, comment faire une chanson avec une histoire comme celle-là. Mais avec le temps, finalement, je comprends mieux les choses ; surtout, celles qui ne sont pas explicitement dites.
Aide-moi
un peu..., dit Lucien l'âne un peu éberlué. De quelles choses
parles-tu ? Donne-moi un exemple...
Les
Pragois, par exemple. Que viendraient faire des Pragois dans un match
qui doit désigner le champion d'Allemagne ? La réponse est
simple... Ce sont les Allemands de Prague. Les Allemands de Prague,
tu imagines... On est en 1901... Prague dans le championnat
d'Allemagne... On sait ce que ça donnera en 1939, cette idée de
Prague en Allemagne... Encore une chance que ce soit Leipzig qui ait
gagné... Imagine un instant... Prague, champion d'Allemagne...
Quelle ironie ! Une autre indication concernant l'équipe de Leipzig,
cette fois... C'est un joueur Polonais naturalisé allemand, le
dénommé Stany – dans la chanson et sur le terrain et de son nom
civil : Bruno Stanischewski... qui va conduire l'équipe à la
victoire. On en verra aussi bien d'autres des Polonais d'origine être
naturalisés après 1939... Ainsi, tu peux voir que les phrases et
les histoires ne sont pas aussi innocentes qu'elles en ont l'air.
On
dirait même parfois qu'elles font de la prémonition, dit Lucien
Lane en clignant malignement de l’œil gauche.
J'irais
jusqu'à dire de la prédiction créatrice. Et dans le fond, ce n'est
pas si faux... Les mots, les histoires construisent le monde ou en
tous cas, participent de la création du monde ou autrement dit,
interfèrent dans l'histoire. D'ailleurs, le mot histoire lui-même,
tel que je viens de l'utiliser, est actuellement un mot suspect ;
c'est un mot qui déplaît, c'est un mot tabou. Car en parlant
d'histoire, je fais deux choses : j'inscris ma chanson dans un monde
de la durée, un monde qui s'échappe de l’instantané, de
l'événementiel, de l'immédiateté, du superficiel et j'entame une
réflexion, je remets en action la pensée comme mode d'organisation
du monde – la pensée et pas la hasardeuse main invisible si chère
aux économistes. Le mot « histoire » est aussi suspect car il a un
sens et ce sens de l'histoire – à la fois, direction et
signification, ce sens de l'histoire renvoie à ce qui se passe dans
la durée, à voir ce qui déchire le monde dans la durée, à voir
que la guerre n'est pas un processus accidentel, mais un élément
constitutif de notre monde, de celui dans lequel actuellement nous
vivons ; en bref, il renvoie à la Guerre de Cent Mille Ans, cette
guerre que les riches font aux pauvres pour imposer leur pouvoir,
pour instaurer leur domination, pour assurer leurs privilèges, pour
accroître encore et toujours leurs richesses. Et à partir de là,
la pensée se met à gamberger, elle gagne sa liberté, elle échappe
aux contrôles, elle se refuse à la domestication et elle se met à
penser le monde, à y introduire de la conscience, à y voir ce qui
s'y fait et à dire ce qui ne se fait pas. À partir de là, elle
entre en résistance...
Ora
e sempre : Resistenza ! , dit Lucien l'âne. Mais pour en revenir à
la canzone, il me semble que tu avais déjà raconté des matchs de
football...
En
effet et si je me souviens bien, il y en a déjà eu trois... Il y
eut dans l'ordre chronologique : Bottines et gros souliers (vers
1912) [[11143]], Le Pied d'Ivan (1942) [[40978]] et Le Miracle de
Berne (1954) [[39654]].
Alors,
si tu le veux bien, passons à la chanson et puis, nous reprendrons
notre tâche et ensemble, tels des canuts d'aujourd'hui, nous
tisserons le linceul de ce vieux monde volatil, superficiel,
concurrentiel, hasardeux et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Après
notre sept à deux, on a dit
Les
Pragois étaient allés à Sankt Pauli
La
veille du match, tard dans la nuit
Passer
du bon temps avec les filles
C'est
une légende, c'est un bruit
Ce
qui est sûr, c'est que nous
À
dix-sept, dans le train de nuit
Depuis
Leipzig et pas en wagon-lits,
Tous
en troisième classe, qu'on était nous.
Pour
la finale, sur le terrain d'Altona
Nos
onze joueurs étaient là en rang d'oignon
Et
même l'arbitre et les onze Pragois,
Deux
mille spectateurs et pas de ballon.
Les
Pragois ne rigolaient pas
Le
public et nous, on riait gaiement
L'arbitre,
un joueur d'Altona
Regardait
sa montre pour passer le temps
Enfin,
le ballon arriva
Le
soleil et le vent du côté des Pragois
Grâce
à quoi, Meyer mit le premier but
Friedrich
mit, pour nous, le deuxième but
À
la mi-temps, on en était toujours là.
Ensuite,
le vent changea
Bref,
avec Stany et Riso, le festival
Nous
mena au premier titre national
L’arbitre
qui s'y connaissait
Impartial
concluait
Par
écrit et de sa main
Les meilleurs ont gagné, à la fin.
Les meilleurs ont gagné, à la fin.
Après
notre sept à deux, on a dit
Les
Pragois étaient allés à Sankt Pauli
La
veille du match, tard dans la nuit
Passer
du bon temps avec les filles
C'est
une légende, c'est un bruit
L’arbitre
qui s'y connaissait
Impartial
concluait
Par
écrit et de sa main
Les meilleurs ont gagné, à la fin.
Les meilleurs ont gagné, à la fin.