lundi 15 décembre 2014

Le Poseur de Rails

Le Poseur de Rails

Chanson française – Le Poseur de railsRené-Louis Lafforgue – 1956


Je suis un poseur de rails
Comme l'était mon père.





Ah, Lucien l'âne mon ami, j'avais inséré l'autre jour une chanson de René-Louis Lafforgue, chanteur libertaire, surtout connu pour ses chansons gouailleuses et dansantes. Cette chanson – Les Enfants d'Auschwitz [[48636]]- reflétait cependant l'autre versant de René-Louis, celui d'un fils de réfugiés espagnols, venus d'Euzkadi (qu'on nomme souvent par ici, le Pays Basque), fuyant la dictature franquiste et les massacres qu'elle perpétra avec l'appui armé (Guernica est en Euzkadi) des fascistes italiens et des nazis allemands. Derrière le chanteur de musette, on découvrait un artiste militant anarchiste – comme Maurice Fanon, Henri Tachan, Léo Ferré, Georges Brassens...


Je m'en souviens très bien de cette chanson assez bouleversante et qui mérite bien sa place près de celle de Guccini [[7]], par exemple. Et celle d'aujourd'hui, de quoi elle parle ?


Je la qualifierais volontiers de chanson de travail et même, aussi, de chanson d'émigration, de chanson du rail… Elle pourrait très bien se trouver auprès du Train du Nord de Félix Leclerc ou des Routiers [[46658]] d'Yves Montand. En fait, c'est un de ces poseurs de rails, fils de poseur de rails, la reproduction sociale, tu connais ça… C'est tout, rien de plus qu'une vie. La chanson, en fait, ne le dit pas, mais elle évoque combien le développement du réseau ferré a tué d'hommes – par centaines de milliers… pour le plus grand profit d'anonymes actionnaires. L'extension du rail, c'est un des épisodes terribles de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour étendre leur domination, accroître leurs richesses… D'ailleurs, elle se poursuit dans le Valsusa [[28]], par exemple. Et puis, il y aqu'elle réserve cette chanson une fameuse surprise …


Une surprise ? Quel genre de surprise peut bien réserver une chanson ?, dit Lucien l'âne tout subitement redressé des oreilles à la queue.


Eh bien, libertaire, René-Louis Lafforgue l'était au fond de l'âme et il avait un ami, dont il fit un temps les premières parties de récital, et cet ami est un autre libertaire venu du Sud-Ouest de la France, le guitariste Georges Brassens. La surprise est que l'accompagnateur de René-Louis Lafforgue est tout simplement Brassens lui-même. Je ne connais pas d'autres exemples de pareille prestation de Tonton Georges…


Oufti, ça vaut la peine de regarder la vidéo… Pour le reste, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde maillé de fer, ferré de rails, enserré dans un filet d'acier et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop

Je suis un poseur de rails
Comme l'était mon père.
Je me suis mis au travail
Quand la mort lui dit "Vieux frère"
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop


J'ai hérité du chemin
Que mon bonhomme de père
Avait suivi comme un chien
Jusqu'à son heure dernière.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop

Au boulot vaille que vaille,
On creuse, on pioche et l'on taille,
Par les champs et la rocaille,
L'immense route du rail.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop


On construit un éventail
Qui, par Rome ou par Nanterre,
Grandit comme la semaille
Sur tous les coins de la Terre.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop


Dès que paraît le matin
Les sirènes nous rappellent.
On oublie le mal de reins,
On n'est pas des demoiselles.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop


Chaque jour, maille après maille,
Grandit le chemin du rail.
Attachés à la ferraille,
En chœur tout le monde gouaille.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop


Je vais le long du chemin
La musette en bandoulière.
Je repars toujours plus loin
Jusqu'à mon heure dernière.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop


Quand trop vieux pour le turbin,
Je ne pourrai plus rien faire,
En voyant passer les trains,
J
e viderai quand même quelques verres.
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop
Re-hop, re-hop

Les Enfants d'Auschwitz



Les Enfants d'Auschwitz

Chanson française – Les Enfants d'Auschwitz - René-Louis Lafforgue - 1966




René-Louis Lafforgue
(1928-1967) - Auteur, Compositeur, Interprète

Né à Donostia – Saint Sébastien (Euzkadi). À la fin de la Guerre Civile espagnole ses parents doivent se réfugier en France. Auteur et chanteur libertaire, au début des années 1950 il interprète ses compositions dans les cabarets.
En 1956, il se fait connaître du grand public avec "Le Poseur de rails", et surtout avec "Julie la rousse", chanson pour laquelle il obtient le Grand Prix du Disque. Il poursuit dans cette veine, sans trouver le même écho auprès du public avec ses titres suivant : "Ça c'est chouette" (1958), "Grand Manitou" (1961), "L’École buissonnière" (1963), "Les Enfants d'Auschwitz" (1966).
Il ouvre un cabaret rue de l'Arbalète à Paris, L’École Buissonnière, du nom d'une de ses chansons. Sa femme continue un temps de le diriger après sa disparition dans un accident de voiture.


Quand le matin mon fils, mon gars,
Je te vois haut comme trois pommes
Me tendre les bras, mon bonhomme,
En riant pour rien aux éclats.
En te voyant mon gars, mon fils,
Je revois les enfants d'Auschwitz.

Toi mon garçon, sang de mon sang,
Chaque instant, chaque heure qui sonne,
Tu en uses mieux que personne
En mille et un jeux innocents.
Lorsque tu joues mon gars, mon fils,
Je repense aux enfants d'Auschwitz.

Pierrot gourmand, cuiller en main,
Croisant un pot de confiture,
Tête à tête avec l'aventure
Tu n'attends jamais à demain.
Quand tu manges mon gars, mon fils,
Je pleure les enfants d'Auschwitz.

Capitaine, si ton bateau
Fait naufrage dans la baignoire,
Ce n'est jamais la mer à boire
Je mets toujours le nez dans l'eau.
En te lavant mon gars, mon fils,
Je lave les enfants d'Auschwitz.

Marchand de sable quand tu dors,
Le rêve est toujours au bout de ton pouce ;
La Grande Ourse sur ta frimousse
Tisse pour toi la Toison d'Or.
En te berçant mon gars, mon fils,
Je berce les enfants d'Auschwitz.

Un million trois cent mille morts,
Cent soixante heures sur le qui-vive.
J'ai parfois le cœur qui s'enjuive
Quand j'entends ce confiteor.
En toi mon gars, par toi mon fils,
J'embrasse les enfants d'Auschwitz.