lundi 29 avril 2019

CHANT DES BAGASSES, PHARE DE CITOYENNETÉ

CHANT DES BAGASSES, 

PHARE DE CITOYENNETÉ

Version française – CHANT DES BAGASSES, PHARE DE CITOYENNETÉ – Marco Valdo M.I. - 2019
Chanson italienne – Canto delle battone, faro di civiltàDario Fo – 1964

Tiré du spectacle : "Settimo: ruba un po’ meno"
Parole
:Dario Fo
Musiq
ue : Fiorenzo Carpi
Te
xte in La Musica dell’Altra Italia






Dialogue Maïeutique

Quel étrange titre que celui-là !, dit Lucien l’âne. En vérité, si je n’étais pas âne si ancien et si répandu dans le monde, si je n’avais bourlingué jusque dans les vieux ports, je n’y comprendrais rien à ces bagasses et à ce phare. Cependant, je compte beaucoup sur tes explications.

Certes, Lucien l’âne mon ami, et je suis tout à fait ravi de pouvoir t’en donner quelques-unes. Et pour commencer je te rappelle qu’il s’agit ici de la version française d’un titre qui à première vue, dans sa langue d’origine : l’italien, n’est pas vraiment clair pour l’étranger à la langue et à la culture. C’est proprement une dimension particulière que j’ai voulu exprimer sachant que bayadères aurait donner un son trop oriental. Que sont donc ces « battone » pour qui n’a pas l’habitude de les fréquenter sous cette appellation ? Il y fallait donc un terme français qui, quoique très précis laisse flotter un parfum de lagune à l’exotisme brumeux. J’ai donc choisi « bagasses », peut-être aussi par proximité de son, ne voulant pas dire « putains », ni « prostituées » et moins encore, « péripatéticiennes », qui pourtant – tout comme « battone » – indiquait la déambulation comme mode opératoire.

Oh, dit Lucien l’âne, c’eût été une démarche d’apparence un peu trop philosophique.

Donc, reprend Marco Valdo M.I., ces « battone » sont des demoiselles qui littéralement « battent » le trottoir de leurs talons – Georges Brassens dit d’ailleurs – je cite de mémoire – dans sa « Complainte des filles de joie » (https://www.youtube.com/watch?v=HwPgs21a8_I), qui est une illustration du sens de « battone » :

« Car même avec des pieds de grue,
Car même avec des pieds de grue,
Faire les cent pas le long des rues,
Faire les cent pas le long des rues,
C’est fatigant pour les guiboles,
Parole, parole !
C’est fatigant pour les guiboles.
Non seulement elles ont des cors,
Non seulement elles ont des cors,
Des œils de perdrix mais encore,
Des œils de perdrix mais encore,
C’est fou ce qu’elles usent de groles,
Parole, parole !
C’est fou ce qu’elles usent de groles. »

Ah, dit Lucien l’âne, ce sont des déambulatrices de profession. À propos de profession, il en est de pires, mais à chacun son métier et les vaches seront bien gardées, dit-on par chez nous. Mais revenons à la canzone.

Oh, dit Marco Valdo M.I., on ne s’est pas éloignés une seconde. Tout au contraire, l’affaire se précise. Ces dames – étant ce qu’elles sont et faisant ce qu’elles font, exercent une profession libérale (du moins celles qui ne sont pas mises en esclavage ou sous dure tutelle par des exploiteurs avides) et par cette canzone, revendiquent leur rang dans la société au nom des services rendus et pas seulement, aux particuliers. L’argument est fort, comme le montre la chanson.

Certainement, Marco Valdo M.I., le titre doit être pris en quelque sorte avec des pincettes. Comme la chanson, il est tellement plein d’ironie qu’on dirait un oursin. Il est fort ce « phare de citoyenneté » qui caractérise, qui définit, qui autodéfinit les « bagasses » et pour tout dire, qui porte leur revendication de reconnaissance. On pourrait adapter à leur endroit cette revendication que portait Carlo Levi – « Non più cose, ma protagoniste ! », il en avait fait un tableau. Il y a dans cette canzone un « nous » qui s’autoglorifie. Tout comme les folles filles accompagnant les militaires et celles d’Anvers, qui défendirent vaillamment leur « jour d’amour », celles-ci revendiquent l’éminence de leur rôle dans la société, la grandeur de leur âme et l’importance de leur contribution à la gloire de la Nation et de la Marine. Pour les détails, voir la chanson qui est pleine de moralité.

Dès lors, Marco Valdo M.I. mon mai, tissons le linceul de ce vieux monde éclairé, financé, entretenu par ces dames et néanmoins, cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les premières femmes qui ont été
En Palestine débarquées par les Croisés
C’était nous, nous les dévergondées,
Les premières vraies femmes croisées.


Dans le Nouveau Monde, nous étions quarante.
Les premières femmes de la sainte Espagne :
Avant les prêtres, nous avons été débarquées
Et ensuite aux caciques, on nous a cédées.


Nous sommes le phare de la civilisation,
Les vraies dames de charité, pleines d’abnégation :
Nous vendons de l’amour qui n’a pas de prix,
En noir et à bas prix.


Quand dans le temps, désormais passé,
Dans des maisons closes, on allait pécher,
Notre amour y était taxé
Et environ un tiers allait à l’État.
Avec cet argent, on a calculé,
Ils se sont payé un trois-mâts,
Un croiseur et un cuirassé
Qui voguent sur la mer toujours
Aujourd’hui, payés par notre amour,
Par trente pour cent de notre amour.


Si vous pensez alors que les matelots
Ont dépensé chez nous le fruit de leur boulot
Et que nous avons à nouveau reversé
À notre royal État, un bon tiers,
Il est clair que nous avons couvert
Toutes les dépenses de l’amirauté,
Et notre État pour sa frégate.
N’aura pas déboursé une datte.


Nous sommes un phare de citoyenneté,
De vraies dames de charité et
La patrie doit se souvenir toujours
Que quand un croiseur vient au jour,
Il est le fruit de notre amour !


samedi 27 avril 2019

LE CHANT DES SANS-ABRI


LE CHANT DES SANS-ABRI 


Version françaiseMarco Valdo M.I. – 2019
Chanson allemande – Das Lied Der Obdachlosen – Bertolt Brecht – 1932

Paroles de Bertolt Brecht
Musique de Hanns Eisler
Avec Solidaritätslied, une autre chanson de Brecht-Eisler, incluse à l’origine dans la bande sonore du film « Kuhle Wampe, oder Wem gehört die Welt" (« Ventre vide, ou À qui le monde appartient ») réalisé en 1932 par Slatan Dudow sur un scénario de Brecht et Ernst Ottwald.



Obdachlos Berlin 2019




Je pense que « Das Lied Der Obdachlosen – LE CHANT DES SANS-ABRI » devrait accompagner les séquences du film dans lequel, après le suicide de son frère au chômage, la protagoniste Anni et ses parents sont expulsés de la maison et sont obligés de rejoindre d’autres personnes expulsées et au chômage dans un camp de tentes et de baraquements à la périphérie de Berlin que ces mêmes habitants ont appelé « Kuhle Wampe ». Les producteurs du film ont cependant préféré retirer le morceau de la bande sonore afin de ne pas tomber sous la censure, car il s’agissait essentiellement d’une satire de l’article 115 de la Constitution allemande de 1919, qui dit : « La demeure de tout Allemand est pour lui un lieu d’asile et est inviolable. Les exceptions ne sont admissibles qu’en vertu de la loi. » 

La censure frappa malgré tout et durement le film : projeté dans 14 cinémas de la capitale en mai 1932, « Kuhle Wampe » fut immédiatement retiré pour offense au gouvernement et à l’administration de la justice. En effet, le film dénonçait clairement l’inefficacité des mesures gouvernementales pour le travail et contre le chômage et la bureaucratie judiciaire sourde aux demandes légitimes de protection et de justice des classes défavorisées. Dudow, Brecht et Ottwald ont notamment été contraints de couper court à une scène dans laquelle était dénoncé un décret d’urgence qui réduisait les allocations de chômage et une autre dans lequel un juge s’est montré indifférent aux manifestations d’Anni pour l’expulsion qui avait eu lieu. « Kuhle Wampe » eut aussi des problèmes du point de vue de l’offense à la religion et à la pudeur : la scène dans laquelle un groupe d’ouvriers se baignent complètement nus dans la rivière tandis qu’en arrière-plan le clocher d’une église sonne les heures fut coupée et, surtout, la scène qui regrettait que le crime d’avortement fut introduit dans le code pénal, fut éliminée (la protagoniste Anni tombe enceinte, puis avorte) et dans laquelle était présentée la publicité pour une marque connue de préservatifs de l’époque… ( ‎‎Bertolt ‎Brecht en el mercado donde se compran las mentiras, di Angel Ferrero, Barcellona)‎



Nous, on voulait avoir un abri.
Ils ont dit : « Allez donc vite là-bas ! »
Nous, on criait comme des corbeaux :
Nous, on voudrait avoir un abri.
C’est plein de gens partout là-dedans.
Réfléchissez-y, il faut régler ça,
Car on ne peut pas continuer comme ça.


Nous, on voulait trouver un emploi.
Ils ont dit : « Faites la queue ! » :
L’entreprise était déjà en faillite,
Et devant attendaient des gens
Et ils nous ont demandé, où on pouvait trouver quelque chose.
Réfléchissez-y, il faut régler ça,
Car on ne peut pas continuer comme ça.


Nous, on a dit : « Allons nous baigner.
L’eau était aussi bien à nous.
Quand nous, on a nagé
On a voulu retourner et ils ont demandé :
Qu’allez-vous faire à présent ?
Réfléchissez-y, il faut régler ça,
Car on ne peut pas continuer comme ça.

jeudi 25 avril 2019

Le Procès-verbal



Le Procès-verbal


Lettre de prison 24

31 mai 1935


Carlo Levi 1935






Dialogue Maïeutique


La chanson, Lucien l’âne mon ami, s’intitule « Le Procès Verbal ». Et il me vient à l’esprit soudain cette question : « Combien y a-t-il de procès-verbaux dans le monde chaque heure, chaque jour, chaque année et ainsi de suite et dans toutes les autres ? ». J’en ai la tête qui chavire et plus encore quand je pense qu’ils sont tous conservés dans des archives.

Ah, les archives, Marco Valdo M.I. mon ami, j’en ai le tournis. Si on les empile à un endroit, elles doivent être plus grandes que l’Himalaya et dire que certains craignent les inondations ou les mouvements tectoniques qui engendrent les montagnes et les plissements de terrain. Mais les archives seront bien plus rapides, car nourries par les procès verbaux, copieusement, elles vont bientôt nous submerger, tous. C’est le délire de l’humanité de vouloir tout conserver et tout pérenniser les monuments, les papiers ; tout éterniser à commencer par elle-même.

Les archives, copieusement nourries pas les procès-verbaux, sans doute aucun, vont nous écraser, Lucien l’âne mon ami ; à moins que ce ne soient les automobiles ou les objets qui l’emportent dans cette course à l’ensevelissement. Donc, la chanson de prison s’intitule : « Le Procès-verbal » ; il s’agit du célèbre PV d’interrogatoire du Sieur Levi par la police politique, autrement dit les agents, les inspecteurs, les commissaires ou que sais-je encore, de la trop célèbre OVRA, descendante directe de l’Okhrana, police secrète et politique de l’Empire russe, dont la Tcheka, le Guepeou (GPU), le NKVD, le KGB, le FSB sont les clones successeurs, mais ce n’est aps pour autant une spécificité russe, encore moins une exclusivité, et on avait le temps, on pourrait en faire la recension tout au travers de l’Histoire et partout dans le monde contemporain.

D’accord, Marco Valdo M.I. mon ami, cependant, ce n’est pas le moment ; parle-moi plutôt de la chanson elle-même.

Elle commence, dit Marco Valdo M.I., par des considérations sur la peinture et cet insistant espoir de libération qui est à la fois, réel et en grande partie aussi, une pose du prisonnier Levi pour dérouter ses censeurs. On y trouve aussi toujours et encore ces réfutations des accusations qui sont portées à son encontre :

« Un homme politique dangereux, moi ?
Où ont-ils été chercher ça ? »

Et cette pointe, cette pique, terriblement aiguë, pour le censeur qui sait lire :
Pour le reste, lire leurs archives
Quand ils auront disparu. »

Quand ils auront disparu… Il parle des fascistes, il annonce la fin. En clair, le régime est de toute façon condamné à disparaître. Dans un univers et parmi des gens aussi soumis à leurs émotions, aussi superstitieux, cela revient à jeter un sort. En clair aussi, Carlo Levi est parfaitement conscient que les PV gardent traces de ces « entretiens » et de ce qui y est dit. Ce sont des révélateurs détonants dans le futur et de cette manière, celui qui collabore, celui qui trahit est dès ce moment pris dans le filet de la trahison et se voit obligé de continuer. C’est un mécanisme de chantage dynamique. Pour le reste, voir le texte de la canzone qui dit encore beaucoup de choses.

Je sais, dit Lucien l’âne, c’est ainsi avec les textes poétiques ; ils racontent toujours mille choses en quelques mots qu’on arrive à leur faire dire seulement en les laissant se déployer, un peu comme le parfum d’une rose dont on ne perçoit l’amplitude, la profondeur que si on prend la peine de lui tenir compagnie. Enfin, concluons et tissons le linceul de ce vieux monde terne, procédurier, fouineur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Un critique d’art du futur
Dans un siècle, scientifiquement,
Étudiera ma peinture.
Il lui faudra bien sûr
Tenir compte des événements.

L’autre fois, j’ai peint des fleurs
On change avec les ans
Et la peinture suit le mouvement.
Tout coule et rien ne demeure.
Que peindrai-je cette fois en sortant ?

Comment savoir ?
Le monde est dans un brouillard.
Je ne sais plus rien.
J’attends avec espoir
Qu’on me libère demain.

Procès-verbal de mon interrogatoire.
Dans le bureau de la police politique,
À Turin, a comparu…
Pour le reste, lire leurs archives
Quand ils auront disparu.

Un homme politique dangereux, moi ?
Où ont-ils été chercher ça ?
D’elle-même, la vérité s’imposera
Et le jour-même, on me relâchera.
Ah, je voudrais y être déjà !

Il n’y aura pas de bonne surprise.
Tout est décidé là-bas.
Mais à ma sortie, on dansera
Ensemble, ces danses assises.
Quelle belle fête, on se fera!

POÉSIE FACILE

POÉSIE FACILE


Version FRANÇAISE – POÉSIE FACILE – Marco Valdo M.I.2019
Chanson italiennePoesia facileMassimiliano Larocca2015

Poème de Dino Campana [1928]
Tiré des Canti Orfici (édition à compte d’auteur – Firenze 1914
Musi
que : Massimiliano Larocca
Interpr
étation : Massimiliano Larocca
Vo
ix et guitare ténor : Cesare Basile
Album
 : Un mistero di sogni avverati [2015]


Dino Campana



Le poète Dino Campana, né le 20 août 1885 à Marradi, en Toscane romagnole, aurait été fou, dit-on. Comme il y a maintenant beaucoup de biographies de ce grand poète, philologiquement correctes ou romancées (ainsi que des films et des scénarios), je n’en ajouterai certainement pas une autre, je ne parlerai pas de son célèbre et grand amour avec Sibilla Aleramo et ça se terminera que je ne dirai même pas qu’il est mort, vraiment là à l’asile, le 1er mars 1932 à Castelpulci près de Lastra a Signa, à deux pas de la villa (appartenant au ténor Enrico Caruso), qui vit beaucoup de sa relation avec Sibilla Aleramo.

Dino Campana est enterré à deux pas de là, presque comme un empereur, dans la médiévale et magnifique Badia a Settimo. Je l’ai vue par hasard, une nuit d’Halloween lointaine, quand je suis entré à l’intérieur de l’asile de Castelpulci (alors encore dans un état d’abandon sinistre, avant sa reconversion en quelque chose lié aux institutions juridiques universitaires européennes ou quelque chose comme ça, choses qui ne m’intéressent pas) avec une bande d’enfants qui grouillent à la recherche de babioles sans valeur (et le lieu les y incite vraiment, je le garantis).

Dino Campana, un grand poète, avait certainement un énorme malaise existentiel en lui ; mais qui n’en a pas ? Seulement, il n’est pas donné tout le monde d’être Dino Campana, avec tout ce que cela implique. Pendant longtemps, il est resté, sinon inconnu, au moins méconnu. Je m’étais toujours demandé pourquoi – par exemple à Florence – un poète « patriotique » comme Aleardo Aleardi s’était vu consacrer une grande avenue, alors que Dino Campana s’était vu réserver un cul-de-sac insignifiant à côté du Centre technique fédéral du Ballon, à Coverciano ; puis j’ai lu quelques critiques assez pompeuses, même dans ma grande et bien faite édition Oscar Mondadori, des « Canti Orfici », que j’avais achetéE à quinze ou seize ans. Une affaire de garçon, parce que Dino Campana est un de ces poètes qui vont droit au cœur des garçons, surtout s’ils sont difficiles et seuls, c’est-à-dire des garçons. Comme le garçon Rimbaud & d’autres, ou comme le garçon Massimiliano Larocca, auteur-compositeur-interprète florentin qui, semble-t-il, à l’âge de dix-neuf ans, il y a quelques années, a commencé à chanter précisément en mettant en musique certains des Canti Orfici (Chants Orphiques) de Dino Campana.

Contrairement à d’autres pays (je pense à la France, je pense à la Grèce), qui ont une grande tradition de poésie mise en musique par des gars (comme le gars Brassens, comme le gars Theodorakis), l’Italie des poètes en musique en a toujours produit peu. Sans parler d’un gars de Rifredi, un quartier populaire et prolétarien de Florence, qui commence à être auteur-compositeur-interprète en choisissant les Canti Orfici de Dino Campana, des chansonnettes vulgaires qui longtemps, n’ont pas été reconnues par la littérature italienne du XXe siècle, parmi les plus grandes choses produites par un pauvre homme qui a connu une vie étrange, pénible, presque toujours de merde et qui est mort dans la maison de fous. Ce garçon de Rifredi, cependant, s’est avéré être absolument récidiviste. Non seulement dans la suite de sa carrière, entre les retours de passions et de beaux étés, il a toujours continué à chanter et à transporter Dino Campana (une fois, il y a des années, même dans la villa d’Enrico Caruso à Lastra a Signa, j’y étais aussi et je peux en témoigner) ; l’année dernière, il est revenu à Dino Campana en beauté avec Nada, Riccardo Tesi, Cesare Basile et autres. Il a repris certaines de ses premières choses « campanianes » et en a mis d’autres en musique. Massimiliano Larocca est un peu plus âgé maintenant, il a toujours sa belle et chaleureuse voix (Il faut l’entendre pour le croire) et il porte régulièrement sa fameuse veste sombre, laquelle si Leonard Cohen la voyait, réactualiserait certainement le célèbre imperméable bleu. Et Dino, Dino Campana, est toujours là. Des choses de gars, en fait. Des histoires de fous.

Vous me pardonnerez si, en conclusion, j’utilise un instant les fameuses biographies dont, au début, j’ai dit que je ne voulais pas les répercuter ici. Après que personne n’ait voulu qu’il imprime et publie les Canti Orfici, et après avoir vu perdre le manuscrit par Ardengo Soffici, à qui il l’avait confié (il a dû le réécrire de mémoire), Dino Campana a imprimé et publié le livre à ses frais et a commencé à le vendre à Piazza Vittorio, à Florence, aux gens qui passaient. On était en 1914, des roulements de tambours et des sonneries de guerre, l’Italie patriote et nationaliste, tricolore et ainsi de suite. Les biographies, toujours elles, disent que, dégoûté par tout ça, Dino Campana dédia le livre à « Guillaume II, Empereur d’Allemagne ». Il ne recherchait pas la paix et ne supportait pas la guerre, le Campana de Marradi ; même si la « Poesia Facile » (Poésie Facile) remonte à 1928, les Canti Orfici (Chants Orphiques), son œuvre unique et éternelle, ne finit jamais et, peut-être, ne sont pas encore achevés à présent. Et il faut dire, certes, que cette phrase, le premier vers de ce poème, est généralement comprise comme un résumé précis de sa vie, des revers et des ruines d’un esprit, d’un « combat intérieur » sans solution.

Il n’y a pas, en somme, de référence directe au sujet principal de ce site, à son « topos », même s’il m’a plu de penser qu’il pourrait très bien fonctionner comme une sorte de slogan de synthèse (les voies de la poésie sont infinies). Au final, cette « POÉSIE FACILE », si elle doit aller quelque part, a été mise dans le « parcours » des asiles, bah. L’arbitraire ? Vous pouvez le penser, sans aucun doute. Bref, c’est aussi un « Mistero di sogni avveratiMystère des rêves AVÉRÉS », comme s’intitule l’album de Massimiliano Larocca. Par exemple, je rêve parfois d’être passé, vers 1914, Piazza Vittorio et d’avoir acheté un exemplaire original de Canti Orfici à un jeune homme qui était clairement à moitié retardé, ce qui, actuellement, aurait fait de moi un millionnaire. Rien à faire. Néanmoins, je voudrais souscrire à ce vers de Campana : « Je ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre ». Ça me représente : moi, toi, toi, nous, toi, lui, eux. Salutations. [RV]



Je ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre
Tranquille et seul, je vas par le monde en rêve
Plein de chansons suffoquées. J’aspire
Au brouillard et au silence dans un grand port.

En un grand port plein de voiles légères
Prêtes à appareiller pour l’horizon azur
Ondulant doucement, tandis que le murmure
Du vent en de brefs accords s’étire.
Et ces accords que le vent emporte
Loin au-dessus de la mer comme morte.
Je rêve. Je suis seul et ma vie est triste.

Ou quand ou quand en un matin brûlant
Mon âme s’éveillera au soleil, dans
Ce soleil éternel, libre et tremblant.

Et ces accords que le vent emporte
Loin au-dessus de la mer comme morte.
Je rêve. Je suis seul et ma vie est triste.

Ou quand
ou quand en un matin brûlant
Mon âme s’éveillera au soleil, dans
Ce soleil éternel, libre et tremblant.

Je ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je ne cherche pas la paix.

mercredi 24 avril 2019

DINO CAMPANA – POÈTE SECRET


DINO CAMPANA – POÈTE SECRET


Version française – DINO CAMPANA – POÈTE SECRET – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Dino CampanaMassimo Bubola – 1997



Pour mieux comprendre le monde, ils échangeaient leurs yeux.
Leurs lentilles de larmes, leurs lentilles de feu.





Peu l’ont compris, beaucoup s’en sont moqués.
Ce poète enfant, tant l’ont tué
Tant de critiques idiots, de poètes de salon.
Tant d’illustres collègues ont effacé son visage.



J’ai rêvé de Dino Campana, cette nuit
À la lune pâle avec le fantôme d’Ophélie
Pour mieux comprendre le monde, ils échangeaient leurs yeux.
Leurs lentilles de larmes, leurs lentilles de feu.
Lui ne voulait pas la paix et il ne voulait la guerre,
Seulement jeter ce pont entre l’infini et la terre ;
Lui ne voulait pas d’un amour pour s’abriter du ciel ;
Alors, il descendit en enfer pour se sauver du gel.



Hier, j’ai rêvé de Dino Campana.
Je voyais descendre du Falterona
Et tomber près de lui une étoile lointaine
Et couvrir de sang cette montagne noire.



Et de Dino Campana, nous avons lu le pénible sort
Dans les lumières les plus sombres, dans les plus claires ombres :
La douleur de l’enfant d’une mère distante,
Sa courte vie, sa longue mort.



Lui ne voulait pas la paix et il ne voulait la guerre,
Seulement jeter ce pont entre l’infini et la terre ;
Lui ne voulait pas d’un amour pour s’abriter du ciel ;
Alors, il descendit en enfer pour se sauver du gel.
Il n’a jamais eu le prix Nobel
Et aucun prix d’aucune sorte ;
C’était un poète des choses secrètes,
Des vagues immenses
Et oublié par les jours, il mourut à l’asile,
trop d’électrochocs ont brûlé ses rêves.

lundi 22 avril 2019

LE CAS CAMPANA

LE CAS CAMPANA



Version française – LE CAS CAMPANA – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Caso CampanaRebi Rivale – 2011







Dédié au grand poète florentin, mort après des années de réclusion dans un asile.

Dialogue Maïeutique


Oh, dit Lucien l’âne, c’est une belle dédicace, mais quand même, j’aimerais savoir qui était ce grand poète florentin, car il doit y avoir plus d’un poète florentin ; la chose est certaine. Quant à la taille ou la grandeur, sans doute la grandeur, elle est relative. Bref, cette expression est équivoque et d’autant plus, si – comme toi et moi, on est des ignares en matière de poètes florentins. Raison de plus pour nous informer.

Tu as parfaitement raison, répond Marco Valdo M.I. et n’eut été la notice de Riccardo Venturi, je n’aurais même jamais pu deviner de qui il pouvait bien s’agir. Il n’y aurait rien eu là de mal, mais je peux répondre à ton interrogation. C’est le miracle contemporain que de pouvoir à toute vitesse retrouver la trace d’un inconnu. Lors donc, il me faut combler cette lacune et te parler un peu de ce poète mystérieux. Mais avant pour bien faire sentir la difficulté, je te dirai de façon aussi lapidaire que je dédie ce dialogue au grand poète bruxellois, qui tel la rose de Ronsard mourut à peine éclos.

J’admets, dit Lucien l’âne, que pour la plupart des gens, ce serait une fameuse colle. N’était-ce pas celui à qui on fit un joli monument pas loin du bois et où on grava de ses vers :
Sur le banc, on peut lire :

« Qui m’écoute chanter me garde de mourir »

et sur la fontaine :

« Je t’offre un verre d’eau glacée
N’y touche pas distraitement,
Il est le prix d’une pensée
Sans ornement ».

Et si je ne me suis pas trompé, c’est Odilon Jean Périer (1901-1928), mais j’ignore toujours de qui il est question dans cette chanson.

C’est bien lui, rétorque Marco Valdo M.I. ; quant à celui de la chanson, il s’agit de Dino Carlo Giuseppe Campana (1885-1932), dont l’existence fut assez tumultueuse. Il passa notamment, dit-on, par l’Argentine et Bruxelles où on dut l’interner avant de le remettre à sa famille en Italie, où il finit sa vie à l’asile des années plus tard, comme il est dit plus haut. Je n’en dirai pas plus si ce n’est deux trois mots pour insister sur le fait que ceci est une version ; ce qui veut dire en clair, qu’il pourrait en exister tant d’autres que j’en ai le tournis.

Ah, dit Lucien l’âne, voilà quand même un double mystère levé ; c’est déjà pas mal. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde mystérieux, glauque, incompréhensible et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






J’écris je ne sais quoi, pourtant
Je suis un pauvre diable qui écrit comme il entend,
Les mains d’un pauvre diable écrivent avec le sang.


Seul,
J’étais libre et seul.
J’ai vécu parmi les faucons et les putes.
Je partage corps et âme
En écrivant des paroles
De vent, de nuages, de terre,
De soleil et d’ombres.


Ah ! Je vous en conjure, Docteur,
Toutes ces questions dévorent mon cœur
Je ne sais pas si c’est réel ou seulement une idée.
Un parfum de roses volutées,
Inattendues, cherchées, trouvées,
Balafrées de larmes,
De sang et d’épines.
Si seulement je savais comment oublier
Le bruit des pétales tombés
Sur ce voyage trop court
Que nous, nous avions appelé
Amour.
Ils ont tué mon amour
Et moi, je ne sais aucun autre rêve ou une consolation,
Si je suis en vie depuis un siècle ou une seule saison.


Je pars
Pour aller loin des voix,
Qui criaient « le fou » ;
Des yeux qui m’ont rendu fou,
Vous savez, docteur, comme il est dur de rester là,
Quel grand courage, il nous faut à nous.


Ah ! Ma tête qui explose.
N’entendez-vous pas ce bruit lointain qui gronde ;
Je ne sais plus si c’est mon monde
Ou la pluie qui tombe.


Un parfum de roses volutées,
Inattendues, cherchées, trouvées,
Balafrées de larmes,
De sang et d’épines.
Si seulement je savais comment oublier
Et défleuries les roses, qu’est-il resté ?
Un amour arraché des mains et ensuite, égaré.
Elles étaient miennes, ses roses des jours jamais été ;
Ses roses étaient mes roses, ensuite oubliées pour toujours
Dans ce voyage que nous, nous avions appelé
Amour.
Ils nous ont tué l’amour
Et moi, je n’ai plus de réponses, je ne veux pas parler.
Et j’oublie un nom,
Son nom,
Mon nom.