lundi 10 septembre 2018

Meurtre dans les Dunes


Meurtre dans les Dunes



Chanson française – Meurtre dans les Dunes – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
87
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLIII)






Dialogue Maïeutique

Cette fois, Lucien Lane mon ami, qui va balançant les oreilles, pour situer ce titre, digne, je te l’accorde, d’un roman policier – et d’ailleurs, on verra que c’est un peu de ça qu’il s’agit, je dirai volontiers que guerre ou pas, la vie continue.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, j’aime beaucoup cette expression qui déclare que la vie continue, mais la penses-tu vraiment appropriée à un tel titre ?

Certes que oui, Lucien l’âne mon ami, car elle aide à comprendre ce qu’est la résilience dans une société désemparée par la guerre, meurtrie par mille blessures, éperdue par le chaos ambiant qui la pollue et l’empoisonne. Certaines de ses règles de bonne vie se perdent, le désarroi mine ses plus sûrs fondements.

Somme toute, dit Lucien l’âne, mais d’une certaine façon, on le savait déjà – peut-être même sans le savoir consciemment – que la guerre ne se fait pas qu’au front, qu’elle se meut jusque dans les plus innocents paysages. La guerre pourrit la vie qui, comme tu le dis, malgré tout, continue. Et pour ce qui me concerne, c’est heureux !

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, j’imagine qu’une science pourrait, si elle en prenait la peine, calculer le coefficient de résilience d’une population, d’un groupe, d’une personne, pris dans les arcanes d’une guerre. Mais tel n’est pas le sens de ma chanson.

Ce qui, soit dit en passant, dit Lucien l’âne, pourrait être passionnant et sans doute également, utile et pas seulement, à la polémologie, qui est la science de la guerre et qui devrait figurer parmi les préoccupations des plus pacifiques des pacifistes. Pour en finir avec la guerre, il me semble qu’il faudrait comprendre ce qu’elle est dans son rapport avec la paix, car elles sont les deux versants d’une même chose ou des degrés différents d’intensité d’un même état de société micro ou macrocosmique.

Cette fois, Lucien l’âne, c’est moi qui t’arrête dans tes débordements. Revenons à la chanson. Donc, il y a un meurtre, celui d’une jeune fille qui s’en était allée confiante par le chemin des dunes porter quelqu’argent à son oncle qui réside au village voisin. Elle a déjà souvent parcouru cette sente dans les dunes ; il fait plein jour et le ciel est dégagé. Je veux dire par là qu’ordinairement, il n’y a aucun danger à fréquenter cet endroit. Et soudain, c’est le drame. Des pêcheurs revenant de la plage la retrouvent le lendemain. Le médecin légiste – à l’époque, le chirurgien-barbier, conclut à l’assassinat par un loup-garou. Mais au fait, sais-tu ce qu’on appelle ainsi ?

Évidemment et je te le prouve, dit Lucien l’âne, en te disant que le loup-garou aurait aussi bien pu s’appeler de garloup, qui refléterait mieux le vieux nom francique de werwulf, werwolf et je suppose, en néerlandais, weerwolf. Mais brisons là et reprenons notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde belliqueux, belliciste, chimérique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dans les campagnes, dans les villes,
La guerre va et vient son train
Elle bouscule tout
Et malmène les humains.

Le chaos hante la vie civile,
Nulle part on n’est tranquille.
Le monde est sens dessus dessous,
L’air même a un sombre goût.

Dans les Pays, la mort partout,
Insidieuse, se glisse clandestine ;
Elle prend les gens par le cou,
De ses doigts gourds, elle assassine.

Alors, insouciante, une fille de quinze ans,
Belle comme la vie l’est en son printemps,
Au travers des sables, seule, en plein jour,
Vers Knokke prend le sentier le plus court.

Les loups-garous ne mordent que la nuit,
Ainsi, aussi, dit-on, les mauvais esprits.
La fille s’en va par la sente des dunes,
La route est sûre entre les communes.

Betkine, la belle enfant, se nomme ainsi,
A mis ses plus beaux vêtements.
Elle va chez son oncle Henri
Porter quarante-huit sols d’argent.

Au soir, elle n’est pas rentrée.
Sa mère ne s’en inquiète pas trop ;
Chez l’oncle Henri, elle est restée,
Elle reviendra demain au matin tôt.

À l’aube, les pêcheurs de retour de la mer
Tirent le bateau au sec sur la plage,
Emportent le poisson par charretée entière
À l’enchère de la minque du village.

Sur le chemin semé de coquillages,
Une fille bouche ouverte, toute nue, dort.
De sa nuque brisée, le sang sort
Des marques de dents d’une bête en rage.

Les pêcheurs la couvrent et la mènent à la commune.
Les édiles s’assemblent autour de l’infortune,
Le chirurgien-barbier examine le corps
Et dit : « Un loup-garou est cause de sa mort. »

BERCEUSE DU CRÉMATOIRE


BERCEUSE DU CRÉMATOIRE
 
Version française – BERCEUSE DU CRÉMATOIRE – Marco Valdo M.I. – 2009
Version italienne – NINNA NANNA DEL CREMATORIO – Leoncarlo Settimeli – 2006
d’une chanson en yiddish de Aaron Liebeskind, traduite et chantée en polonais par
Alex Kulisiewicz






En 1942, Aaron Liebeskind, un jeune horloger de Bilgoraj en Pologne avait été contraint de connaître l’assassinat de sa femme, Edith, et de son fils de 3 ans au camp de concentration de Treblinka . Il supplia le contremaître du crématoire de le laisser passer la nuit à veiller le corps de son fils. Aaron s’agenouilla à côté du corps de son enfant et composa les paroles de sa berceuse dans sa tête. Durant la nuit, cet homme de vingt-quatre ans devint tout gris. Il réussit miraculeusement à s’échapper de Treblinka, mais il fut capturé à nouveau et envoyé à Sachsenhausen où il rencontra et devint l’ami d’ Alex Kulisiewicz. Aaron raconta à Alex son histoire et lui chanta la chanson en yiddish, qu’Alex traduisit immédiatement en polonais. La mélodie est celle d’un air populaire, bien connu en Pologne, composé par le fameux chantauteur russe, Alexander Wertyński (1889-1957). À Sachsenhausen, Liebeskind chantait avec une voix basse profonde dans le chœur illégal de Rosebery d’Arguto. Aaron Liebeskind fut parmi ces prisonniers juifs qui en 1942, furent transportés à Auschwitz-Birkenau. Il y mourut en 1942-1943. Pour commémorer la tragédie de son ami, Kulisiewicz chanta la « Berceuse » en polonais jusqu’à la fin de son séjour à Sachsenhausen (Avril 1945).
Aleksander Kulisiewicz (1918-1982) (dit Alex) était étudiant en droit dans la partie de la Pologne occupée par les Allemands quand, en octobre 1939, il fut dénoncé pour des écrits anti-fascistes, arrêté par la Gestapo et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen, près de Berlin. Chanteur amateur et chantauteur, Aleksander Kulisiewicz composa 54 chansons durant les près de six ans de son emprisonnement à Sachsenhausen. Après la libération, il se remémora ces chansons ainsi que celles apprises de camarades prisonniers, dictant des centaines de pages de textes à son infirmière polonaise.



Crématoire porte noire
Qui à l’enfer mènera ;
On y traîne des corps noirs
Que la flamme brûlera.
On y traîne mon fiston
Aux cheveux d’or fin.
Avec en bouche tes mains,
Comment ferai-je, fiston ?

Oh, je me trompe et tu dors
Et alors mon fils, tu dors.
Fais dodo, mon petit et
Moi, moi, je te bercerai.

Et toi soleil, pourquoi tu te tais ?
Toi qui sais la vérité.
À peine, trois ans qu’il avait,
Mais ils n’eurent pas pitié.
Ses yeux de cimetière
Qui te regardent d’ici-bas
Font des larmes de pierre
Qui ne coulent pas.

Oh, je me trompe et tu dors
Et alors mon fils, tu dors
Fais dodo, mon petit et
Moi, moi, je te bercerai.