Meurtre dans les Dunes
Chanson
française – Meurtre
dans les Dunes
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 87
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XLIII)
Ulenspiegel le Gueux – 87
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XLIII)
Dialogue
Maïeutique
Cette
fois, Lucien Lane mon ami, qui va balançant les oreilles, pour
situer ce titre, digne, je te l’accorde, d’un roman policier –
et d’ailleurs, on verra que c’est un peu de ça qu’il s’agit,
je dirai volontiers que guerre ou pas, la vie continue.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, j’aime beaucoup cette expression qui
déclare que la vie continue, mais la penses-tu vraiment appropriée
à un tel titre ?
Certes
que oui, Lucien l’âne mon ami, car elle aide à comprendre ce
qu’est la résilience dans une société désemparée par la
guerre, meurtrie par mille blessures, éperdue par le chaos ambiant
qui la pollue et l’empoisonne. Certaines de ses règles de bonne
vie se perdent, le désarroi mine ses plus sûrs fondements.
Somme
toute, dit Lucien l’âne, mais d’une certaine façon, on le
savait déjà – peut-être même sans le savoir consciemment –
que la guerre ne se fait pas qu’au front, qu’elle se meut jusque
dans les plus innocents paysages. La guerre pourrit la vie qui, comme
tu le dis, malgré tout, continue. Et pour ce qui me concerne, c’est
heureux !
Vois-tu,
Lucien l’âne mon ami, j’imagine qu’une science pourrait, si
elle en prenait la peine, calculer le coefficient de résilience
d’une population, d’un groupe, d’une personne, pris dans les
arcanes d’une guerre. Mais tel n’est pas le sens de ma chanson.
Ce
qui, soit dit en passant, dit Lucien l’âne, pourrait être
passionnant et sans doute également, utile et pas seulement, à la
polémologie, qui est la science de la guerre et qui devrait figurer
parmi les préoccupations des plus pacifiques des pacifistes. Pour en
finir avec la guerre, il me semble qu’il faudrait comprendre ce
qu’elle est dans son rapport avec la paix, car elles sont les deux
versants d’une même chose ou des degrés différents d’intensité
d’un même état de société micro ou macrocosmique.
Cette
fois, Lucien l’âne, c’est moi qui t’arrête dans tes
débordements. Revenons à la chanson. Donc, il y a un meurtre, celui
d’une jeune fille qui s’en était allée confiante par le chemin
des dunes porter quelqu’argent à son oncle qui réside au village
voisin. Elle a déjà souvent parcouru cette sente dans les dunes ;
il fait plein jour et le ciel est dégagé. Je veux dire par là
qu’ordinairement, il n’y a aucun danger à fréquenter cet
endroit. Et soudain, c’est le drame. Des pêcheurs revenant de la
plage la retrouvent le lendemain. Le médecin légiste – à
l’époque, le chirurgien-barbier, conclut à l’assassinat par un
loup-garou. Mais au fait, sais-tu ce qu’on appelle ainsi ?
Évidemment
et je te le prouve, dit Lucien l’âne, en te disant que le
loup-garou aurait aussi bien pu s’appeler de garloup, qui
refléterait mieux le vieux nom francique de werwulf, werwolf et je
suppose, en néerlandais, weerwolf. Mais brisons là et reprenons
notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde
belliqueux, belliciste, chimérique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans
les campagnes, dans les villes,
La
guerre va et vient son train
Elle
bouscule tout
Et
malmène les humains.
Le
chaos hante la vie civile,
Nulle
part on n’est tranquille.
Le
monde est sens dessus dessous,
L’air
même a un sombre goût.
Dans
les Pays, la mort partout,
Insidieuse,
se glisse clandestine ;
Elle
prend les gens par le cou,
De
ses doigts gourds, elle assassine.
Alors,
insouciante, une fille de quinze ans,
Belle
comme la vie l’est en son printemps,
Au
travers des sables, seule, en plein jour,
Vers
Knokke prend le sentier le plus court.
Les
loups-garous ne mordent que la nuit,
Ainsi,
aussi, dit-on, les mauvais esprits.
La
fille s’en va par la sente des dunes,
La
route est sûre entre les communes.
Betkine,
la belle enfant, se nomme ainsi,
A
mis ses plus beaux vêtements.
Elle
va chez son oncle Henri
Porter
quarante-huit sols d’argent.
Au
soir, elle n’est pas rentrée.
Sa
mère ne s’en inquiète pas trop ;
Chez
l’oncle Henri, elle est restée,
Elle
reviendra demain au matin tôt.
À
l’aube, les pêcheurs de retour de la mer
Tirent
le bateau au sec sur la plage,
Emportent
le poisson par charretée entière
À
l’enchère de la minque du village.
Sur
le chemin semé de coquillages,
Une
fille bouche ouverte, toute nue, dort.
De
sa nuque brisée, le sang sort
Des
marques de dents d’une bête en rage.
Les
pêcheurs la couvrent et la mènent à la commune.
Les
édiles s’assemblent autour de l’infortune,
Le
chirurgien-barbier examine le corps
Et
dit : « Un loup-garou est cause de sa mort. »