mardi 26 mai 2020

Vivent les Vacances ! (2)


Vivent les Vacances ! (2)


Chanson française – Vivent les Vacances ! (2) – Marco Valdo M.I. – (26 mai) 2020













Dialogue Maïeutique

Lucien l’âne mon ami, cette chanson Vivent les vacances !(2) vient deux mois après la première version « Vive les Vacances ! » (1).

Quoi ?, dit Lucien l’âne, serait-ce un doublon ?

D’une certaine façon, oui, dit Marco Valdo M.I., on pourrait le penser au vu du titre et même de la structure de la chanson, qui est exactement pareille, mais voyons voir plus en détail la cause de ce pseudo-doublon ; les deux chansons s’intitulent : « Vive(nt) les Vacances ! » et elles ont été conçues à deux moments différents et les dates ont de l’importance. La première version date du 19 mars 2020 – c’est-à-dire au début du printemps et au début du confinement et la seconde, d’aujourd’hui, le 26 mai 2020 où lentement, le printemps se termine et où on déconfine. Entre les deux, deux mois ont passé. La première version fut écrite au temps des jonquilles ; la seconde quand les oiseaux s’en donnent à cœur joie dans les bois et les jardins ; quand dans les champs, les alouettes tout en haut trillent. Chacune de ces chansons fait le portrait du moment où elle est conçue. Cependant, pour les distinguer, j’ai volontairement fait appel à une de ces subtilités de la langue française contemporaine où Vive et Vivent les vacances, se dit ou se disent ; bref, les deux formes sont admises dans le même sens.

Oui, j’ai compris ces subtilités utiles, répond Lucien l’âne. Dans la première, l’hiver s’en allait ; dans la seconde, le printemps s’en va. Mais encore ?

Mais encore ?, dit Marco Valdo M.I. ; si la version primaire était comme pétrifiée devant la catastrophe qui s’amorçait et si la société ne savait pas encore exactement (le sait-elle aujourd’hui ?) ce qui l’attendait, ce qu’il fallait faire ou en penser. Depuis elle a eu le temps de s’habituer à cette situation, de s’accoutumer à vivre avec la peur, le masque et la mort, elle a pu en prendre la mesure et doucement se dépêtrer de cette embrouille.

Oui, dit Lucien l’âne, et finalement, comme on dit par ici : « En avant, y a pas d’avance ! »

Dès lors, reprend Marco Valdo M.I., cette seconde version fait une sorte de bilan et trace une esquisse d’avenir immédiat : celui des « vraies » vacances, celles de l’été qui vient, le retour à un antérieur qui n’existe plus. Pour le reste, c’est à elle de parler et de dire dans son mode poétique.

Je pense que c’est une très bonne idée, Marco Valdo M.I. mon ami, de ne pas vouloir nous substituer à la chanson ; sinon, à quoi elle rime ?, elle qui est la voix d’un autre niveau de notre monde, l’écho d’une autre conscience des choses : par moment, la voix de Cassandre ; par moment, la voix de la fée des contes ; à d’autres, la voix de la raison, la voix de la justice, la voix de la liberté – toutes personnes considérablement insaisissables. Bien entendu, ces voix ne s’expriment que si la chanson n’est pas de celles qui vendent, qui se prosternent, qui servent, qui se couchent ou qui exaltent le pouvoir et toutes les entités qui assujettissent. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde malade, hypocondriaque, pusillanime et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le printemps s’en va à grands pas.
Où sont partis les suaves lilas ?.
Au petit jour déjà, l’horizon est bleu :
C’est le printemps amoureux.
Ce matin, les roses sourient ;
Dans le jardin, les oiseaux babillent.
Le monde sort de pénitence.
Vivent les vacances.

Tout comme les mésanges et les fleurs,
Les femmes se pavanent au-dehors ;
Elles poulottent leurs corps :
C’est le printemps en couleurs.
Au moindre rayon, elles s’abandonnent.
Les rues, les magasins sont assiégés,
Toutes les cloches s’époumonent,
Enchanteuses, elles pressentent l’été.

Pressés, à bout de patience,
Certains croyants en confiance
Sont partis très en avance
Pour de grandes vacances
Au Paradis, au grand pays
De la divine abondance
Du soleil et des houris.
Vivent les vacances !


C’est le temps des trilles !
Primates en quête de primates,
On quitte les jours tranquilles,
Dressés sur deux pattes.
Le Paradis, on s’en fout
Notre Paradis, c’est le mois d’août.
En avant, il n’y a pas d’avance,
Vivent les vacances !

dimanche 24 mai 2020

Le Retour du grand Avion




Le Retour du grand Avion

Chanson française – Le Retour du grand Avion – Marco Valdo M.I. – 2020

Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.(5)




Dialogue Maïeutique

Oui, Lucien l’âne mon ami, je te le confirme, il s’agit bien du même avion que celui dont on parlait dans la chanson de l’autre jour, intitulée « Le grand Avion ». Ce grand avion qui s’en était allé un beau matin de l’aérodrome que l’enfant voyait de sa fenêtre. Toute cette histoire se passe à Gjirokastër à la fin de 1940 ou au printemps 1941. Le grand avion était parti avec toute l’escadrille italienne, mais il était le seul de son genre à cet endroit : un immense bombardier. Ils avaient quitté le nid au moment de la retraite italienne à laquelle l’armée grecque avait contraint l’envahisseur. Toute la région de Gjirokastër était tombée sous la coupe des Grecs.

Ah bien, dit Lucien l’âne, et si je comprends l’affaire, ce grand avion va revenir. Ce que je comprends pas, c’est pourquoi et ce qu’il vient faire là. Il veut retrouver son bercail ?

Pas du tout, Lucien l’âne mon ami. Je résume la situation. Dans la ville, les soldats grecs – dans leurs drôles d’uniformes d’evzones – ont remplacé les Italiens ; sur le terrain d’atterrissage, les vaches ont remplacé les avions, les enfants jouent à nouveau dans les rues : ils jouent à la guerre. Pour eux, tout retrouve un cours normal. Jusqu’au moment où…

Jusqu’au moment où ?, demande Lucien l’âne, au moment où quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

Jusqu’au moment où se met à hurler la sirène ; puis, on commence à entendre un terrible grondement et l’enfant voit revenir trois des avions partis il y a quelques jours. Au milieu de ceux-ci, il voit son ami le « grand avion ». Un drôle d’ami en vérité, car il va bombarder la ville et ce qui était son propre nid : l’aérodrome et massacrer les paisibles vaches qui y paissent avec une grande insouciance.

C’est malin, dit Lucien l’âne, bombarder des vaches, a-t-on idée ? Quel boucher ! Un tueur de vaches ! C’est assassin et grotesque. Ça me rappelle « Drôle de Drame », un film de 1937, où William Krans, le tueur de bouchers, une réincarnation végane de Jack l’Éventreur, expliquait ses crimes en disant – je cite de mémoire :
« Moi, j’aime les vaches ; elles ont de si beaux yeux. Et les bouchers tuent les vaches. Alors, moi, je tue les bouchers. »

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, voilà un syllogisme de premier plan et que j’approuve. C’est de la logique pure signée Jacques Prévert et souviens-toi la mémé disait dans « Le grand Avion » à l’avant-dernier quatrain :

« Ils sont méchants ces avions italiens,
Ils vont tuer des gens, mon garçon.
 »

Ainsi se termine toute l’histoire du grand avion de la chanson, mais, pour conclure, je te propose une anecdote à propos de ce grand avion Piaggio 108. Il faut savoir que s’il n’a été produit qu’en peu d’exemplaires, un de ceux-ci  (un avion résistant sans doute) s’est écrasé en juin 1941 tuant l’équipage et son commandant qui n’était autre que Bruno Mussolini, le fils du Duce.

Ho là, dit Lucien l’âne, c’était peut-être lui qui le pilotait lors de ce bombardement de Gjirokastër. C’est fou ce qui se cache derrière ces petites chansons. Par exemple, la chanson dit :

« Les vaches sont mortes au champ d’aviation. »

Je trouvais la formule curieuse, puis vraiment scandaleuse, car si elles avaient été des hommes, ces vaches seraient mortes au champ d’honneur. Maintenant, pour en finir avec le grand avion, tissons le linceul de ce vieux monde ludique, infantile assassin, tueur, mortel et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Les enfants ne peuvent pas jouer dans les rues.
Les soldats grecs finalement entrent en ville.
Au milieu de quelques rares civils,
Ils promènent leurs étranges tenues.

Les Anglais ne bombardent plus, of course !
Moi, je reste en cage comme l’ourse.
L’aéroport est désert ; le nez au vent,
Les vaches paissent en musardant.

Je déteste ces vaches, je les hais.
Je m’ennuie ferme à la maison,
Huit jours durant, je tourne en rond.
C’est très monotone, cette paix.

Les Italiens avaient fui sans trompette ni tambour,
Nous, on peut jouer sur la rue, dans les cours.
D’un coup, dans un beau charivari,
Tout le quartier est envahi.

Les gosses s’élancent en fanfare, joyeux ;
On attaque l’autre bande comme des furieux
Et soudain, tout s’arrête ; la sirène gémit.
C’est la trêve, tous aux abris !

Dans le ciel par-dessus le toit passe l’avion.
Ce ronflement énorme d’un dragon,
Je le connais, c’est lui, c’est le grand avion.
Les bombes tombent loin de la maison.

Le vacarme cesse, c’est la fin de l’alarme.
Je me relève le visage plein de larmes.
Je tremble, je cherche ma respiration.
Les vaches sont mortes au champ d’aviation.

vendredi 22 mai 2020

Vive les vacances ! (1)


Vive les vacances ! (1)

Chanson française – Vive les vacances ! (1) – Marco Valdo M.I. – (19 mars) 2020











Dialogue Maïeutique

Il m’est arrivé une curieuse aventure, Lucien l’âne mon ami et je m’en vais te conter ça ; comme tu vas le voir, il y a deux versions de cette nouvelle chanson.

Deux versions d’une chanson, demande Lucien l’âne un peu ahuri, et pourquoi donc ? Une seule n’aurait pas suffi ?

Bien sûr que si, répond Marco Valdo M.I., mais voilà, il y a le temps ; le temps qui passe, le temps qui glisse et fuit comme l’eau du ruau ou du ru, c’est-à-dire du petit ruisseau. Mais voyons voir plus en détail la cause de ce doublon ; les deux chansons s’intitulent : « Vive les Vacances ! » et elles ont été conçues à deux moments différents et les dates ont de l’importance. La première version date du 19 mars 2020 – c’est-à-dire au début du confinement et la seconde, d’aujourd’hui, le 22 mai 2020 où lentement, on déconfine. Entre les deux, deux mois ont passé. La première version fut écrite au temps des jonquilles ; la seconde quand les oiseaux s’en donnent à cœur joie dans les bois et les jardins ; les alouettes tout en haut trillent.

Ça, je le comprends, dit Lucien l’âne, mais c’est pourquoi tu as attendu pour publier la version première que je ne comprends pas.

La vérité, Lucien l’âne mon ami, la vérité toute nue, c’est que j’avais oublié que j’avais écrit cette chanson et qu’elle a ainsi – elle aussi – été confinée dans un coin perdu du labyrinthe des fichiers. Je l’ai retrouvée un eu par hasard tout à l’heure au moment où j’écrivais la suite de la chanson albanaise « Le grand Avion ». À ce moment, je me suis rendu compte qu’elle était déjà datée ; en quelque sorte, elle parlait déjà du passé ; elle n’avait plus de sens que replacé dans son historicité. J’ai donc fait les adaptations nécessaires pour la mettre au goût du jour et c’est à ce moment que j’ai eu l’idée, la conviction même qu’il fallait garder les deux versions, sous le même titre, mais en les numérotant pour les distinguer.

Oui, dit Lucien l’âne en souriant, les numéroter. C’est dangereux, car quand on commence avec des numérotations, ça peut mener loin, très loin.

On ne sait jamais, en effet, Lucien l’âne mon ami. Par exemple, je suis venu aux chansons contre la guerre avec une première traduction et je n’avais pas l’idée d’en faire une deuxième. C’est tout dire que c’était il y a plus de dix ans, il y a environ 4000 jours. Du reste, voici la première version, celle du commencement du grand enfermement et déjà, je saluais les gens dans la rue en leur disant : « Vive les vacances ! »

Et tu faisais bien, dit Lucien l’âne, car les seuls que tu pouvais rencontrer étaient effectivement dispensés d’aller au turbin. Ils étaient au sens strict : « en vacances ».
Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde décontenancé, désaxé, déboussolé et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Hier, l’hiver s’est enfui
De tout le pays.
Ce matin, le matin est gris :
C’est le printemps des souris.
Ce matin, il n’y a pas de vent.
L’air est vacant.
Le monde est en pénitence.
Vive les vacances.

Tout comme les fleurs,
Les feuilles hésitent fort
À sortir leurs corps :
C’est le printemps en pleurs.
Seul le clocher bourdonne,
Un bourdon solitaire dépaysé
Papillonne,
Tout est confiné.

Certains ont de la chance,
Les croyants en confiance
Partent en avance
Pour de grandes vacances
Au Paradis,
Au grand pays
Du soleil et des houris.
Vive les vacances !


C’est le temps des jonquilles !
Rats terrés dans la réserve,
On coule des jours tranquilles :
La vie en jaune conserve.
Et puis, le Paradis, on s’en fout
Notre Paradis, c’est notre trou.
Notre avenir est tout en patience,
Vive les vacances !


jeudi 21 mai 2020

Le grand Avion



Le grand Avion


Chanson française – Le grand Avion – Marco Valdo M.I. – 2020

Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.(4)







Dialogue Maïeutique

Lucien l’âne mon ami, la chanson a comme acteur, comme protagoniste, un avion, un grand avion ; un grand avion qui se tient parmi d’autres plus petits sur le terrain d’atterrissage de Girokastër, petite ville d’Albanie du Sud, quelque part dans les montagnes, quasiment à la frontière avec la Grèce. La situation est la suivante:la ville autour du château est bâtie sur le bord rocheux d’une rivière, le long de laquelle passe la route et sur l’autre rive, on trouve une plaine alluviale où est installé l’aérodrome. Cette disposition est toujours celle en usage aujourd’hui.

Oh, dit Lucien l’âne, une nouvelle chanson albanaise. Moi, je les aime bien ces chansons anodines, qui n’ont l’air de tien dire et que racontent pourtant un grand moment de prédation, la guerre et l’invasion que dans la première moitié du siècle dernier, l’Italie fasciste, impérialiste, raciste et belliciste fit à l’Albanie, au temps où Monsieur Mussolini se voyait encore bâtir un Impero jusqu’aux portes de l’Inde. Et peut-être même au-delà, tant est grande l’imbécillité humaine.

Certes, répond Marco Valdo M.I., et lhomme en question – mais il n’était pas seul, il y avait sa coterie et le petit roi qui l’avait nommé ; ces gens-là ont toujours d’ardents supporteurs et des soutiens dans l’establishment – était atteint de mégalomanie. En clair, de cette lubie de la grandeur qui est le stade ultime de cette maladie de l’être qu’est l’ambition. On peut d’ailleurs en voir une personnification exacerbée dans la folie grandissante de certain apprenti dictateur – chez qui la fausse mèche remplace la moustache ou le menton prognathe. De ce pantin outrancier,qui se débarrasse de tout qui le gêne et insulte ceux qu’il ne peut encore abattre, on peut penser et dire qu’il est, à tout le moins, un réel danger pour l’humanité entière. Heureusement, l’Empire de Mille Ans, issu de l’imagination d’un de ces prédécesseurs, d’un autre démagogue ambitieux s’est effondré en quelques années. Mais, en effet, à quel prix !

On dit, Marco Valdo M.I. mon ami, que le pouvoir rend fou ; à mon sens, c’est une demi-vérité, car de tous temps, on s’est aperçu que seul un fou peut aspirer au pouvoir ; dès lors, j’imagine que ce dernier ne fait que renforcer cet exécrable penchant.

Bien sûr, Lucien l’âne mon ami. Maintenant, j’en reviens à cette guerre d’Albanie vue par les yeux inquiets et curieux d’un enfant de Girokastër. Chacune des chansons raconte un souvenir de cette guerre, telle qu’elle était apparue à l’enfant, disons en âge d’école primaire. C’est la guerre vue au ras du sol, dans la rue, dans une cour, dans une maison, de la fenêtre du salon, la guerre vue par un témoin inconscient de l’enjeu. On est très loin de la guerre-spectacle telle que la montrent les écrans. C’est la guerre telle qu’elle fut vécue au quotidien, où pendant des jours et des nuits, pour l’enfant, pour le civil, il ne se passe strictement rien. L’action – si chère aux gens du spectacle – se déroule ailleurs, derrière la scène en quelque sorte (« within », notait Shakespeare). On en entend que des échos, on n’en aperçoit que des bribes, la guerre est principalement une rumeur ; elle est ennuyeuse, de surcroît, du fait qu’elle consigne l’enfant. C’est ce que raconte cette chanson où l’enfant, confiné à l’étage de la maison, voit la guerre de la fenêtre. Pour lui, la guerre, ce sont des colonnes de camions italiens qui passent là en bas sur la route, dans un sens ; puis, plus tard, dans l’autre.

Oh, dit Lucien l’âne, ça me rappelle les « Souvenirs napoléoniens », où les armées françaises (mais aussi, leurs ennemis) franchissent le Rhin à l’aller et au retour.

Oui, en effet, Lucien l’âne mon ami, c’est le même mouvement pendulaire. Ainsi, pour mieux situer les choses, l’enfant de sa fenêtre a vue sur les toits de la ville, les oiseaux de cheminées, corneilles, pigeons ou choucas et plus loin, sur le champ d’aviation, le nid d’avions italiens, dont les bombardiers vont déverser leur mortelle cargaison sur les villes et les villages de la Grèce voisine. L’enfant isolé périt d’ennui et pour meubler ce temps désert, il se choisit un ami, un ami imaginaire, mais réel : le plus gros des avions qu’il distingue là-bas sur la prairie.

« Un grand avion est arrivé :
Imposant, majestueux, hors norme.
Depuis longtemps, je vis seul dans l’ennui.
Je me choisis un ami : c’est lui. »

Pour ce qui est de la réalité de la guerre, c’est la mémé qui en exprime la vérité :

« Mémé dit : « Ils décollent les assassins ! »
« Dis Mémé, pourquoi tu insultes les avions ? »
« Ils sont méchants ces avions italiens,
Ils vont tuer des gens, mon garçon. »

Finalement, les armées italiennes font retraite; mais, comme on le sait à présent, les armées allemandes reprendront le terrain abandonné pour le perdre à leur tour.

Oui, dit Lucien l’âne, on connaît la Grande Histoire ; elle est tout entière contée dans de sérieux ouvrages ; la chanson a d’autres manières. Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, offensif, impérialiste, ambitieux, mégalomane et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Du second étage, on peut voir
La ville, la grand-route, la rivière
Et au-delà, l’aérodrome militaire.
La nuit, tout baigne dans le noir,

Sauf quand passe le projecteur.
Le soir, les files de camions italiens
Du nord au sud vont bon train.
Papa les compte durant des heures.

Après les bombardements, la ville est confinée :
On ne joue plus dans les rues, dans les cours ;
Je reste aux grandes fenêtres tout le jour
À guetter les corneilles au-dessus des cheminées.

De l’autre côté de la rivière,
Je surveille des heures entières
Les avions : les petits chasseurs s’envolent,
Les bombardiers plus lourds décollent.

Un grand avion est arrivé :
Imposant, majestueux, hors norme.
Depuis longtemps, je vis seul dans l’ennui.
Je me choisis un ami : c’est lui.

Mémé dit : « Ils décollent les assassins ! »
« Dis Mémé, pourquoi tu insultes les avions ? »
« Ils sont méchants ces avions italiens,
Ils vont tuer des gens, mon garçon. »

On entend les canons et repartent les camions :
Du sud au nord, en colonne, ils s’en revont.
En trio, les avions quittent leur nid.
Mon ami le grand avion, le dernier s’enfuit.

lundi 18 mai 2020

LE SUICIDE EST INDOLORE




LE SUICIDE EST INDOLORE

Version française – LE SUICIDE EST INDOLORE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson étazunienne (Anglais) – Suicide Is PainlessM*A*S*H – 1970
Texte : Mike Altman
Musique : Johnny Mandel
De la page de Chansons contre la Guerre – Proti válce de Martin Adámek




Être ou ne pas être ? 

Frans Hals - 1626





M*A*S*H n’est pas un groupe musical, c’est un acronyme M.A.S.H. = Mobile Army Surgery Hospital, qui est aussi le titre du célèbre film que fit Robert Altman, il y a un demi-siècle déjà. C’est ensuite devenu une série télévisée tout aussi célèbre.
Dans un hôpital de campagne mobile, pendant la guerre de Corée, trois chirurgiens en font de toutes les couleurs, courent les femmes et se fichent de la discipline. Mis sous enquête, ils s’en sortent en gagnant au rugby. Farce anti-militariste impertinente et déchaînée qui a marqué une époque et fut suivie par la célèbre série télévisée du même nom. C’est très drôle et mordant. Oscar pour le scénario de Ring Lardner Jr. qui avait adapté un roman de Richard Hooker. D’excellents acteurs auxquels R. Altman a laissé, pendant le tournage, de l’espace pour improviser. Il obtint la Palme d’Or au Festival de Cannes. Le texte de la chanson Suicide Is Painless est de Mike Altman, le fils du réalisateur qui l’avait écrit alors qu’il n’avait que 14 ans.






Dans le brouillard du petit matin, je vois
Des visions des choses qui viendront,
Les douleurs qui me frapperont,
Je réalise et je m’aperçois


Que


Le suicide est indolore,
Il facilite beaucoup la mort
Et je peux l’embrasser
Ou si je veux, la délaisser.


J’essaie de trouver un moyen de tenir
Ensemble tous nos petits plaisirs
Sans cet effroi toujours présent,
Mais je sais qu’il est trop tard maintenant


Et que


Le suicide est indolore,
Il facilite beaucoup la mort
Et je peux l’embrasser
Ou si je veux, la délaisser.


Le jeu de la vie est difficile à jouer ;
Je vais la perdre de toute manière.
Un jour, je jouerai la carte perdante, mais
Tout ce que j’ai à dire, c’est


Que


Le suicide est indolore,
Il facilite beaucoup la mort
Et je peux l’embrasser
Ou si je veux, la délaisser.


La seule façon de gagner est de tricher
Et avant que je ne sois battu, la délaisser
Et de donner ma place à un autre,
Car c’est la seule façon de faire indolore,


Et que


Le suicide est indolore,
Il facilite beaucoup la mort
Et je peux l’embrasser
Ou si je veux, la délaisser.


L’épée du temps va percer nos cuirs ;
Ça ne fait pas mal quand ça commence,
Mais comme elle s’avance,
La douleur s’intensifie – voyez-la sourire


Et puis,


Le suicide est indolore,
Il facilite beaucoup la mort
Et je peux l’embrasser
Ou si je veux, la délaisser.


Un brave gars m’a un jour demandé
De répondre à des questions primaires :
Être ou ne pas être ?
Et j’ai répondu : « Oh, pourquoi me questionner ?",


Parce que


Le suicide est indolore,
Il facilite beaucoup la mort
Et je peux l’embrasser
Ou si je veux, la délaisser.


Et tu peux faire de même
Si tu aimes.

samedi 16 mai 2020

LE TESTAMENT DE MARIO


LE TESTAMENT DE MARIO


Version française – LE TESTAMENT DE MARIO – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienneIl TestamentoAppino – 2013













29 novembre 2010. Il y a dix ans. Le réalisateur de Viareggio Mario Monicelli est hospitalisé à l’hôpital San Giovanni de Rome pour un cancer de la prostate en phase terminale. Il a 95 ans et a presque complètement perdu la vue. Laissé seul dans la pièce, il se traîne à la fenêtre et se jette dans le vide.

« Je ne sais pas ce qui sera dit demain sur ce qui s’est passé – c’est le commentaire brûlant du réalisateur Giovanni Veronesi – mais une chose doit être dite : je n’ai jamais entendu de quelqu’un qui se serait suicidé à l’âge de nonante-cinq ans. C’était vraiment spécial. »

Tomaso Monicelli, le père de Mario, journaliste et dramaturge, s’est également suicidé en 1946. À propos de la mort de son père, Monicelli avait dit : « J’ai compris son geste. La vie ne vaut pas toujours d’être vécue ; si elle cesse d’être vraie et digne, elle n’en vaut pas la peine. J’ai trouvé le cadavre de mon père. Vers six heures du matin, j’ai entendu un coup de feu, je me suis levé et j’ai forcé la porte de la salle de bain. Entre autres choses, une salle de bain très modeste » .


Quelques mois auparavant, Mario Monicelli avait donné une interview dans laquelle il déclarait : « Ne jamais avoir d’espoir. L’espoir est un piège, c’est une chose infâme inventée par les responsables. »

En définitive, le geste de Mario Monicelli est un geste de liberté, contre ceux qui « ne me laissent pas faire autrement », comme l’écrit Appino dans cette belle chanson, contre ceux qui veulent décider de notre vie et de notre mort.


Dialogue Maïeutique (Court)

Ah, ajoute Marco Valdo M.I., figure-toi que j’ai dû un peu préciser le titre de ma version en langue française et l’intituler « LE TESTAMENT DE MARIO », car le titre qui correspondait au titre italien « Il Testamento » était déjà pris et l’antériorité de la chanson de Georges Brassens, intitulée : « Le Testament » ne fait aucun débat. Il n’y aura dès lors aucune confusion possible.

De mon côté, dit Lucien l’âne, je voudrais juste signaler que cette version française a été faite sur la suggestion de Lorenzo Masetti, suite à la lecture de « Euthanasiez-moi », qui faisait référence à la chanson « Déshabillez-moi », que le même Lorenzo avait traduite en italien. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde réactionnaire, pandémique, exotique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



J’ai dix strophes pour laisser un beau souvenir ;
J’ai dix étages qui m’attendent là en bas ;
Certes, peu de gens peuvent comprendre ça,
Mais en vérité, je suis heureux de mourir.


J’ai fait tout ce que je devais faire
Et j’ai foiré pour le plaisir de foirer.
J’étais volubile quand il valait mieux se taire
Et j’ai dormi seulement pour recommencer.


J’ai été seul tout le temps nécessaire
À regarder les autres et je n’étais pas un solitaire
Et j’ai cru à tous autant que j’ai pu.
Je me suis toujours relevé après être chu.


J’ai trompé seulement les plus puissants ;
Je leur ai toujours préféré les mendiants.
Je me fichais des jugements des gens,
Car personne ne juge, s’il est un peu intelligent.


J’en ai aimé beaucoup, car je le voulais.
J’en ai détesté tant, eux aussi par amour, mais
Si j’ai préféré le Christ à son père,
Qu’aucun Dieu ne vienne me mettre en terre.


J’ai choisi tout ce que j’ai été
Et j’ai payé bien content de payer,
Car le choix au fond est la seule ligne
Qui rend cette vie plus ou moins digne.


Et donc, je choisis de sauter de la corniche
Comme un cerf-volant, une mouette, un faucon,
Comme une phalène, une pipistrelle, un avion
Qui vole haut, mais maintenant je m’écrase.


Et si je t’ai choisie pour des raisons mystérieuses,
Nous avons passé ensemble des journées merveilleuses
Et tu le sais bien que je le fais par nature,
Ne plus te revoir est mon unique fêlure.


Aux bienpensants qui le trouvent immoral,
À ceux qui le liront dans le journal,
Aux dames à la bouche pleine et au grand coeur,
À ceux qui ne me laissent pas le faire à mon heur,


J’ai choisi exactement ce que je suis
Sans le choix, moi, ma vie je l’abandonne.
Sauf ma douleur, j’ai tout choisi,
Et je vais la tuer ; et il n’y a rien à comprendre.