vendredi 30 septembre 2022

ALLONS LÀ-BAS, MA JOLIE

 


ALLONS LÀ-BAS, MA JOLIE



Version française — ALLONS LÀ-BAS, MA JOLIE — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la traduction italienne de Gian Piero Testa — POEMA — 2013

d’une chanson grecque — ΠΟΙΗΜΑ Katerina Gogou / Κατερίνα Γώγου — 1978

voir en appendice dans : Με κόκκινο



ALLONS LÀ-BAS, MA JOLIE

Où, rose pâle, les sommets brillent.

Carl Rottmann – 1841 (Paysage de Laconie)



Mirtò Tasiou, dont les pensées occupent ce poème dramatique, est la fille, vivante, de Catherine Gogou. Sa présence de fille dans l’œuvre de sa mère est importante, et cette importance grandit et se révèle à moi au fur et à mesure que je m’enfonce dans le labyrinthe dans lequel cette femme, à la fois fragile et courageuse, s’est perdue. La clé principale de ce site bien méritant nous oblige souvent à choisir là où les textes sont les plus marqués par le feu de la lutte, dont, cependant, l’aspiration à l’humanité et le bonheur de la tendresse sont les préalables pour ceux qui rêvent d’un monde humain et ne plient pas. Nous avons jusqu’à présent, forcément, connu une Catherine Gogou qui passe et repasse la râpe sur ses propres blessures et celles de la société : maintenant, l’évocation de sa petite fille me donne l’occasion — que j’espérais — de montrer un autre visage. Je l’ai souhaité, non seulement pour que nos visiteurs le sachent, mais aussi parce que la chanson dans laquelle ces vers ont été transformés dans l’album « Su e giù per via Patissia » parvient à toucher les cordes les plus tendres de chacun. Le mérite en revient à un excellent compositeur, Panos Hatsimihas, qui l’interprète également. Écoutez-la, s’il vous plaît. (GPT)








Allons là-bas, ma jolie,

Où, rose pâle, les sommets brillent.

Allons là où nues, les filles

Sur des chevaux sauvages galopent ;

Où leurs cheveux ondulent

Et dessus, flamboient

Les fleurs de pêcher et les étoiles rouges.

Là-bas même,

Au bout de la branche du cerisier

Où le prince philistin extasié

Te voit dans son rêve…

Avec Pégase, tu souriras.

Un diamant sur ton cou en jacinthe,

Tu brilleras, éblouissante,

Ah, ma vierge Mirtò, plus jamais ah…

Personne ne t’a jamais aimé autant

Que Catherine aima son enfant.



J’entends seule la pluie,

J’écoute le silence

Sur ma terre brûlée.



jeudi 29 septembre 2022

AU ROUGE

 

AU ROUGE



Version française — AU ROUGE — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la traduction italienne de Gian Piero Testa — COL ROSSO — 2013

d’une chanson grecque — Mε κόκκινοKaterina Gogou / Κατερίνα Γώγου — 1978

Interprétation et musique — Vasso Alaghianni — 2012



CATERINE GOGOU ET LE CHAT

Athènes 2022

 

 

 

Dialogue maïeutique


On a déjà croisé ici, plusieurs fois, Lucien l’âne mon ami, la poétesse athénienne Caterine Gogou — je francise son nom juste pour entendre le son dans ma langue.


Oh, dit Lucien l’âne, il sonne bien. Et sûrement, je me souviens des autres chansons de cette athénienne poétesse et des versions françaises qu’on a proposées. Il doit y en avoir une dizaine. Mais au fait, que dit celle-ci ?


D’abord, avant d’aller plus avant, je voudrais revenir sur le fait que j’ai nommé Catherine Gogou « poétesse ». Je l’ai fait en sachant pertinemment qu’elle — c’était dans une des chansons — se refusait à être ainsi cataloguée. Mais il y a poétesse et poétesse : celle qu’elle se refusait à être la « poétesse de salon » et celle qu’elle était — je l’appellerai « poétesse de rue ». Car la poésie ne l’entend pas de cette oreille, elle ne veut pas laisser Caterine Gogou à l’abandon et elle la revendique comme une de ses voix. À cela, je pense que Caterine Gogou aurait acquiescé.


Je l’imagine aussi, dit Lucien l’âne, car comme le disait Léo Ferré : « La poésie est dans la rue ». (http://leo-ferre.eu/html-l/lapoesieestdanslarue.html).


C’est bien ce que j’entendais, reprend Marco Valdo M.I. ; maintenant, ce que dit cette chanson est assez virulent. C’est une attaque directe contre les discours de propagande, contre ce qui est colporté par les bonimenteurs et qui finit par s’enfoncer dans la tête des gens Caterine Gogou, on le verra, entend s’en débarrasser par « un grand feu de joie ». Il faut cependant comprendre le rétro-acte de cette pièce. Au cœur de cette chanson, il y a la dichotomie entre la population des quartiers populaires d’Athènes (et ses multiples et très violentes révoltes) et le courant marxiste qui tend à récupérer ces luttes. Apparemment, pour ce qui est de Caterine Gogou, pendant un temps, elle comme les gens y ont cru, puis est venu le désenchantement. C’est de ce désenchantement, de cette rupture que parle la chanson et du désespoir qui finalement conduira (dit la chanson) Caterine Gogou à la mort. Et même si elle affirme qu’elle ne veut pas que sa fille Mirtò le sache la raison de sa mort, en disant :


« je jetterai là

Tous mes livres marxistes en tas

Pour que Mirtò ne sache jamais

La cause de mon décès. »,


elle lui fait passer le message ainsi qu’à tous ceux qui le liront ou l’entendront. Mais oui, le rouge, le rouge est lié à sa mort.


Ainsi va la vie, dit Lucien l’âne, la vie et la mort. Allons, tissons le linceul de ce vieux monde rougeoyant, flambant, mortel et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane













Avec la tête détruite

Par le vice de vos boniments,

À l’heure de pointe,

Et à contre-courant,

Je vais allumer un grand feu de joie.


Et je jetterai là

Tous mes livres marxistes en tas

Pour que Mirtò ne sache jamais

La cause de mon décès.


Vous pouvez toujours lui dire,

Que je ne pouvais supporter le printemps,

Ou que je suis passée au rouge,

Oui… c’est plus crédible, vraiment.


Au rouge, vous devez dire

Au rouge… au rouge

C’est ce que vous devez dire


C’est plus crédible

Au rouge… c’est ce qu’il faut dire.

Au rouge, au rouge

C’est ce qu’il faut dire.


Au rouge, au rouge,

Au rouge.






mercredi 28 septembre 2022

Un Conflit avec l’Étranger

 


Un Conflit avec l’Étranger



Chanson française – Un Conflit avec l’Étranger – Marco Valdo M.I. - 2022




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.




LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 64. Que faire ?; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ;




Épisode 71

 








L'HOMME-PRODUIT


Kasimir Malevitch - 1930





Dialogue Maïeutique



Un conflit, dit Lucien l’âne, avec l’étranger? Qu’est-ce que c’est encore que cette litote ? Ne serait-ce pas tout simplement une façon pudique, menteuse, hypocrite, au masque diplomatique de désigner une guerre ?


C’est la litote de l’envahisseur, répond Marco Valdo M.I., et le conflit est toute forme de confrontation qui se réalise. Évidemment, on peut considérer qu’il y a des confrontations de tous genres. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’une confrontation armée, d’un conflit qui se transforme en guerre - larvée, d’bord ; puis, ouverte, lorsqu’il n’est plus possible de dissimuler sa vraie nature. Ici, il s’agit vraiment d’une guerre, qui officiellement, n’effraye pas les dirigeants de la Zinovie.


« En Zinovie, un conflit avec l’étranger

N’effraye en rien les autorités ;

Même si l’étranger nous est supérieur,

Nous sommes les meilleurs. »


Il faut être inconscient ou carrément idiot, ou sadique, ou pervers, ou dément pour raisonner ainsi, dit Lucien l’âne, car, en définitive, une guerre est une guerre et des morts, des blessés, des traumatisés, des ruines, des destructions, des dégâts sont ce qu’ils sont. Ou alors, comme c’est le cas du Guide et des dirigeants, il faut être certain de ne pas y aller en personne, d’envoyer les autres au casse-pipe. Boris Vian avait bien compris cet aspect de la chose, qui proposait dans Le Déserteur :


« S'il faut donner son sang,
Allez donner le vôtre!
Vous êtes bon apôtre,
Monsieur le Président... »


Cependant, Lucien l’âne mon ami, les gens de Zinovie ne partagent pas tous le même fanatisme, la même foi dans les rodomontades du Guide et de ses guidons et peut discrètement, secrètement, avec toute leur prudence ancestrale et la plus profonde des convictions, ils ont :


« … un but essentiel,

Un objectif vraiment individuel :

Chacun veut survivre coûte que coûte. »


Bref, quand on distingue ainsi le cœur des gens, on s’aperçoit qu’il y  a là un fond pacifique, qui se réjouirait même d’une déroute.

Oh, dit Lucien l’âne, je le croirais volontiers, quand il s’agit d’aller attaquer et d’envahir ou de massacrer ses voisins. Ce sont quand même là des pratiques agressives et barbares, une sorte de gaspillage, d’inutilité et de malhonnêteté. Il n’est pas facile pour les gens normaux d’accepter de mettre sa vie en jeu pour des raisons aussi vaines, aussi futiles, aussi fausses et aussi, indignes. À l’inverse, je dois dire que ceux qu’on attaque, qu’on massacre, qu’on bombarde, qu’on torture, qu’on envahit, qu’on occupe ne peuvent accepter de se laisser faire, ni de laisser faire sans réagir, sans résister. Pour ceux-là, c’est le temps de l’« Ora e sempre : Resistenza ! » - « Maintenant et toujours, Résistance ! » (« Lo avrai camerata Kesselring » - Piero Calamandrei).


Exactement, dit Marco Valdo M.I., et il fallait faire ce lien avec l’Histoire. Maintenant, comme on peut tout à fait l’imaginer et penser que certains Zinoviens en viennent à vouloir liquider le Guide et pourquoi pas, toute son armada, la deuxième voix évoque cette hypothèse, la soupèse et comme on peut le sentir, elle souhaite un tel aboutissement, tout en disant que, selon elle, la chose est impossible, tant le Guide et les dirigeants ont peur, se méfient et s’entourent de mystère et de mesures de sécurité, y compris à l’égard de leurs proches et de leurs partisans.


En fait, dit Lucien l’âne, ils vivent dans une paranoïa aiguë toute leur vie ; mais à leur place, j’en ferais au moins autant, mais heureusement, je ne suis pas un dirigeant et moins encore, un Guide. Et puis ?


Et puis, répond Marco Valdo M.I., une autre voix encore poursuit la réflexion en développant l’ambition du Guide qui est que la Zinovie doit conquérir le monde entier, mais aussi que cela ne suffirait pas, car il faut également mettre tous les gens de la planète au niveau auquel le Guide veut maintenir la population de Zinovie ; concrètement, pour les populations de pays étrangers, il faudra – pour certains – jeter à bas leur niveau de vie et pour tous, leur culture. Pour le Guide et ses comparses, il s’agit d’égaliser tous les autres sous sa domination.


« Il faut tirer les autres vers le bas.

Attila, Gengis et Ivan le faisaient déjà,

Nous imposerons nos lois,

Notre domination spéciale et notre droit. »


Charmant programme, dit Lucien l’âne. Même si j’ai déjà connu de pareils délires dans le cours de ma longue existence, je ne peux imaginer sereinement une telle catastrophe. Passons ; qu’y a-t-il d’autre dans cette chanson ?


Une dernière voix, Lucien l’âne mon ami, aux accents philosophiques expose la façon dont en Zinovie, on façonne l’humain depuis sa naissance et dans quelle position on le maintient jusqu’à sa mort :


« On lui apprend depuis sa naissance

On continue pendant son enfance,

Et ainsi de suite, jusqu’à sa fin,

À obéir, à applaudir, à être matinal,

À être un être social total. »


Quelle horreur, dit Lucien l’âne, nous avons de la chance de ne pas vivre là-bas. Certainement, on pourrait fuir, mais pour combien de temps ? Et puis, de toute façon, il serait impossible à toute la population de s’échapper. Vite, tissons le linceul de ce vieux monde bancal, bancroche, banal, meurtri et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





En Zinovie, un conflit avec l’étranger

N’effraye en rien les autorités ;

Même si l’étranger nous est supérieur,

Nous sommes les meilleurs.

Car nous avons la rage de vaincre

Et un Guide qu’il faut craindre.

Que cache l’avenir dans son miroir ?

Pour le long terme, on attend de voir,

À court terme, on a un but essentiel,

Un objectif vraiment individuel :

Chacun veut survivre coûte que coûte,

On n’a pas peur d’une déroute.


Comment ça, un attentat ? Un attentat !

C’est dangereux d’en parler, n’y pensez pas,

Un attentat contre le Guide, est-ce possible ?

La mort subite de hauts dirigeants,

En Zinovie, est d’un usage courant.

Assassiner le Guide, c’est impossible !

Ça arrive bien dans d’autres pays ;

Oui, mais pas en Zinovie, pas ici.

Pourtant, avant, ça c’est déjà vu.

Avec celui-ci, n’y songez plus !

Le Guide l’interdit, il est très prudent.

Il se protège de tout, il est méfiant.


Pour faire de la Zinovie et de son État

Le pays le plus puissant de la planète,

L’occupation, la terreur et la conquête,

Ce n’est pas suffisant, ça ne marche pas.

Pour instaurer un monde conforme,

Les armées, la colonisation, l’uniforme

Ne sont jamais qu’un premier pas.

Pour mettre le monde à notre niveau,

Ce n’est pas un procédé nouveau,

Il faut tirer les autres vers le bas.

Attila, Gengis et Ivan le faisaient déjà,

Nous imposerons nos lois,

Notre domination spéciale et notre droit.


À l’étranger, à raison, un philosophe a dit :

L’homme naît bon naturellement

La société humaine où il vit le pervertit.

Un autre a soutenu l’inverse évidemment.

En Zinovie, l’homme se bâtit, on le construit

En Zinovie, l’homme est un produit.

En Zinovie, on agit pour son bien ;

On lui apprend depuis sa naissance

On continue pendant son enfance,

Et ainsi de suite, jusqu’à sa fin,

À obéir, à applaudir, à être matinal,

À être un être social total.