samedi 11 avril 2015

TONIN ET CHARLEMAGNE

TONIN ET CHARLEMAGNE

Version française – TONIN ET CHARLEMAGNE – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Tonino e Carlo Magno – Quarto Stato – 1975

Texte et musique de Nadia Furlon et Mario Acquaviva



Charlemagne invente la lumière.
Douce vieille cantilène...



« Ce fut un des premiers groupes de la Coopérative L’Orchestra, étiquette musicale du Stormy Six. Leur disque, qui prenait le nom Quarto Stato, sorti en 1975, a eu un certain rôle dans le champ de la nouvelle musique politique, grâce à ses nombreux concerts, souvent même à l'étranger, surtout en Allemagne. Le disque était signé des deux membres de Quarto Stato Nadia Furlon et Mario Acquaviva, qui provenaient de la Commission Culturelle du Mouvement Estudiantin, et recourait à la contribution de musiciens pour l'occasion arrachés au domaine du jazz, Gaetano Liguori, Roberto Del Piano. Il y avait quelques morceaux qui s'élevaient au-dessus des autres, Il brigante, Luca Marano (tiré des traditions populaires du Sud) e Non è tempo... Pour des désaccords avec l'Orchestra, le Quarto Stato n'enregista plus rien, préférant jouer en tournée et préparer en 1978 un spectacle (« Contrasto ») fort ambitieux mais que sombra dans un désastre à tous les niveaux. Ceci sans doute contribua à l'effritement et à la désagrégation du duo ».


Voici, Lucien l'âne mon ami, une chanson qui raconte la grande misère du Sud ; enfin, la misère usante qui touche les populations ; évidemment, pour certains – dans le Sud comme ailleurs – la misère n'existe pas. Elle fait, en quelque sorte, partie d'un autre monde ; celui des pauvres. Comme tu le sais, la Guerre de Cent Mille Ans trace ses frontières dans tous les lieux et jusqu'à présent, dans tous les temps. La chanson parle très exactement de cette misère, de cette pauvreté poussée à l'excès qui est le résultat de cette étrange équation que dessine la question fondamentale : « Combien faut-il de pauvres pour faire un riche ? »


Et, dit Lucien l'âne en se balançant d'avant en arrière, et, le riche lui connaît la réponse ; il se dit : « Beaucoup ; et plus, il y en a, plus le riche est riche. » Et c'est précisément, ce mouvement auquel on assiste tous les jours dans ce monde, monde qu'on ne saurait considérer comme le nôtre ; ayant été accaparé par les malades de la richesse – car cette une maladie, une pure addiction. Et j'ajoute qu'il est de plus en plus clair que pour obtenir la plus grande richesse, il faut non seulement qu'il y ait un maximum de pauvres, mais en plus, que ces pauvres soient de plus en plus pauvres.


Pour en revenir à la chanson, dit Marco Valdo M.I., elle tourne autour de deux personnages : Tonin et Charlemagne. De Tonin, on retiendra qu'il est le protagoniste d'un groupe de jeunes gens de la catégorie des pauvres. Quant à Charlemagne, il apparaît par le biais d'une comptine populaire, dans laquelle le grand empereur, vainqueur des Maures, etc, est ridiculisé, brocardé de la manière qu'ont ces chants anonymes de traiter les puissants. Charlemagne ici, c'est l'ancêtre de Chuck Norris et de ses rodomontades, dont voici un exemple : « Rien ne sert de jouer aux échecs avec Chuck Norris, Chuck Norris ne connaît pas l'échec. »


Moi, je dirais même que c'est un excellent résumé des « exploits » de Chuck Norris. J'aime beaucoup cet autre de ses exploits : « Chuck Norris peut encercler ses ennemis. Tout seul. » ou encore, celui-ci : « Chuck Norris a déjà été sur Mars, c'est pour cela qu'il n'y a pas de signes de vie là-bas. »; un exploit qui rappelle la chanson Fascistes sur Mars [[3816]] de Corrado Guzzanti  et qui laisserait supposer que Chuck Norris aurait débarrassé la Planète Rouge de ces envahisseurs tout de noir vêtus. Étonnant Chuck Norris !


Mais évidemment, Lucien l'âne mon ami, « Si Chuck Norris n´existait pas, il s´inventerait. »  Résumons la chose en disant : « Chuck Norris est à la fois l'homme le plus grand du monde et l'homme le plus petit du monde. Parce que Chuck Norris bat TOUS les records. »   Si le cœur t'en dit, je te signale que certains ont relevé des dizaines de ces exploits ; il te suffit d'aller les lire à l'adresse : http://www.chucknorrisfacts.fr/home ou http://www.blague-chuck-norris.fr/index.html.


Finissons-en avec Chuck Norris et revenons à Charlemagne. Il y a une question qui me chiffonne… Charlemagne faisait la guerre aux Saracènes, dis-tu ? N'était-ce pas aux Sarrazins ?


Les deux se disent. Mais, à mon sens et surtout au sens de la rime, les Saracènes est le bon nom et sans doute, le plus conforme à ce qui se disait à l'époque. En grec Σαρακηνός, ; ce terme, souvent traduit par « sarrasin » en français. Il viendrait en fait de l’arabe شرقيين sharqiyyin, "oriental", ou « de l’Est ».

On s'y perd parfois dans toutes ces sinuosités étymologiques, dit Lucien l'âne avec un air d'une gravité composée. Dans tous les cas, il nous faut reprendre notre tâche et tisser encore le linceul de ce vieux monde inondé de misère, acharné à rendre les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus nombreux et plus miséreux, ce vieux monde vacillant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Tonin avait quinze ans comme nous autres.
Mais lui, il savait déjà embrasser une femme.
Car il travaillait au chantier avec son grand-père,
Il avait toujours sommeil le matin à école.
Il montrait ses muscles, en découvrant son bras, tout fier
Quand ensemble sur l'escalier, on parlait de courage.

Tonin mène-nous encore au bistro.
Nous entendrons les ivrognes, les héros,
Nous parler des guerres qu'ils n'ont jamais perdues
Et des médailles d'or qu'ils n'ont pas voulues.
Mais les guerres chez nous ont toutes été perdues.
Il y a une odeur de mort dans nos maisons et dans nos rues.

Charlemagne, roi d'Espagne,
Va dans le lac et ne se baigne pas ;
Va dans le feu et ne se brûle pas.
Charlemagne invente la lumière.
Douce vieille cantilène,
Je ne sais qui me l'a enseignée.
La guerre aux Saracènes
N'est pas encore terminée.

Il y avait seulement des femmes autour
Du lit de la vieille folle moribonde.
Elles lui ont mis ce vêtement, depuis longtemps déjà
Prêt pour les noces du retour.
Pour monter la colline, tu auras de belles chaussures
Et elles te vêtiront de neuf, mais tu ne t'en apercevras pas.

L'eau manquait depuis trois jours, les femmes à la fenêtre.
C'était une grève, tu croyais que c'était la fête :
Une fête sans les costumes et sans les sourires
Avec un mouchoir rouge au cou des plus ardents.
Combien de grèves pour l'eau, Tonin, avons-nous faites ?
Mais rien n'a changé : on porte toujours le même vêtement.

Charlemagne, roi d'Espagne,
Va dans le lac et ne se baigne pas ;
Va dans le feu et ne se brûle pas.
Charlemagne invente la lumière.
Douce vieille cantilène,
Je ne sais qui me l'a enseignée.
La guerre aux Saracènes
N'est pas encore terminée.

Il y eut un tremblement de terre et au bourg du château
L'herbe recouvre maintenant ce qui est détruit.
Seuls y viennent en visite l'amoureux, le vent
Ou ceux qui ont laissé tout là-haut.
Ferme les yeux Tonin et ne cherche pas par delà la nuit :
Même derrière ces montagnes, on n'a pas vu le printemps.

Dis-nous s'il est vrai que tu as vu
L'ombre sans tête d'un baron exécuté.
Elle danse à minuit entre les catacombes et les halliers
Là où il y a plus de cent ans, il fut pendu.
La peur est cette brume qui cache ton horizon
Souviens-toi que les maîtres sont seulement des illusions.

Charlemagne, roi d'Espagne,
Va dans le lac et ne se baigne pas ;
Va dans le feu et ne se brûle pas.
Charlemagne invente la lumière.
Douce vieille cantilène,
Je ne sais qui me l'a enseignée.
La guerre aux Saracènes
N'est pas encore terminée.