jeudi 29 janvier 2015

LA FILLE DE KOBANÉ

LA FILLE DE KOBANÉ

Version française – LA FILLE DE KOBANÉ – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – La ragazza di KobanêDavid Riondino – Novembre 2014


Sur une route droite avec le fusil en bandoulière.
La fille de Kobané un instant se retourne,
Et continue à marcher vers la ligne de front.





Voici, Lucien l'âne mon ami, une chanson qu'on dira d'actualité… Elle se situe dans la ville de Kobané, qui se situe là-bas aux confins de la Turquie et de la Syrie, dans une région kurde. Une ville martyr, prise dans les tourbillons des délires de religieux assassins et de nationalistes ahuris. Une bande immense de crétins, bourrés de paroles prophétiques. Bref, tout droit sortis d'Absurdie. Là aussi, la sentence de Jeanson s'applique et on a entendu jusqu'ici les Kurdes crier : « Au secours ! Les cons nous cernent ! ». Des tueurs aussi sanglants et aussi stupides que les Croisés lors de la prise de Jérusalem en 1099. J'ai dit d'actualité, car après des mois de résistance, les Kurdes viennent de chasser ces imbéciles et commencent à dégager la ville, du moins ce qu'il en reste, car tout semble détruit, de l'encerclement. Ils desserrent l'étau et repoussent les agresseurs.


Laisse-moi te dire, Marco Valdo M.I. mon ami, le destin incroyable de cette petite ville. J'avais connu Kobané à ses débuts, il y a cent ans, quand elle n'était qu'une agglomération naissante que bâtissaient les réfugiés arméniens. C'était déjà une histoire terrible que celle de ces gens fuyant le génocide que leur faisaient subir les Turcs. C'était en 1915. Depuis, les Arméniens sont presque tous repartis vers d'autres cieux et c'est aux Kurdes d'assumer le destin effroyable de cette ville.


Effroyable destinée, c'est bien le mot. Kobané est libérée, mais que reste-t-il ? Tout est à refaire. Cependant, pour en revenir à la chanson, elle évoque une fille qui hante l'histoire du siège de Kobané et qui participe à la défense et à la reconquête, les armes à la main. Et il est bon que ce soit une femme, bon et symbolique ; car ce sont aussi des femmes qui composent l'armée populaire de résistance aux cinglés prophétiques et dès lors, ce sont des femmes et des jeunes filles qui leur ont infligé cette formidable défaite.


Oui, Marco Valdo M.I., mon ami, c'est sans doute le fait le plus important que raconte cette chanson. Les femmes kurdes n'ont cure des injonctions prophétiques et n'admettront jamais d'être traitées en esclaves par des hommes atteints de démence furieuse. Elles sont fortes et courageuses car elles ont à défendre leur propre vie, certes, mais surtout celle de leurs enfants, de leurs proches, de leurs amis, des gens avec lesquels elles bâtissent l'avenir au quotidien. Des gens avec qui elles construisent la vie. Elles ont porté la résistance (« Ora e sempre : resistenza!) comme le firent ici d'autres femmes en d'autres temps.


Et puis, ces femmes kurdes et leurs hommes sont confrontés à un État profondément raciste, une sorte de national-islamisme oriental proche dans sa manière d'être et d'agir du national-socialisme tel qu'on l'a connu ici, lors de sa montée triomphale et de son expansion catastrophique. Il y a là un embryon d'État – qu'ils ont appelé Califat, une bande de truands qui se prennent pour un État, une baudruche étatique qui gonfle, qui gonfle… Elle en était à sa montée triomphale… Rien ne l'arrêtait… Et voilà, patatras... Les femmes de Kobané viennent de le faire...


Et nous, nous, Marco Valdo M.I. mon ami, nous sommes ici. Il nous revient de dire les choses et de tisser ainsi le linceul de ce vieux monde mortifère, insensé, religieux, prophétique, assassin et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



De la colline, les Turcs observent la bataille.
Un groupe de miliciens lève le drapeau noir.
Le président déclare que la ville est perdue,
Mais les résistants arrachent l'étendard.

De la colline, les Turcs observent la bataille.
Les victimes de la furie résistent aux égorgeurs
Du passé surgissent des fantômes d'autres villes :
Sarajevo, Varsovie, Stalingrad.

De la colline, les étoiles observent la bataille.
Un groupe de partisans arrache le drapeau noir.
Le jour après, les nazis veulent la relever encore.
Les éclairs des alliés les foudroient du ciel.

De la colline, la presse photographie la bataille.
Le journaliste raconte le couteau sur la gorge
Que sous le signe du califat, Dieu l'éclaire
Tragédie de la peur d'une autre nature.

De la colline, les filles observent la bataille.
Les mères aux yeux verts contre les marchands d'esclaves.
La fureur des miliciens, l'excitation de la canaille
Quand ils violent les sans défense, pendant les ratissages.

De la colline, les anges observent la bataille.
Les diables possèdent les âmes des soldats.
Les images de terreur accompagnent les litanies
Où les démons jurent sur le saint nom de Dieu.

De la colline, les femmes observent les mercenaires,
La lie de l'Occident, la vocation au pillage
Et tout l'imaginaire de tristes banlieues,
Entre cinéma d'horreur et basse pornographie.

Et le vent de la colline te salue et t'accompagne
Sur une route droite avec le fusil en bandoulière.
La fille de Kobané un instant se retourne,
Et continue à marcher vers la ligne de front.

Les feux de la colline t'accompagnent à la guerre
Contre les marchands d'esclaves et de diables de l'enfer,
La canaille nazie et l'indifférence de l'Occident
Les vampires cachés dans les gouvernements.

La fille de Kobané va sur la ligne de front.
Elle nous regarde un instant et marche toute seule.
La liberté vient en faisant front.
Ce n'est plus seulement une parole.