MA PRISON
Version française – Ma Prison – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson allemande – Mein Gefängnis – Erich Mühsam – 1914
Poème
d’Erich Mühsam, dans le recueil intitulé « Wüste-Krater-Wolken »,
publié en 1914.
Un poème mis en musique par plusieurs artistes, comme Gregor Hause, dans son album de 1998 « Das Herz in der Hand », ou par le groupe folk-rock allemand Die Schnitter, dans son album de 2002 intitulé “Fegefeuer”. Plus récemment, Christoph Holzhöfer s’y est également essayé.
LA CHAMBRE À ARLES
Vincent Van Gogh – 1888
Dialogue maïeutique
On avait déjà parlé ensemble, Lucien l’âne mon ami, d’Erich Mühsam.
Oh oui, Marco Valdo M.I. mon ami, je me souviens assez bien de ça, et même surtout, que tu avais écrit toute une chanson à son sujet.
En effet, répond Marco Valdo M.I., c’était il y a plus de dix ans et je l’avais intitulée
« Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné ». Cette fois, c’est différent puisqu’il s’agit d’une version française d’un poème d’Erich Mühsam : « MA PRISON » écrit à un moment de sa vie bien antérieur à son séjour et à sa fin à la prison d’Orianenbourg où il finit pendu dans sa cellule. D’autre part, j’avais déjà proposé l’une ou l’autre versions françaises de poèmes d’Erich Mühsam.
De ça aussi, je me souviens, s’écrie Lucien l’âne. J’ai en mémoire, par exemple, LA MAISON BRUNE – Das braune Haus ; LE RÉVOLUTIONNAIRE – Der Revoluzzer ; LE PRESSENTIMENT – Die Ahnung ; EN CELLULE – In der Zelle ; CALENDRIER 1913 – Kalender 1913 ; MALHEUR – Klage ; RÈGLES DE VIE – Lebensregel ; CHANT DU LUMPEN – Lumpenlied ; CHANT DES SOLDATS – Soldatenlied.
Voilà, dit Marco Valdo M.I. ; celle-ci sera la dixième. Comme on a commenté la vie d’Erich Mühsam et fait ressortir son importance, j’en resterai là cette fois.
Oui, dit Lucien l’âne, dans le fond, il s’agit juste de faire une sorte d’introduction à la chanson. À ce propos, je voudrais te demander si tu pourrais ajouter quelques détails, ne fût-ce que son titre.
Le titre, certes, Lucien l’âne mon ami, mais les quelques détails, ça va m’entraîner un peu plus loin que je le souhaitais. Donc, le titre est « Ma Prison » ; c’est une description du lieu, suivie d’une réflexion sur l’effet de ce lieu, de l’enfermement et des conditions dans lesquelles il est vécu. La description factuelle ou presque du lieu (me) fait penser à la façon dont aurait pu la peindre Vincent Van Gogh, sauf évidemment que les mots tiennent lieu de touches de couleur. Quand je dis couleur, je pense à la matière que le peintre prend sur son pinceau pour l’étendre sur la toile.
Donc, dit Lucien l’âne, si je comprends bien : les mots sont des couleurs.
Exactement, répond Marco Valdo M.I., dans cette manière d’écrire, les mots sont des couleurs et quand on les agence, on obtient un tableau. Tout comme le peintre joue des couleurs pour créer une ambiance, un monde, un tableau, le poète use des mots pour obtenir un résultat du même ordre. Ici, faire percevoir son lieu d’enfermement. Ensuite, il est important de prendre en compte le fait que ce texte date d’avant 1914, c’est-à-dire ces années avant ses séjours en prison des années 20 et 30. Comme je n’ai pu relever de séjour d’Erich Mühsam en prison avant celui de 1919, je ne peux dire s’il s’agit d’un lieu réel ou purement imaginé. Même si évidemment, le tableau est convaincant.
Oh, dit Lucien l’âne, à ce sujet, on peut penser que tu dis juste, car en plus des Lettres de prison de Carlo Levi, dont la première chanson était Le Fils emprisonné et il est aussi question de prison dans Dachau express.
Évidemment, Lucien l’âne mon ami, et pour ce qui est de la peinture, je te recommande de relire « Le Vent souffle ».
Oh, dit Lucien l’âne, finalement, c’est peut-être une sorte d’anticipation. La poésie est coutumière du genre. Maintenant, pour ce qui nous concerne, tissons le linceul de ce vieux monde carcéral, étouffant, autoritaire, baillonneur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Sur
la mer, la vague danse,
Le vent libère la musique.
Ma cellule a de la place pour la danse
Dans ses dix-sept mètres d’air cubique.
Des
ciels bleus comme
une fleur
Frémit la nostalgie qui apaise le cœur.
Ma fenêtre est grillagée
Et sa grosse vitre est striée.
L’amour de son pâle et frêle doigt
Sur le lit trace son repère.
Ma porte est en fer,
Mon grabat est dur et étroit.
Mille questions, mille énigmes
Rendent stupides nombre d’hommes.
J’en ai seulement une à part moi :
Pourquoi suis-je assis ici ? Pourquoi ?
Derrière
l’œil, la larme se terre
Et en son temps, pleure.
On bloque toutes mes esquisses
Au nom de la justice.
Un vent a jeté bas du toit
Mon drapeau et mes projets.
On pense souvent qu’on pourrait,
Ce qu’en fin de compte, on ne peut pas.