Hérétique le Bonhomme
Chanson française – Hérétique le Bonhomme – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel
le Gueux – 17
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
(Ulenspiegel
– I, LXVII)
Cette
numérotation particulière : (Ulenspiegel
– I, I), signifie très
exactement ceci :
Ulenspiegel :
La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs,
dans le texte de l’édition de 1867.
Le
premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman
comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre
d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur
vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui
ne figurent pas ici.
Hérétique, hérétique, le bonhomme.
On l’a dénoncé, il doit mourir.
|
Nous
voici, Lucien l’âne mon ami, à la dix-septième canzone de
l’histoire de Till le Gueux. Les seize premières étaient, je te
le rappelle :
01
Katheline
la bonne sorcière
[[50627]]
(Ulenspiegel
– I, I)
02
Till
et Philippe
[[50640]](Ulenspiegel
– (Ulenspiegel – I, V)
03.
La
Guenon Hérétique
[[50656]](Ulenspiegel
– I, XXII)
04.
Gand,
la Dame
[[50666]](Ulenspiegel
– I, XXVIII)
05.
Coupez
les pieds !
[[50687]](Ulenspiegel
– I, XXX)
06.
Exil
de Till
[[50704]](Ulenspiegel
– I, XXXII)
07.
En
ce temps-là, Till [[50772]](Ulenspiegel
– I, XXXIV)
08.
Katheline
suppliciée [[50801]](Ulenspiegel –
I, XXXVIII)
09.
Till,
le roi Philippe et l’âne [[50826]](Ulenspiegel
– I, XXXIX)
10.
La
Cigogne et la Prostituée [[50862]](Ulenspiegel
– I, LI)
12.
La
messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse
[[50939]](Ulenspiegel – I, LIII)
13.
Indulgence
[[51015]] (Ulenspiegel – I, LIV)
14.
Jef,
l’âne
du diable [[51076]] (Ulenspiegel –
I, LVII)
15.
Vois-tu
jusque Bruxelles ?
[[51124]]
(Ulenspiegel
– I, LVIII)
16.
Lamentation
de Nelle, la mule et la résurrection
[[51150]]
(Ulenspiegel
– I, LVIII)
Lors
donc, Lucien l’âne mon ami, toi qui aimes que je t’explique
d’abord le titre des canzones, il est à présent question d’un
bonhomme, d’un hérétique. L’hérétique est quelqu’un qui
fait l’objet d’une vindicte particulière de la part d’une
église ou d’une religion ; en pratique, est hérétique toute
personne qui dérange une église ou une religion ou qui met en cause
ses fondements ou son existence. Il est certes toutes sortes
d’hérétiques. C’est une production prolifique des religions
(sans religion, pas d’hérétique)et dans le cas de la chanson, de
la religion catholique. Depuis sa création, elle en a produit
quasiment sans interruption de nouveaux modèles, comme l’industrie
automobile. Est hérétique, tout qui met en cause le dogme, les
pratiques ou le pouvoir de l’Église. Je te prie de considérer que
l’Église et sa prétention à l’unicité
résulte – en définitive – de la nécessité pour l’Empire de disposer d’une religion unique. C’était encore, il t’en souvient sans doute, le projet de Charles-Quint et Philippe le roi, son fils, entendra faire pareil dans son royaume. Ceci pour la première partie du titre de la canzone.
résulte – en définitive – de la nécessité pour l’Empire de disposer d’une religion unique. C’était encore, il t’en souvient sans doute, le projet de Charles-Quint et Philippe le roi, son fils, entendra faire pareil dans son royaume. Ceci pour la première partie du titre de la canzone.
Salut
à toi, Marco Valdo M.I., mon ami, j’apprécie en effet beaucoup de
t’écouter expliciter les titres, gloser à propos des canzones ou
d’autre chose. Donc, pour ce qui est des hérétiques, me voilà
servi, du moins pour l’instant, car je pense qu’on y reviendra.
Ce qui m’intrigue plus, c’est ce bonhomme, avec majuscule en
plus.
Qu’est-ce
qu’un Bonhomme, singulièrement quand il s’agit d’hérétiques.
Historiquement, on connaît des Bons Hommes et des Bonnes Femmes,
suspects d’hérésie. C’étaient les noms que se donnaient les
Cathares qui, si tu veux bien t’en souvenir, firent l’objet de la
part de l’Église Catholique d’une série de furieuses croisades,
de procès inquisitoriaux et de grands massacres jusqu’à leur
complète élimination. Ce qui prit plus de trois cents ans. Ce fut
une persécution immonde, en tous points semblable à celle dont
firent l’objet – à la même époque – les membres de la
Fraternité des Pauvres de Lyon, autrement dit les partisans de Valdo
et en Italie, les Dolciniens, partisans de Dolcino et de Marguerite.
Et l’affaire n’est pas close. Suis bien ceci un instant que ces
Bonshommes, ces hérétiques – au-delà des errances théologiques
– étaient surtout poursuivi de la vindicte ecclésiastique en ce
qu’ils mettaient en cause le plus important pour l’Église (en ce
temps-là et aujourd’hui encore) : le pouvoir et son avidité
pour les richesses terrestres. En peut-il exister d’autres,
d’ailleurs ?
En
somme, dit Lucien l’âne en balançant la tête et col, excuse-moi
pour cette intervention, c’est toujours là une facette de cette
Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux
pauvres et aux démunis afin de maintenir leur domination sur le
monde, de tenir les pauvres en soumission, d’empêcher toute remise
en cause réelle de l’état des choses, de promettre tout et
n’importe quoi et de ne pas le tenir, le paradis et la rédemption,
d’accroître leurs fortunes, de développer l’exploitation des
hommes et de la nature et de garantir leurs privilèges.
Bien
évidemment et cela perdure à présent. Il s’agit de mener le
troupeau et de réduire toutes les voies de la liberté. Venons-en à
présent, car cela t’importe aussi, à la canzone et à la suite de
l’histoire de Till le Gueux. Cette fois, c’est en quelque sorte
un épisode intermédiaire, mais rempli d’enseignements sur la
suite des événements, que toutefois, je ne dévoilerai pas trop.
Il
te faudra sans doute y revenir, dit Lucien l’âne en se dandinant.
Car le futur éclaire le présent comme le présent éclaire le
passé.
Car
le passé éclaire le présent comme le présent, le futur.
N’oublions pas que cette Légende d’Ulenspiegel est déjà écrite
(par Charles De Coster, notamment), mais pas entièrement. Pour
l’instant, je te le dis, nous avançons à tâtons. C’est ma
façon de procéder.
Mais
dis-moi quand même quelques choses…
En
résumé, c’est la canzone du retour de Till, de l’arrivée du
messager, de l’annonce du supplice de Josse (le frère de Claes et
donc, l’oncle de Till) et de l’arrestation de Claes pour hérésie.
Je disais l’épisode intermédiaire, il faut comprendre central. Le
tout bercé par l’intermittente lamentation de Katheline :
« Le feu ! Le feu ! Creusez-un trou, l’âme veut
sortir ! ».
Me
voilà comblé et il ne me reste plus qu’à écouter la canzone que
– beau ménestrel – tu vas me dire et nous reprendrons ensuite le
cours de notre tâche en tissant de nos pauvres mains le linceul de
ce vieux monde malade du pouvoir, impotent, trompeur, criminel et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Quand
roulait la procession du Saint Sang,
Claes
attendait Till anxieusement
Sur
le pas de la porte, il guignait
L’homme
de haute stature qui s’en venait.
L’homme
ramassait les carottes
À
même la terre et crues, les croquait.
L’homme
arriva au coin de la rue, peu après.
Entre
chez moi, dit Claes, retire tes bottes.
Bénis
ceux qui sont doux à l’errant.
Tu
as soif, tu as faim.
Depuis
huit jours, je ne mange rien
Que
les racines des bois et les carottes des champs.
Apportes-tu
des nouvelles, messager ?
Ton
frère Josse est mort sur la roue.
Méchant
bourreau, mon pauvre frère.
L’homme
donne à Claes le fraternel baiser.
Le
messager resta sept jours entiers.
Toutes
les nuits, il entendait Katheline crier :
« Le
feu ! Le feu ! Creusez-un trou, l’âme veut sortir ! ».
Puis,
le Bonhomme dut repartir.
Voici
le prévôt et quatre sergents ;
Qui
donc viennent-ils chercher ?
Claes
se bat pour sa liberté.
Il
est innocent, il est innocent.
« Le
feu ! Le feu ! Creusez-un trou, l’âme veut sortir ! »
Qu’a
donc fait mon pauvre homme ?
Hérétique,
hérétique, le bonhomme.
On
l’a dénoncé, il doit mourir.
La
male heure a sonné, dit le fermier.
Till
affolé se dépêche d’arriver.
Nelle
lui dit : « Ne rentre pas chez toi !
Les
soldats t’attendent là-bas. »