QUAND
ON VEUT COMMENCER
Version
française – QUAND ON VEUT COMMENCER – Marco Valdo M.I. –
2011
Chanson italienne – Quando stai per cominciare – Eugenio
Finardi – 1975
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L'entrée dans la vie adulte |
Regarde,
Lucien l'âne mon ami, voici une chanson qui parle du début dans la
vie... Mais, comme il est dit, elle date un peu... Elle est de
1975...
Et
alors ?, demande l'âne Lucien, ébahi...
Et
alors ? Mais, Lucien l'âne mon ami, il y a qu'elle parle du
service militaire obligatoire.
Oui,
certes, mais encore ?, dit l'âne Lucien, en ouvrant des yeux de
plus en plus grands, à se demander où il va les chercher.
Du
moins, à première vue. Mais, regarde bien le titre, il dit « Quand
on veut commencer »... C'est l'entrée dans la vie adulte... Et
si elle n'était pas drôle et si elle était proprement écrasante
du temps d'Eugenio Finardi en raison de cette école de dressage
qu'était le « service militaire », elle l'est toujours
autant aujourd'hui... À vingt ans … Souviens-toi de Nizan, lui
c'était dans les années Trente du siècle dernier... Dans Aden
Arabie et c'en est même l'incipit, la première phrase, Paul Nizan
disait : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai
personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. ». Par
parenthèse, Nizan fut assassiné deux fois : une première fois
d'une balle explosive dans la nuque...
Par
qui ?, demande Lucien l'âne. Et puis, comment a-t-il pu être
assassiné une deuxième fois ? Et toujours, par qui ?
Oh,
pour le premier assassinat, on n'a jamais pu ou voulu retrouver le
tueur. C'était à Dunkerque en 1940. On n'a même pas essayé de
déterminer la provenance de la balle... ou l'enquête a été
étouffée... Faut dire qu'il y avait tellement de morts dans ce
coin-là à ce moment là. Quant au deuxième assassinat, là, on
sait...
Mais
enfin, dit l'âne Lucien complètement ahuri par le tour du propos...
On ne peut quand même pas assassiner un mort...
Si.
Si, Lucien l'âne mon ami, et je vais te dire comment... en le
vilipendant et c'est ce qu'ont fait les communistes français,
notamment certain écrivain, dont je tairai le nom et s'il n'y avait
eu l'ami de Nizan, un certain Jean-Paul Sartre, l'affaire en serait
resté là. Nizan aurait pour toujours été un traître... Mais il y
avait Sartre qui avait un peu le goût de la vérité et n’acceptait
ni l'injustice, ni la diffamation.. Et voici ce qu'en disait Sartre
dans sa préface à Aden Arabie, livre qu'il avait réussi à faire
rééditer par un petit éditeur-libraire indépendant François
Maspero...
Ah,
les livres publiés par Maspero... dit Lucien l'âne le visage tout
ébloui... Ce fut un grand moment de l'édition française...
Donc,
Sartre disait dans la préface à propos de Nizan et du
P.C.F.« C'était la faute inexpiable, ce péché de
désespérance que le Dieu des chrétiens punit par la damnation. Les
communistes ne croient pas à l'Enfer : ils croient au néant.
L'anéantissement de Nizan fut décidé. Une balle explosive l'avait,
entre tant, frappé derrière la nuque, mais cette liquidation ne
satisfit personne : il ne suffisait pas qu'il eût cessé de
vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé. On persuada les
témoins de sa vie qu'ils ne l'avaient pas connu pour de vrai :
c'était un traître, un vendu. ».
(http://www.ina.fr/video/2820212001)
Vois-tu, Lucien l'âne mon ami, c'est à ça aussi que peuvent servir
les Chansons contre la Guerre à faire luire – même cinquante ans,
même septante ans après, l'étincelle de la vérité. Crois-moi,
tant que je serai là, je ne laisserai pas Nizan dans le néant.
C'était une plume d'acier, il m'a appris à écrire. Précisément,
lors de mon entrée dans la vie. Et puis, Paul Nizan fit la même
chose, que nous faisons à son égard – le faire revivre, avec ses
« Matérialistes de l'Antiquité », un livre qui sauvait
Épicure (surtout Épicure et Lucrèce) du néant où le
christianisme avait voulu les engloutir sous une marée de mensonges
et d'absurdités.
Cela
dit, la chanson de Finardi ?
C'est
une chanson comme celles des Histoires d'Allemagne ; elle est en
quelque sorte dite par un narrateur, par un protagoniste. Cette
chanson, c'est un « jeune qui parle aux jeunes », comme
au temps de Radio Londres : « Un Français parlait aux
Français »... Cela dit, Lucien l'âne mon ami, je n'ai pas
arrêté d'en parler de cette chanson. Cependant, je n'en ai pas
fini. Car si, comme je te l'ai dit, il n'y a plus de « service
militaire » pour marquer l'entrée dans la vie des jeunes (en
l'occurrence, mâles), il y a les contrats d'intérim ou les contrats
précaires pour les jeunes (mâles et femelles), quand ce n'est pas
un long temps de chômage ou le néant, la galère... Voilà le
nouveau service qui est censé initier les jeunes... de les édifier.
En fait, il s'agit pour l'essentiel de les dresser, ces garnements...
C'est
édifiant, cette édification... dit Lucien l'âne d'une voix pleine
d'ironique tension. En fait, on en est toujours à la caserne ;
en fait, Paul Nizan avait raison quand il disait : « J’avais
vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge
de la vie. » et j'ajouterais en regardant ce qui se passe :
trente ans, quarante ans... Quel que soit l'âge, c'est du pareil au
même... Dans le monde actuel, dans ce « hic et nunc »
(Ici et maintenant), dans ce système – car c'est un système régi
par la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres, tous
les jours, partout et à chaque instant, afin de les asservir, de les
édifier, de les dresser et d'assurer ainsi leur pouvoir, de
maintenir l'exploitation, de développer leurs richesses et
d'accroître leur domination – dans ce système, il s'agit que rien
ne soit jamais remis en cause, que tout toujours demeure... dans la
demeure du Père, dans le monde éternel. Voilà pourquoi, Marco
Valdo M.I., il nous faut reprendre notre tâche à chaque instant et
tisser le linceul de ce vieux monde hiérarchisé, inique,
dominateur, dresseur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
À
vingt ans, ça étonne
De n'être plus un enfant
Et d'être
presque un homme
Mais
devant soi, on a du temps
Pour faire ce qui est important
Et
finalement
Se réaliser
Mais quand on veut commencer
Ils
nous appellent à l'armée
Oh, non !
Oh, non !
Là,
ils nous ôtent tous nos droits
On peut juste se tenir droit
Et
obtempérer
Là, ils disent que le devoir
C'est de
respecter
Ceux qui ont le pouvoir
Et si par hasard, on
n'apprend pas
Il y a toujours les prisons à soldats
Oh, moi
non !
Oh, non ! Moi non !