L'HOMME
À L'OREILLE VERTE
Version
française – L'HOMME À L'OREILLE VERTE – Marco Valdo M.I. –
2014
Chanson
italienne – Un signore maturo con un orecchio acerbo (L’orecchio
verde) – Gianni
Rodari – 1979
Dis-moi,
Marco Valdo M.I. mon ami, il me semble que dès le titre, tu en
prends à l’aise avec la traduction... Explique-moi le pourquoi et
le comment de cet étrange phénomène qui a raccourci le titre
italien au point de ne plus le reconnaître...
Ah,
salut à toi, ô Lucien l'âne à l’œil si ouvert et aux oreille
si noires, salut à toi, Seigneur, Salut à vous notre Seigneur venu
des temps si anciens et pourtant aux yeux et aux oreilles plus jeunes
que l'enfant naissant et plus aigus que le diamant. Oh, je ne dirai
pas de toi, ni de tes oreilles, ni de tes sabots, ni de ta queue, ni
de rien de ce qui te constitue que l'âge, oui, l'âge ait pu un
instant vous entamer... Eh oui, Lucien l'âne mon ami, tu es encore
tel qu'en toi-même l'éternité te connaîtra et cela du début à
la fin des temps, tu incarnes l'immortalité de l'âne. Donc, je te
salue. Maintenant pour ta question concernant le titre de la
traduction de la canzone ou la traduction du titre de la canzone, ce
qui est la même chose, je m'en vais te répondre.
Il
est temps... J'ai cru que tu n'y arriverais jamais...
Voyons,
Lucien l'âne mon ami, ne relance pas si imprudemment mon discours...
et laisse-moi aller mon train. Donc, j'y reviens à cette affaire de
traduction. Certes, tu avais raison, le titre italien est bien long
et pour te satisfaire, je m'en vais te le traduire littéralement.
Que dit-il finalement ? Ceci : « Un signore maturo
con un orecchio acerbo (L’orecchio verde) » : « Un
homme mûr avec une oreille acerbe (L'oreille verte) ». Et moi,
j'ai traduit : « L'homme à l'oreille verte ».
Était-ce par souci de simplification ? Par goût de la
compacité ? Peut-être, mais pas seulement. C'était certes un
chemin qui m'y menait, mais vraiment, il y a autre chose, plus
exactement encore d'autres choses, sans doute liées à des souvenirs
d'enfance ou à des pensées d'un autre temps, à des réminiscences,
des remembrances comme disait Rimbaud. Je m'explique en mettant tout
sur la table :
L'homme
à l'oreille cassée – L'homme à l'oreille coupée – L'Oreille
cassée.
Pour
faire court : l'Homme à l'oreille cassée, c'est le plus
ancien... C'est le héros d'un roman d'Edmond About, vers 1860 –
par parenthèse, un jeune homme ressuscité lui aussi ; L'Homme
à l'oreille coupée, c'est évidemment, Vincent
Van Gogh ; quant à l'Oreille cassée... C'est une aventure de Tintin...
Van Gogh ; quant à l'Oreille cassée... C'est une aventure de Tintin...
On
ne peut être plus enfantin..., éclate l'âne Lucien dans un rire
qui tonitrue encore. Tu m'as l'air bien acerbe, toi aussi. Va donc
pour ton homme à l'oreille verte. Mais au fait, qu'est-ce donc
qu'une oreille acerbe ou une oreille verte ?
À
vrai dire, l'expression n'existe pas véritablement en français et
je comprends ton ébahissement. Mais voilà, tu auras vu comme moi
que le titre utilise deux façons, deux mots pour qualifier
l'oreille : il la dit verte et il la dit acerbe. En italien, ils
peuvent être synonymes et assez directement. En français, il y faut
un (léger) détour... Mais dans les deux langues, il y a vert et
vert. Vert étant une couleur, mais vert est aussi une manière de
dire « encore jeune », « acide », « pas
mûr ». Et là, dans les deux langues, nous y sommes. Je
t'indique aussi qu'acide peut se dire acéré, aiguisé, aigu,
précis, exact... Et donc, cette oreille verte est à la fois, et
c'est dit dans la chanson, verte, jeune, aiguë, précise... On peut
aussi pour être complet ajouter que par exemple, le raisin vert –
celui qui n'est pas mûr – est tout petit... Donc, la signification
est aussi celle-là : petite oreille. En somme, on nage en
pleine amphibologie ; on est en Polysaimie, ce continent étrange
entièrement peuplé de mots exilés de la terne platitude des mondes
mûrs.
Je
te propose d'arrêter là tes élucubrations et de passer à la
chanson de l'homme dans le train avec une oreille verte. Sans
toutefois oublier de reprendre notre tâche qui nous entraîne, tels
des canuts à durée indéterminée, à tisser le linceul ou le
suaire, ce qui est la même chose, de ce vieux monde trop mûr,
carrément blet, pourrissant, pour tout dire en décomposition et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Il
n'était pas si jeune, tout en lui avait mûri
Tout, sauf l'oreille, qui était restée verte.
Je changeai vite de place pour être près de lui
et voir cette oreille si experte.
Tout, sauf l'oreille, qui était restée verte.
Je changeai vite de place pour être près de lui
et voir cette oreille si experte.
« Monsieur
– dis-je donc – vous avez un certain âge
Que faites-vous de cette oreille verte ? »
Il répondit gentiment : « En effet, j'ai de l'âge
De ma jeunesse, seule cette oreille me reste.
C'est une oreille-enfant, elle me sert à comprendre
Les voix que les grands ne peuvent entendre.
J'écoute ce que disent les arbres, les oiseaux,
Les nuages qui passent, les cailloux, les ruisseaux.
Je comprends même les enfants lorsque ils disent des choses
Qui à une oreille mûre, paraissent mystérieuses. »
Que faites-vous de cette oreille verte ? »
Il répondit gentiment : « En effet, j'ai de l'âge
De ma jeunesse, seule cette oreille me reste.
C'est une oreille-enfant, elle me sert à comprendre
Les voix que les grands ne peuvent entendre.
J'écoute ce que disent les arbres, les oiseaux,
Les nuages qui passent, les cailloux, les ruisseaux.
Je comprends même les enfants lorsque ils disent des choses
Qui à une oreille mûre, paraissent mystérieuses. »
Voilà
ce que dit le monsieur à l'oreille verte
Ce jour-là sur le direct Capranica-Viterbe.
Ce jour-là sur le direct Capranica-Viterbe.