Les folles Filles
Chanson
française – Les folles Filles – Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 44
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVIII)
Ulenspiegel le Gueux – 44
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVIII)
Aujourd’hui,
Lucien l’âne mon ami, nous allons rencontrer comme le titre le
laisse supposer de « folles filles », dont je m’empresse
de préciser qu’il ne faut pas les confondre a priori avec des
filles folles, qui sont des personnes qui auraient perdu la raison ou
qui seraient atteintes d’une maladie mentale. En fait, ces « folles
filles » sont des demoiselles qui font les folles, qui
s’amusent ; par ailleurs, comme elles constituent la partie
féminine du régiment, elles suivent les soldats dans tous leurs
déplacements. Ces dames ne sont probablement ni leurs épouses, ni
leurs compagnes. Concrètement, en termes militaires, ce sont les
demoiselles du bordel de campagne. Comme tu t’en doutes, elles sont
un peu légères dans leur comportement et tiennent des propos un peu
lestes. Ce qui amuse beaucoup Till, ainsi qu’on va le voir.
Oh,
tu sais Marco Valdo M.I. mon ami, j’en ai connu des tas de ces troupes
de dames qui suivaient les armées les plus diverses – de la
plus haute Antiquité à nos jours et comme disent les barbeaux de la
chanson de Gilles et Julien (Faut bien qu’on vive) :
« Elles
ont au moins un avantage
On
les fait changer de paysage. »
Et
puis, Lucien l’âne mon ami, alors que les soudards doivent marcher, elles
sont transportées dans des chariots.
Là,
dit Lucien l’âne,
c’est du luxe. Généralement, elles suivent à pied et portent
elles-mêmes leur balluchon. Voilà donc pour le titre, mais que se
passe-t-il réellement ?
Ah,
dit Marco Valdo M.I., je m’en vais te conter ça par le menu. Il te
souviendra d’abord que précédemment, aux dernières nouvelles,
Till et Lamme sont cherchés par le
Comte jaloux.
Après avoir baguenaudé
un temps dans Bruxelles, ils sont revenus dans la maison de la rue
Sainte Catherine, où ces dames les ont cachés dans le grenier.
C’est là que Till a rendez-vous avec la commère du Comte, qui a
promis de le rejoindre une fois le Comte endormi. La situation se
dramatise du fait que le Comte révèle à la dame qu’il envoie des
détachements de son armée à Bois-le-Duc le lendemain matin pour
prendre la ville, poursuivre les hérétiques et accessoirement, la
rançonner et donner libre cours au pillage – qui est la manière
systématique
de payer la troupe au service de l’Espagne et
de terroriser les populations.
La
bonne dame informe Till de cette intention criminelle et Till, après
de tendres adieux, part dans la nuit, déguisé en pèlerin, pour
prévenir les gens de Bois-le-Duc. Chemin faisant, il rencontre la
troupe qui marche dans la même direction que lui. Il obtient
l’autorisation de l’accompagner et est vite repéré par les
« folles filles », qui lui proposent de les rejoindre
dans leur chariot.
Cependant,
le sergent qui les surveille, dénommé ici le « garde-putes »
– mot que j’ai inventé
pour donner une idée du nom
flamand que De Coster donnait à
ce sergent : « hoer
wyfel ». « Garde-putes » est un néologisme, un mot
que j’ai composé sur le modèle de « garde-ville »,
terme bruxellois pour désigner le sergent de ville. Pour le reste,
je t’en ai dit assez ; va voir la chanson.
C’est
ce que je vais faire à l’instant. Puis, nous reprendrons notre
tâche et nous tisserons le linceul de ce vieux monde putassier,
militaresque, fou et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco
Valdo M.I. et Lucien Lane
À
sa belle commère, le Comte confesse, au lit,
Que
sa troupe envahirait Bois-le-Duc au matin.
Le
fier homme endormi, la commère rejoint Till et lui dit.
Le
temps d’un adieu peu vertueux et Till se met en chemin.
Déguisé
en pèlerin, Till s’élance incontinent
Sans
rien, sans provisions, sans argent.
Il
rattrape la troupe des soldats
Et
marche avec eux du même pas.
En
tête va l’enseigne wallonne aux tambours tambourinants
Suivie
de l’enseigne flamande, aux fifres glapissants.
Ils
sont plus de trois cents derrière l’oriflamme,
Suivis
de deux chariots de femmes.
Les
dames légères comme des fauvettes
Mangent
et boivent et font la causette.
Ce
ne sont que plumes et couleurs :
Satins
et tissus rouge, bleu, vert, azur : des fleurs.
Certaines
en uniforme de lansquenets,
Décolletées,
laissent voir leurs attraits.
Des
femmes de métier assurément
Qui
rient et grimacent à la barbe du sergent.
Alors,
criant, rigolant, hoquetant, caquetant,
Les
folles filles avisent Till hardiment.
Que
fais-tu là, beau manant ?
Selon
le vœu du Pape, je pèlerine pèlerinant.
Je
vais prêchant l’amour du prochain et la Sainte Foi
Par
monts et par vaux à tous les soldats.
Tu
es bien jeune, disent les filles, pour cet amour-là.
Monte
près de nous, l’amour de la prochaine, on t’enseignera.
Apprendre
d’elles, Till aurait bien voulu,
Ce
sont des filles savantes et franches.
Mais
l’autorité veille sur la vertu :
Le
sergent garde-putes dit : « Si tu ne t’en revas, je te
détranche. »
À
l’étape, prudent, Till se méfie
Des
soldats, des sergents, pas des filles,
Chez
qui il veut encore monter.
Le
sergent jaloux l’abandonne au fossé.
Délivré,
Till coupe par chemins et par sentiers,
Gagne
Bois-le-Duc comme le vent.
Les
bourgeois se regroupent à huit cents.
Ainsi,
les soudards de Merghem sont repoussés.