dimanche 12 avril 2020

La dernière Scène


La dernière Scène

Chanson française – La dernière Scène – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 53

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.




La dernière Scène

Joseph Steib – peintre résistant

Mulhouse – 1943






Dialogue Maïeutique

Tu te souviens certainement, Lucien l’âne mon ami, que l’autre jour, on avait perdu de vue les pantins du sieur Andrea Sereno que Matej avait dû abandonner du fait que lui-même avait été arrêté et ensuite, repris par l’obligation militaire. Cependant, comme tu le verras dans cette chanson, les petits bonshommes de bois ont continué leur aventure. Pas pour longtemps toutefois, car ils jouent ici leur dernière scène.

Oh, dit Lucien l’âne, c’est ça, le titre étrange de cette chanson. J’aurais juré que c’était une autre scène qui se jouait, celle où un type au milieu d’une grande table, entouré d’autres gars : six à gauche, six à droite – tous un peu ahuris. Et si tu comptes bien, ils étaient treize à table et ça ne leur a pas porté chance, paraît-il. Ils auraient dû écouter le dicton et se fier à la sagesse antique, mais il y en a qui en savent toujours plus que les autres.

En effet, répond Marco Valdo M.I., c’est à peu près ça qu’on voit dans une célèbre peinture à la fresque. Cependant, c’est juste une homophonie qui te fait faire cette confusion, car la peinture de Léonard a pour titre « La dernière Cène », c’est-à-dire le dernier repas du soir. Ici, on aurait plutôt dit : « Le dernier Souper ». Je t’accorde toutefois que c’est évidemment aussi la dernière scène de cette comédie-là. Ensuite, m’a-t-on raconté, elle s’achève tragiquement.

Alors, dit Lucien l’âne, on dira que c’est une tragi-comédie qui finit mal.

Si on veut, dit Marco Valdo M.I., car il y a un tour de passe-passe final qui la conclut en « happy end », car le mort qui était mort, n’est plus mort, mais on ne le retrouve plus. Un vrai péplum hollywoodien.

D’accord, dit Lucien l’âne, tout ça me paraît bien embrouillé et pas clair du tout, mais dis-moi plutôt ce qu’il en est de la petite troupe et de sa dernière scène. Par parenthèse, je croyais qu’elle l’avait jouée, dans l’épisode « La Guerre frappe à la Porte », sur la scène de ce théâtre vide où Matthias faisait ses adieux avant d’aller – contraint et forcé – déserter à Austerlitz.

Et donc, reprend Marco Valdo M.I., les marionnettes abandonnées ont décidé de retrouver leur directeur disparu. Sans lui, elles se sentent orphelines. Finalement, elles se mettent en route et aboutissent dans une auberge en ruines pour y passer la nuit. Tout va bien jusqu’à l’arrivée d’une bande de soldats qui va leur faire subir toutes les violences, les massacrer et incendier l’auberge. Bien sûr, les pantins vont se défendre et opposer une héroïque et civile résistance – Labyrinthe s’emparant d’un pistolet, tuera l’adjudant qui commande les soldats, mais que peuvent les petites gens contre la soldatesque ivre.

Dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour conserver leurs richesses, accroître leur domination, etc., il en va toujours ainsi : les civils sont la proie des armées. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde armé, militaire, brutal, idiot et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Des brutes embarquent dans les fourgons
Les conscrits désignés volontaires.
Les marionnettes sont sans réaction
Face à la barbarie militaire.

Sous les yeux pétrifiés de la compagnie,
Ignorante de sa propre tragédie,
Le directeur-déserteur est enlevé
Au petit théâtre ainsi décapité.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Face aux petits comédiens hésitants,
Siegfried, comte palatin, conte la guerre,
L’affrontement décisif en Bavière.
Geneviève, la comtesse, propose d’aller en Brabant.

Il s’agit de survivre avant tout.
Basile plaide le chemin contraire :
La Moravie, la Silésie, n’importe où
Où on ne trouve pas la guerre.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Une nuit, à l’auberge en ruines, les soldats
Violent Geneviève, écrasent le Palatin.
La belle Hélène se défend des deux bras.
L’un après l’autre meurent les comédiens.

Méphisto appelle les puissances infernales,
Basile propose de négocier, de payer.
Labyrinthe les venge d’une balle :
L’adjudant violeur tombe foudroyé.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.