Le Retour de l’Alouette
Chanson
française – Le
Retour
de l’Alouette
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 86
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XLII)
Ulenspiegel le Gueux – 86
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XLII)
Nelle
et Till
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Dialogue
Maïeutique
Encore
une fois, dit Lucien Lane en balançant les oreilles, goguenard, un
de ces titres codés dont il faut deviner la signification, mais je
pense savoir de quoi il s’agit.
Je
l’espère bien, Lucien l’âne mon ami, que tu sais ce dont il
s’agit, car sa signification est évidente pour tout qui a suivi
les méandres de cette fluviale légende de liberté.
Fluviale
légende ?, Marco Valdo M.I. mon ami, fluviale légende ?
Que veux-tu dire ?
Oh,
Lucien l’âne mon ami, la chose est fort simple, mais cependant
assez importante à envisager, car c’est une des clés principales
du monde dans lequel s’inscrit la Légende elle-même. Fluviale,
voici pourquoi. Il te souviendra que nous avons suivi Till souvent au
bord de rivières, de fleuves, de canaux. Je cite pêle-mêle :
la Meuse, la Sambre, l’Hélinium, le Rhin, l’Escaut, la Lys, la
Senne et divers canaux sans nom particulièrement renommé, ce qui
constitue en fait le territoire des Hauts et Bas Pays, bordés de la
mer du côté où se couche le soleil ; ces mêmes Pays sont
l’espace de la Légende. Mais dis-moi ce que tu as deviné ?
Je
pense, dit Lucien l’âne, que tout au long de ce qui précède,
Till pousse le cri de l’alouette quand il veut se signaler à un
autre Gueux, lequel doit répondre par le chant du coq et donc, je
pense que l’alouette de ce titre n’est autre que Till lui-même
et qu’on assiste au retour de Till au pays d’où il a été
longuement exilé.
C’est
exactement ça, répond Marco Valdo M.I., Till et Lamme rentrent à
Damme après longtemps d’absence, ce qui ne marque pas,
rassure-toi, la fin de leurs aventures. On a encore beaucoup à
connaître de leurs péripéties ; la guerre des Gueux n’est
pas finie, loin de là. Simplement, comme il est annoncé dans
diverses chansons, les Gueux vont conquérir les mers et poursuivre
l’Espagnol jusqu’à l’autre bout du monde. Mais cela est une
autre affaire et déborde de bien des façons de l’univers de la
Légende. On ne s’y risquera pas, car il faudrait alors faire
l’histoire entière de la
Guerre de Cent Mille Ans, dont on ne sait déjà
précisément quand elle commence et dès lors, quand elle finira ;
mais certainement pas tout de suite.
En
effet, dit Lucien l’âne songeur, faire l’histoire de la Guerre
de Cent Mille Ans en entier est une œuvre considérable et
probablement impossible, même si on ne s’en tient qu’au passé ;
quant à son futur, un temps, les plus audacieux des romanciers de
science-fiction ont essayé de le faire, sans y parvenir. Bref, c’est
une mission impossible. Mais reviens à la chanson du retour de
l’alouette Till.
Donc,
Lucien l’âne mon ami, Lamme, tout à la joie du retour, s’étonne
du mutisme de Till et lui en fait un amer reproche jusqu’à ce
qu’il s’aperçoive que Till est en larmes : larmes de
chagrin au souvenir de la
mort de Claes le charbonnier, son père, au souvenir de
Soetkin, sa mère, morte de la mort de son mari ; larmes de
bonheur à la douce idée de retrouver Nelle. Cette retrouvaille est
la fin de la chanson et l’amorce d’une nouvelle époque de la
Légende.
Alors,
dit Lucien l’âne, voyons ce retour de l’Alouette au nid et
reprenons notre tâche, tissons le linceul de ce vieux monde à bien
des égards barbare, morne, mercantile, obsédé par l’argent,
rongé par l’apparence, malade du pouvoir et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Au
long du canal de Damme,
De
longtemps, le temps est en exil.
Jean
porte le gros bât de Lamme
Et
Jef marche à côté de Till.
Les
cigales bruissent dans les prés ;
Sur
les champs, les manants récoltent le blé.
Les
gens d’église viennent chercher
Le
treizième pour les abbés et les curés.
Au-dessus
de l’eau, les carpes affamées
Happent
les mouches ronflantes ;
Les
noires arondes virevoltantes
Leur
volent les bestioles tant convoitées.
Sans
souffle, l’air est chaud,
Les
arbres tremblent au bord de l’eau.
Le
soleil tape tout droit
Sur
la berge où cacardent les oies.
Le
carillon égrène le branle de midi,
Le
soleil déverse sa chaleur,
La
nature se tasse sous cette pâleur,
L’alouette
rentre en son pays.
Les
femmes crient à tue-tête
C’est
l’heure du casse-croûte.
À
Till, de sa main boudinée, Lamme
Montre
le beffroi carré de Damme.
Lamme
dit : « Là sont tes amours et tes douleurs. »
Till
ne répond pas.
Lamme
dit : « Là est ma demeure. »
Till
ne répond pas.
Lamme
dit : « Homme de bois, cœur de pierre !
Ton
cœur a oublié ton père et ta mère ? »
Till
ne répond pas.
Till
pleure encore et ne répond pas.
Till
entre en la maison de son enfance ;
Le
nouveau charbonnier accueille sa souffrance.
Puis,
avec les ânes, ils vont chez Katheline.
Ils
entrent, les femmes dînent.
Till
muet se tient là debout,
Saisie,
Nelle pleure : « Se peut-il ? »
Nelle
se jette à son cou.
Affolée,
elle rit : « Till ! Till ! »