samedi 23 janvier 2016

LE PAPILLON


LE PAPILLON

Version française – LE PAPILLON – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après la version allemande Der Schmetterling d’une
Chanson tchèqueMotýl [[44599]] – Pavel Friedman – 1942 (Theresienstadt)








Lucien l’âne mon ami, laisse-moi te conter l’aventure que j’ai connue avec cette chanson, dont j’ai cru qu’elle avait été écrite en langue allemande. Il n’en est rien et je m’en suis rendu compte à temps, comme tu vas t’en apercevoir. Une remarque préliminaire est importante : s’il ne m’était pas paru anormal qu’un écrivain tchèque, par ailleurs juif, écrive en langue allemande, c’est que j’avais en tête l’exemple de Franz Kafka. Il n’y avait pour moi, rien d’inhabituel à ce que cette chanson ait pour titre « Der Schmetterling ».

Sauf, soit dit en passant, que Franz Kafka et Rainer Maria Rilke sont des exceptions. Généralement, du moins à partir du siècle dernier et après la guerre de 1914-18, les écrivains tchèques écrivent en tchèque.

Sauf aussi qu’il y eut Ilse Weber [[37938]]Donc, reprenons au début de l’aventure. Il te souviendra que récemment, je travaillais à la version française de Lager [[259]], une chanson de Francesco Guccini et que je l’ai finalement publiée. Ce faisant, j’avais trouvé une version en italien de « La farfalla » d’un jeune poète tchèque Pavel Friedman, sans aucune référence à l’originale, qui figure pourtant dans les CCG dans sa langue et sous son titre de Motýl. Pavel Friedman – en fait, je ne le connaissais pas – est bien un poète tchèque, né à Prague, et juif, qui a fini dans le vent d’Auschwitz en 1944. Il avait 21 ans. Son patronyme à consonance allemande (mais on est dans l’ancienne Autriche-Hongrie) n’était pas une indication. Comme tu le vois, cette circonstance ne m’empêche pas de joindre aux versions tchèque, anglaise et italienne, une version française, dont je te précise qu’elle est tirée de la version allemande, que je joindrai aussi.

Et la chanson elle-même ?, dit Lucien l’âne en souriant. J’aimerais savoir ce que tu as à en dire.

Je serai très bref, car elle se dit très bien elle-même. C’est une chanson d’une beauté et d’une lucidité stupéfiantes et en même temps, effrayante et bouleversante, car elle se situe très consciemment au bord de l’abîme (façon feutrée pour dire : à l’entrée du crématoire). Enfin, au pissenlit, aux bougies des châtaigniers (en fleurs), j’ajouterais volontiers pour donner à butiner au papillon, le myosotis, tiré de la chanson Les Deux Oncles de Georges Brassens [[394]] afin que nul n’en perde la mémoire.

À propos de myosotis (en allemand :  Vergissmeinnicht – Ne m’oubliez pas), j’aimerais que tu reprennes un de ces jours sa chanson Le Myosotis, réelle chanson d’amour, mais pas seulement, où Tonton Georges fait allusion (et c’est le sens profond de la chanson) à son séjour forcé en Allemagne pour cause de S.T.O. (Service de Travail Obligatoire). C’est du moins ce qu’il m’a semblé en la lisant l’autre jour. En attendant, regardons ce Papillon dans toutes ses versions et reprenons notre tâche qui consiste à tisser encore et encore le linceul de ce vieux monde guerrier, nationaliste, bête et méchant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le dernier des derniers,
Aussi fort, clair, jaune luisant,
Qu’une larme du soleil se posant
Sur une pierre blanche.

D’un si profond jaune,
Tout léger, s’élève.
Je pense, s’en est allé,
Car à mon dernier monde
Il voulait donner un baiser.

J’ai vécu sept semaines là.
Ghettisé.
J’ai trouvé ici les miens.
Le pissenlit et même les bougies blanches
Des châtaigniers dans la cour me réclament.

Cependant je n’ai jamais
Vu de papillon ici.

Cétait le dernier de son genre. 
Car les papillons ne vivent pas ici,
Dans le ghetto.