CONSIDÉRATIONS NUREMBERGEOISES
Version
française – CONSIDÉRATIONS
NUREMBERGEOISES – Marco Valdo M.I.
– 2016
À
l’avènement d’Hitler, Lommer – comme une partie des
intellectuels et des artistes – s’inscrivit au parti nazi et
pendant des années, il travailla au théâtre en gardant un profil
très bas. Mais à l’éclatement de la guerre, les choses
changèrent et Lommer manifesta ouvertement son désaccord au travers
de textes satiriques comme « Das Tausendjährige Reich »
(« Le Reich millénaire »). Recherché par la Gestapo, en
1944, il fut contraint de disparaître de la circulation, caché dans
la maison d’un ami jusqu’à la fin de la guerre.
Dans cette chanson – intitulée des « Considérations nurembergeoises » – Lommer parle du célèbre procès (1945-46) qui aurait dû « dénazifier » radicalement l’Allemagne et qui se réduisit par contre à un événement de propagande au cours duquel, entre les dénégations des prévenus, leurs « je ne sais pas », « je ne me rappelle pas » et « j’ai seulement exécuté les ordres » furent infligées seulement très peu peines exemplaires et une grande partie de la nomenclature nazie resta impunie ou presque. Je pense, par exemple, à des gens comme Hans Globke (1898-1973), un éminent juriste qui contribua à la rédaction de nombre des mesures liberticides et antisémites de Hitler, qui fut collaborateur d’Adolf Eichmann et ensuite devint directeur de la chancellerie fédérale allemande sous Adenauer ; ou à Kurt Georg Kiesinger (1904-1988), proche collaborateur de Goebbels et devenu ensuite chancelier allemand entre 1966 et 1969 ; ou à Hans Karl Filbinger (1913-2007), nazi jusqu’à la fin – même s’il fut accueilli en raison de son appartenance précédente de « démocrate-chrétien » – et par la suite président du Bundesrat…
(texte
italien de Bernart
Bartleby
– 2/4/2014 )
Dialogue
maïeutique
Dis-moi,
Marco Valdo M.I. mon ami, que peuvent bien être ces Considérations
nurembergeoises et à quoi et à qui elles peuvent bien être
rapportées ?
Tu
fais bien de poser de poser la question de cette façon, Lucien l’âne
mon ami, car, en effet, la réponse est double. Elle doit déterminer
qui parle et de quoi on parle.
Commençons
par le de quoi, par ce dont on parle : ce sont le procès de
Nuremberg qui furent menés par un tribunal militaire international à
Nuremberg en 1945-46 pour juger les responsables de la barbarie
nazie, qualifiée de « crime contre l’humanité ».
Certains ont tendance à l’oublier aujourd’hui et à vouloir en
redorer le blason en minimisant les crimes collectifs et individuels
qui en ont découlé. La chanson est une sorte de commentaire en
marge de ces procès. Tout comme c’était
le cas de « La Lorelei et le Svastika », que j’avais
tiré des « Bananes de Koenigsberg »
d’Alexandre Vialatte, un des journalistes qui avait été admis à
suivre ces audiences.Il y eut des condamnations à mort, exécutées
rapidement et par pendaison ; mais il y eut aussi des
acquittements difficilement compréhensibles, car quand même, ces
acquittés n’étaient en rien innocents (sauf rarissime exception).
Ils avaient tous trempé dans l’affaire et – au temps de la
gloire du nazisme – ils avaient tous assumé en toute connaissance
de cause de hautes responsabilités qu’ils se sont empressés
d’éluder dès que le vent a tourné.
En
somme, c’était une bande de crapules prise la main dans le sac,
qui par la menace et la terreur avait emmené tout un peuple dans le
meurtre, la rapine, le viol, l’assassinat collectif, bref, la
guerre. Il est important de rappeler que le premier crime nazi fut
celui-là, cette coercition imposée aux gens d’Allemagne, cette
tentative de les rendre tous complices de leurs pratiques
criminelles. En finale, et c’était le cas à Nuremberg, ça permet
de diluer les responsabilités dans l’ensemble de la population et
de tenir l’argument que comme tous sont coupables, on ne peut quand
même pas poursuivre certains et pas d’autres. C’était une fuite
honteuse…
Lors
du procès, il y eut pourtant
une remarquable exception et une seule : l’ex-ministre des
Armements et de la Production de Guerre du Reich
(Reichsministerium
für Rüstung und Kriegsproduktion) :
Albert Speer, lequel déclara (et il maintint cette déclaration
jusqu’à sa mort en 1981) qu’il devait
assumer d’autant plus que les autres accusés se dérobaient et que
le chef du gouvernement allemand s’y était soustrait devant le
monde entier et le peuple allemand. Il ajoutait : « Dans
la vie politique, il y a une responsabilité de l’homme dans son
propre secteur. Pour celle-là il est évidemment entièrement
responsable. Mais au-delà de cela, il y a une responsabilité
collective lorsqu’il a été l’un des dirigeants. Qui tenir pour
responsable du cours des événements si ce ne sont les assistants
les plus proches du chef de l’État ? »
Autres
considérations nurembergeoises :
D’abord, le choix de Nuremberg comme lieu
de justice formelle était judicieux : c’était la ville
symbole du nazisme, celle où se faisaient les grands défilés et
rassemblements, la ville symbole du nazisme en tant que parti,
mouvement, culture, bande criminelle et idéologie. Judicieuse aussi,
l’idée de considérer la guerre, la guerre en tant quelle,
c’est-à-dire la guerre d’État, la guerre militaire, la guerre
d’agression, la guerre de conquête comme un crime contre
l’humanité est établie à Nuremberg.
Tout comme fut une excellente disposition de considérer (toujours
à Nuremberg) tous les accusés comme directement responsables et
solidairement responsables, à des degrés
divers selon les cas ou le degré d’engagement.
Tout comme à Nuremberg encore, il fut dit (mais malheureusement, ne
faut pas appliqué) que l’appartenance et l’implication à un
poste de responsabilité,
même minime, au nazisme était en soi un crime.
Voilà
pour les considérations, mais qu’en est-il de la chanson
elle-même ?, demande Lucien l’âne.
Parler
de la canzone, c’est en quelque sorte tenter de répondre à la
question du « qui parle ? », dit Marco Valdo M.I.
Celui qui parle est un des accusés, un des
grands accusés, un des douze condamnés à
mort et on peut éliminer Rudolf Hess.
Reste les autres et parmi eux, l’idéologue
du parti, le thuriféraire du führer,
l’exaltateur de la théorie de la
« race » : Alfred
Rosenberg et il s’imagine ensemençant le sol allemand sous la
forme du myosotis, fleur du souvenir et pourquoi pas, fleur de la
conservation de la mémoire – en attendant le retour ?
Quelle
horreur ! Mais il est vrai que certains y songeaient à cette
époque et que d’autres y songent à présent. Enfin, on ne peut
sonner le tocsin en permanence, ce qui n’empêche nullement de
rappeler la nécessaire vigilance. Ce que nous faisons, avec
nos moyens assez réduits quand nous tissons le linceul de ce vieux
monde incertain, tanguant, branlant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco
Valdo M.I. et Lucien Lane
J’avance
comme dans un rêve,
La paralysie me gagne,
Je n’ai plus de mémoire,
C’est comme un coup de théâtre.
La paralysie me gagne,
Je n’ai plus de mémoire,
C’est comme un coup de théâtre.
Je suis sur la chaise du coupable
Comme Primadonna de l’Idée,
Je ne sais rien, suis-je somnambule ?
Suis-je un Premier ? Suis-je un prophète ?
Savais-je moi, main droite d’Hitler
Ce que sa main gauche pouvait faire ?
Étais-je son garant, étais-je son mandataire,
Étais-je un Infant dans l’État du Führer ?
Après
tout, ce que je lisais en fin de compte,
Me donnait une horreur de la politique.
Une seule politique m’amuse,
La politique de l’autruche.
Me donnait une horreur de la politique.
Une seule politique m’amuse,
La politique de l’autruche.
Ah,
si le monde entier pouvait quand même être sujet
Comme Rudolf-Hess, à l’oubli profond
Alors, probablement autour de moi, on dirait
Il n’y a aucun fond à toutes ces accusations.
Comme Rudolf-Hess, à l’oubli profond
Alors, probablement autour de moi, on dirait
Il n’y a aucun fond à toutes ces accusations.
Et
personne ne serait sur ma trace,
Je volerais hors de la cour internationale
Et je fleurirais sur le sol allemand
Tel un myosotis charmant.
Je volerais hors de la cour internationale
Et je fleurirais sur le sol allemand
Tel un myosotis charmant.