Les Sorciers
Chanson
française – Les
Sorciers – Marco
Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 98
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, V)
Ulenspiegel le Gueux – 98
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, V)
Dialogue
Maïeutique
Ce
titre « Les
Sorciers », Lucien l’âne mon
ami, résume le thème de la chanson qui présente le début du
procès fait à Katheline et à Joos Damman,
son amant maléfique. Cependant, avant d’aller plus loin, il me
faut faire un petit commentaire à propos du mot « sorcier »
et de ses dérivés : « sorcière, sorcellerie, etc. ».
Des sorciers, etc., grosso modo, il y en a deux grandes catégories :
les
sorciers, etc. qui sont des guérisseurs du corps et de la psyché, des sages, des
savants, des intercesseurs entre l’homme et la nature ;
ceux-là sont des personnages importants de la tribu – ceux-là
sont universels ou presque ; et les sorciers au sens chrétien
et plus largement, des religions monothéistes (pas seulement
catholique) de personnes liées par un pacte avec le diable ; ce
sont les futurs clients des bourreaux. Donc, comme tu le sais sans
doute, notamment au temps de Till, une des pires accusations qui se
pouvaient porter contre quelqu’un était celle de sorcellerie, de
liaison avec le diable. L’accusation de sorcellerie devait être
établie et elle l’était quasiment toujours vu qu’elle était
vérifiée par la torture menée jusqu’aux aveux – dans l’intérêt
même du torturé, car l’aveu valait confession et rémission du
péché post-mortem ; elle était suivie nécessairement la mise
à mort raffinée du sorcier ou de la sorcière.
En
effet, Marco Valdo M.I. mon ami, c’étaient des temps
déraisonnables, où on voyait partout la
main du diable ou
son intervention, même indirecte. La vie n’y était pas tellement
drôle et si on donnait au sorcier un rôle, c’était celui du
supplicié. Il s’agissait de tenir l’effroi dessus la tête des
gens. Pourtant, cette manière de désigner sous le nom de
sorcellerie ce que l’on souhaitait voir condamner n’est pas une
spécialité exclusive de ce siècle-là (le XVIᵉ), ni de ces
régions. Aussi loin qu’on remonte dans la « civilisation
chrétienne », on retrouve cette démonisation accusatrice et
létale.
On
voyait le diable partout, c’était l’époque, dit Marco Valdo
M.I. et il est vrai qu’elle durait déjà depuis des siècles, mais
la chasse aux sorcières est encore pratiquée de nos jours, sous
d’autres formes et le sens et la pratique s’en sont étendus
au-delà des usages religieux. Le mécanisme
sous-jacent reste évidemment le même, c’est une variante du « Qui
veut tuer son chien l’accuse de la rage ». Cependant, la
chanson, outre l’accusation menée par le Bailli, comporte
l’odieuse et veule défense de Joos Damman, qui – mensonge et
pleutrerie- rejette tout sur les deux femmes : Katheline, celle
qu’il a séduite et escroquée et Nelle, qui est sa propre fille.
Brrr,
j’en ai le poil tout dressé, dit Lucien l’âne, et j’ose à
peine lire la chanson. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde
injuste, médisant, mauvais, menteur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
La
neige fond, les prés se noient ;
La
cloche appelle les juges au tribunal
Et
tout le populaire se déploie
Autour
du lieu de justice banal.
« Joos
Damman ou Hans le Blême,
Qui
dans sa personne est le même,
Avoue
effrontément le meurtre d’Hilbert
Et
même, l’avoir poignardé à terre.
Cet
homme et cette femme sont abominables
Sorciers,
dit le Bailli, suppôts du diable ;
Lui,
méchant manipulateur, fauteur de maléfices ;
Elle,
esclave soumise et manifeste complice.
Pour
elle, je le comprends bien, les échevins
Et
le peuple ont compassion et chagrin.
Elle
n’a ni tué, ni volé, ni jeté des sorts,
Mais
au diable, elle livra sa fille sans remords.
Si
Nelle n’avait pas résisté à Hilbert,
Si
Nelle ne lui avait pas blessé les yeux,
Si
Nelle s’était prêtée à cet horrible jeu,
Nelle
serait, elle aussi, devenue sorcière.
Je
suis, comme vous tous, ému de pitié,
Mais
Katheline ne veut pas avouer.
Y
a-t-il d’autres crimes, d’autres forfaitures ?
Pour
le savoir, il ne reste que la torture. »
Et
Nelle crie : « Grâce pour Katheline ! »
Et
le peuple crie : « Grâce pour Katheline ! »
Et
Katheline crie : « Viens cette nuit, mon aimé,
La
main d’Hilbert, je vais te donner.
Hans
mon aimé, la tête me fait si mal. »
Damman
crie : « Crève, chienne !
Elle
n’est pas folle, c’est une comédienne.
Jetez-la
au feu, messieurs du tribunal.
« Je
ne te connais pas, folle sorcière,
Ton
Hans chéri, c’est Hilbert.
Ton
Hilbert a volé le trésor
Et
maintenant, il est mort.
Ce
sont Nelle, sa fille et elle,
Les
seules vraies coupables.
Ce
sont elle et sa fille, Nelle,
Les
véritables sorcières du diable. »