samedi 8 février 2020

La Bravade héroïque


La Bravade héroïque


Chanson française – La Bravade héroïque – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 40

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



 
Impératrice d’Autriche Marie Louise Béatrice d’Autriche-Este (dite également Marie-Ludovika)



Dialogue Maïeutique

Il te souviendra, Lucien l’âne mon ami, que Matthias un peu naïf, porté par l’espoir, et aussi, certaine nécessité, s’était présenté à la requête de l’Empereur au château de Litomyšl, c’était dans La Danse de l’Empereur et il s’était fait éconduire, c’était dans Le Banquet. L’Empereur l’avait vilainement envoyé en pâture aux convives qui ne savaient comment passer le temps. On avait essayé toutes sortes de distractions, de la musique, des chants, des anecdotes, des récits – le tout sans succès. La conversation se mourait et la soirée virait à l’ennui. Le Matthias bêlant était une bénédiction.

Oui, j’ai bien en tête ces épisodes, répond Lucien l’âne. J’ai même souvenir que la situation de Matthias est des plus périlleuses et que même, le Comte – toujours cet exécrable Wallenstein – a commencé à en faire sa bête de cirque et en manière d’intermède théâtral, à le frapper.

Mais, vois-tu Lucien l’âne mon ami, il y a des limites à tout et même, comme chez les ânes, à la patience et à l’endurance des plus mal lotis. Et soudain, la témérité aidant, le courage s’activant, la colère, que sais-je, l’humilié réagit :

« Soudain déculotté, en une bravade héroïque,
À la société, Matthias présente son postérieur. »

Mais, me diras-tu bien, à part cette bravade héroïque, ce geste désespéré, que peut-il y faire ? Il est le jouet du destin.

Ah, dit Lucien l’âne, quand le destin s’en mêle, personne ne peut interrompre son avancée. J’en suis moi-même un exemple vivant et heureusement, bien vivant. Mais je m’inquiète de ce qui peut arriver à Matthias à la suite de cet acte de résistance.

Et tu as parfaitement raison de t’inquiéter, Lucien l’âne mon ami, même si dans un premier temps, cette bravade héroïque reçoit un accueil flatteur du public :

« L’Impératrice esquisse un sourire,
Toutes ces dames tremblent de rire »,

ce sourire de l’Impératrice est fort mal interprété par le Wallenstein qui y voit une incitation à poursuivre ses odieuses brutalités.

Mais au fait, Marco Valdo M.I. mon ami, excuse-moi de t’interrompre, mais j’aimerais savoir qui est cette Impératrice.

Il s’agit, Lucien l’âne mon ami, de l’Impératrice d’Autriche Marie Louise Béatrice d’Autriche-Este (dite également Marie-Ludovika), la troisième femme de François Ier. On pourrait dire que c’est une Italienne ; elle est aussi Princesse de Modène, née à Monza et elle mourra à Vérone. Pour la petite histoire, je veux penser qu’elle désapprouve hautement la bêtise et les coups de pied du Graf Wallenstein. Pour Matthias, l’urgence est de quitter cette salle de torture ; d’ailleurs, le comte le pousse vers l’escalier, puis le jette en bas, où, malheur !, Matthias devient le souffre-douleur de la soldatesque, qui finit par l’assommer et le jeter hors du château.

Tout ce qu’on peut espérer dans ce genre de traquenard, c’est d’en sortir vivant, répond Lucien l’âne. J’en sais quelque chose, car, comme tu le sais, ça m’est arrivé à moi aussi d’être battu et laissé pour mort au bord d’un fossé. Néanmoins, tissons le linceul de ce vieux monde brutal, stupide, grossier, méchant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Le valet apporte le fourrage,
Et le Graf interpelle le doux agnel :
« Mouton, tu es ! Mange, courage !
Tu n’auras pas de bretzels ! »

L’agnelet désespéré de cette pique
Regarde le Comte avec candeur ;
Soudain déculotté, en une bravade héroïque,
À la société, Matthias présente son postérieur.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Le pied botté va, le pied pointu vient
L’Impératrice esquisse un sourire,
Toutes ces dames tremblent de rire
Et l’ovin se carapate en vain.

La porte est franchie, voici l’escalier.
Le Graf crie : « Ça ne t’a pas suffi ? »
La botte de cuir martèle Matthias sans répit
Et au bas des marches l’envoie bouler.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

En bas, dans la cour sombre
Où s’ennuient longuement les soldats,
La grêle de croquenots longtemps s’abat
En une longue kermesse d’ombres.

Arlequin au matin s’éveille
Au son du carillon,
Du supplice de la veille,
Il lui reste un bourdon.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.