Une
statue ne porte pas de caleçon
Chanson
française – Une statue ne porte pas de caleçon
– Marco Valdo M.I. – 2015
ARLEQUIN
AMOUREUX – 6
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Finalement, on jouera Don Juan
Et toi, Meister Sevastiano, conseiller in teatro,
Tu seras le Commandeur
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L'histoire
de notre Arlequin déserteur, alias Matĕj, Matthias, Mathieu est
assez tortueuse ; il te souviendra, Lucien l'âne mon ami, que
notre « héros » s'était confié à la comtesse
Franziska qui l'avait dissuadé de repartir et l'avait recommandé
comme dramaturge à son époux le comte Wallenstein, qui rentrait de
Vienne.
Certes,
je m'en souviens fort bien. Et si j'ai bien compris, d'un certain
côté, c'était une bonne nouvelle. Il me semble comprendre que la
comtesse lui voulait plutôt du bien.
En
effet, et le comte qui aimerait inauguré son nouveau théâtre, a
ramené de Vienne deux pièces qu'il entend faire jouer au château.
Il est très ravi d'avoir enfin un conseiller in teatro, censément
napolitain. Voilà notre Arlequin invité à mettre en scène un Don
Juan, dans lequel, après discussions, lui qui se voyait en
Sganarelle, se retrouve à jouer le rôle de la « statue du
Commandeur ». Ce Commandeur est un être d'outre-tombe.
Personnage austère, pétrifié et terrifiant. Un rôle qui ne
convient pas du tout à notre Matthias qui doit rester immobile sur
un piédestal durant tout le dernier acte et le comte estimant qu'une
statue ne porte pas de caleçon, exige qu'il joue nu seulement
enveloppé d'un grand tissu. D'où le titre.
Je
me demandais bien d'où pouvait venir un titre aussi étrange. Me
voilà fixé. Cela dit, il me semble que cela augure un dénouement
comique....
Tu
dis juste, Lucien l'âne mon ami. Le rôle de notre ami est – en
théorie – fort simple. Il suffit de conserver une immobilité de
pierre en se tenant raide sur un piédestal. Mais le piédestal est
branlant et la statue respire. De plus, le clown qui sommeille
toujours dans notre Arlecchino ne peut s'empêcher de loucher, de
faire des grimaces, pour faire rire (en catimini) le public. Et ça
marche. Le drame, c'est que le dit-public s'intéresse plus aux
fantaisies du Commandeur qu'aux tirades du Comte. Et puis éclatent
des fou-rires.
C'est
mal parti…
Et
pire encore, ensuite, le Commandeur comme il se doit invité au
festin par Don Juan, prend des libertés avec la pièce ; il
refuse de manger et le dit même en tchèque – langue
qu'Arlequin-Sevastiano, conseiller in teatro, est censé ignorer, lui
qui se dit originaire de Naples, manière comme une autre, de se
camoufler. Finalement, le piédestal s'effondre et Arlequin se
retrouve tout nu, à quatre pattes sur la scène, montrant au public
son cul… Bref, une catastrophe. Et forcément, c'est le renvoi.
Huit florins et dehors.
Je
trouve que le comte est encore généreux. Quand même, huit florins,
c'est beaucoup d'argent. Matthias Sevastiano a de quoi se
retourner...
De
fait, il se rend à l'auberge et se paie un bon repas et à boire.
Mais manque de chance, l'auberge est remplie de soldats de son
régiment (celui dont il a déserté) et le capitaine Benda reconnaît
le déserteur, qui n'a que le temps de fuir dans la nuit et se
réfugier au couvent. Il s'y colle pour l'hiver, attendant là le
printemps pour reprendre son errance… Et à nouveau, fuir, fuir
loin de ce régiment.
Et
bien, il n'a pas de chance notre ami Arlequin. Il semble ne jamais
pouvoir trouver la paix.
Non,
il ne peut pas. D'une part, car telle est sa vie, son destin. Mais il
doit aussi beaucoup – cette fois en tout cas – à son tempérament
farceur, à son penchant pour le comique. En cela, remarque, il est
tchèque. Tout se complique quand son déguisement tombe, quand il
est mis à nu… Là, le déserteur n'a plus qu'une voie de salut :
la fuite.
Ce
doit être terrible d'être comme ça tout le temps sous l'emprise de
la peur d'être reconnu, de devoir tout le temps se cacher, de ne
pouvoir être soi-même…
C'est,
en effet, très difficile à vivre cette fausse vie, faux papiers,
faux nom. Ne même pas pouvoir utiliser sa propre langue dans son
propre pays… Et toujours cette menace d'être reconnu. Et cette
fois, il l'est et c'est la fuite éperdue.
Allons,
voyons voir ce qu'il en est et puis, reprenons notre tâche et
tissons le linceul de ce vieux monde où nous vivons si lourd, si
méfiant, si sécurisé, si contrôlé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L'Histoire, c'est toute une histoire ;
Mais l'Histoire, Matthias, ne se soucie pas de toi,
L’Histoire ne te connaît pas.
Le sergent-recruteur, lui, se souvient de toi.
Longtemps après, il te retrouvera.
Matĕj, Matthias, Mathieu le déserteur,
Cache-toi dans le trou du souffleur.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Faust, mon cher Faust, regarde-moi !
Arlecchina, je te reconnais, c'est bien toi :
Ces épaules nues, ce corps dans la soie.
Suc de pavot, mon rêve, Arlecchina.
Oh, Pollo Sevastiano, je suis ta mie
Tu parles tchèque, n'est-ce pas ?
Was ist Leben ? Qu'est-donc la vie ?
À quoi peut bien rimer tout ça ?
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Finalement, on jouera Don Juan
Et toi, Meister Sevastiano, conseiller in teatro,
Tu seras le Commandeur, nu sur un monument ;
Un beau rôle, un grand numéro.
Compris, Luigi, une statue ne porte pas de caleçon
Et ne t'avise pas de choir. Patatras, trop tard !
Elle rit, la Gräfin au sang de poisson.
Bravo ! Bravo, ballerino ! Ton dernier soir.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Sevastiano est viré. Huit florins dans la main.
Finie la vie de château, il faut s'exiler.
Pluie, pluie, averses, septembre a commencé.
Arlecchina, ma colombe, où coucher, demain ?
L'auberge, mauvais lieu, trop de soldats.
Le galonné te reluque tout le temps.
Hauptmann Benda, officier du régiment.
Fuis, Arlequin déserteur, cache-toi.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Chez les moines, la prière
À voix haute, le pater
Et le bénédicité, deux fois
Le lait ne refroidira pas.
Arlecchino, encore toi, mécréant!
Garde-moi en cellule, notre Père !
Au couvent, tout l'hiver.
Dans les champs, au printemps.
Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.