vendredi 17 juin 2022

La Vie

 

La Vie


Chanson française – La Vie – Léo Ferré – 1955




LA VIE


Léo Ferré – 1955





Dialogue Maïeutique





La Vie, dit Lucien l’âne, c’est toute une histoire.


Certes, Lucien l’âne mon ami, et Boris Vian avait excellemment résumé l’affaire en un court poème où il disait péremptoire comme il pouvait l’être : « La vie, c’est comme une dent. »


Soit, dit Lucien l’âne, mais cette chanson-ci n’est pas de Boris Vian.


Oui, elle est de Léo Ferré, répond Marco Valdo M.I. et elle est peu connue à présent du fait qu’elle est une de ses premières chansons – enregistrée en 1955 sur un disque 78 tours, tout dur et tout noir. Cela dit, dans cette chanson, on trouve déjà tout Ferré ; je veux dire l’homme et son tempérament assez caustique : canaille, gouailleur, drôle, léger, provocant, anar et dès lors, moraliste et philosophique. Comme tu le verras, c’est une chanson avec de la pensée dedans.


J’imagine très bien tout ça, répond Lucien l’âne, mais je ne sais toujours rien de la chanson elle-même. Si tu pouvais m’en dire plus, un peu, façon d’introduire la réflexion et de donner à la chanson sa pleine dimension.


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, comme son nom le suggère, la chanson par le de la vie – qu’elle trouve ma foutue et les éléments qui lui donnent sens et l’animent : le cœur, l’argent, l’amour.


Joli trio, dit Lucien l’âne, qu’en dit-elle ?


Ah, continue Marco Valdo M.I., il me faut d’abord préciser l’antienne qui court tout au long et qui les qualifie chacun à leur tour – la vie, le cœur, l’argent, l’amour : « C’est une vieille peau ».


Oh, s’esclaffe Lucien l’âne, dans une version plus vingt et unième siècle, il faudrait y adjoindre le cul. Ça sonne bien, non ? « Le cul, c’est une vieille peau et on s’assied dessus ».


S’asseoir dessus, évidemment, répond Marco Valdo M.I., et ça fait la rime, en plus. La dernière strophe est en quelque sorte optative, elle ouvre sur une manière volontaire d’affronter le destin et conclut avec une bonne dose de fatale conviction et d’asinesque obstination : « D’ailleurs, nous on s’en fout, On vit !… » et j’ajouterais volontiers ce que disait ma grand-mère : « Moi, je m’en fous ! Je m’en fous tellement que je m’en fous ! »


Eh, dit Lucien l’âne, ça, Ferré l’aurait bien aimée, cette réflexion de ta grand-mère. Il ne nous reste plus qu’à vivre et à tisser le linceul de ce vieux monde décati, assoupi, chaotique, hérétique et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






La vie,
C’est un
e vieille peau,
Mais quand c’est la sienn
e,
On y tient.
Pardi,
Il n’y a que ça qui compte !
Dis, la vie,
T
u es mal foutue,
T
u as l’air d’une fille perdue,
T
u es fagotée comme une sans foi ni loi,
Qui croit en Dieu sait quoi

Et qui se fout de tout d’ailleurs,
Mais pas des coups au
cœur.


Le cœur,
C’est un
e vieille peau,
Un
e peau de tambour…
Ta
ratata,
Ma sœur,
C’est lui qui compte.
Dis, le cœur,
T
u es mal planqué,
J
e m’en fous, je ne suis pas gaucher,
Tu comptes les coups,
Pour finir où ?
Pan, pan !
Dans un placard,
Pénard,
Où i
l y a peau de balle
Et balai d
e crin, mais pas
D’argent.


L’argent,
C’est un
e vieille peau,
Un
e peau de chagrin qui fait
Ding ding,
Tiens, tiens !
On fait ses comptes !
Dis, l’argent,
T
u es rien nickel
Dans ton papier ficell
e
Quand t
u n’es pas là,
Nous on est là.
Copain,
Sans argent, on
n’est rien,
Mais rien du tout,
C’est tout.
T
u as bien le bonjour
D
e l’amour.


L’amour,
C’est un
e vieille peau,
Un
e peau de vison ou bien
Tintin,
L’amour,
Ça fait des comptes.
Dis, l’amour,
T
u es tout ou rien,
Mais quand t
u es tout,
C’est fou,
Et quand t
u n’es rien,
Alors t
u n’es rien du tout,
Faut mett
re les bouts
Surtout
Et puis s’en fout,
Mes p
etits
Quand on a tout
e
La vie.


La vie,
Un
e foutue peau,
Mais comm
e c’est la mienne,
Moi j’y tiens,
Pardi,
Pour moi, ça compte.
Dis, la vie,
Sois bien foutue,
Aie l’air d’un
e môme cossue,
Mets ton beau pull
Des fois qu’on tourn
e la boule
À celui qui compte les coups
Et qui,
Que, quoi, donc, où…
D’ailleurs, nous on s’en fout,
On vit !…