LA
FAUTE
Version
française – LA FAUTE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson
allemande – Die Schuld – Hellmuth
Krüger – 1947
Texte d'Hellmuth Krüger (1890-1955), écrivain allemand, acteur et comique très actif dans le cabaret berlinois des années dorées de la République de Weimar.
À
qui la faute de tout ce massacre que l'Allemagne a causé ? À
Bismarck ou au vieux « Frédérique le Grand » qui nous guidèrent
mal ? Aux théories de Nietzsche ou de Hegel ? Ou peut-être aux
fables trop violentes des frères Grimm ? Ou bien avons-nous exagéré
dans la lecture de la saga des Nibelungen ? … Mais ne faisons pas
les enfants ! Inutile déranger les sociologues et peut-être
attribuer la responsabilité à Adam : la faute est toujours à celui
qui est en selle ! (et j'ajoute : de celui qui le soutient)
Ah,
Lucien l'âne mon ami, je suis content de te voir... Tu arrives à
point nommé...
Ah
bon..., mon ami Marco Valdo M.I. Et pourquoi donc ?
Eh
bien, je vais te le dire. C'est un sentiment assez complexe qui me
mangeait le ciboulot. J'étais sur le point d'envoyer cette version
de cette chanson allemande qui parle de la « faute », lorsque je me
suis ravisé. À qui la faute, en effet ? Bien entendu, il ne s'agit
pas de n'importe quelle faute, mais au contraire, la chanson
s'interroge sur une question essentielle, à savoir à qui imputer la
faute du grand massacre et comme cette chanson fut écrite en 1947,
il s'agit bien de définir à qui imputer la faute d'avoir mener
l'Allemagne toute entière dans un si malencontreux destin. Je passe
sur les détails de la chanson, qui examine une série de coupables
potentiels : des artistes, des philosophes... et finit par conclure à
la culpabilité des dirigeants. Je te dis tout de suite que je pense
qu'elle a raison... Mais cependant, on ne peut pas accuser tout un
peuple ou plusieurs, ni même les seuls dirigeants, surtout si l'on
considère tous ceux qui ont trempé dans ce « grand massacre ». Et
cela me chiffonnait... Je pense toutefois que ce n'est pas suffisant
de conclure à la culpabilité des seuls dirigeants et que la chanson pèche par là...
Que
veux-tu dire ? Je ne comprends pas bien où tu veux en venir...
Vois-tu,
Lucien l'âne mon ami, il faut remettre la chanson dans son contexte
et comprendre ceci qu' Hellmuth Krüger, le gars qui écrivit cette
chanson, tout en étant Allemand, ne se sentait pas en accord avec le
régime et sans le moindre doute, comme bien d'autres – les exilés,
les réfractaires, les prisonniers, les résistants, a-t-il tout à
fait raison. Cependant, il n'en reste pas moins que en reportant la «
faute » sur les dirigeants, il dédouane en même temps tous ceux
qui les avaient soutenus, escortés, tous ceux qui d'une manière ou
d'une autre, avaient collaboré – grandement ou petitement à cette
entreprise. Par exemple, je t'ai déjà parlé de l'alibi du gardien
de Dachau ou d'Auschwitz... C'étaient les ordres, je ne pouvais
qu'obéir ; des gens comme ceux qu'on voit dans Les Fantômes de
Lunebourg (Vakuum im Kopfe) – [[37565]]. Par ailleurs, le Vieux
Fritz et Bismarck furent eux des dirigeants et non des moindres... et
– ainsi que le démontrent les Histoires d'Allemagne (une série de cent et deux chansons) – car il y a
une histoire, il y a l'Histoire ; il y a récidive... de Reich en
Reich. Et de guerre en guerre. Et le Vieux Fritz, Bismarck, le rêve
d'Otto, la volonté de puissance que se sont passés comme un relais
les « dirigeants » des Reichs successifs, cette lourde hérédité
politique, sont tout autant « porteurs de la faute ».
En
fait, dit Lucien l'âne, comme toujours dans la Guerre de Cent Mille
Ans, on retrouve cette « culpabilité » des riches, des puissants
et de tous leurs affidés qui détenant les armes et le pouvoir, font
sempiternellement la guerre aux pauvres afin d'imposer leur
domination, de maintenir leurs privilèges, d'assurer leur pouvoir,
de multiplier leurs richesses... Et donc, pour autant qu'on l'étende
au-delà de la guerre ponctuelle des années 39-45 du siècle
dernier, la conclusion de la chanson est des plus pertinentes :
«
On ne peut pas accuser le vieil Adam,
En
fin de compte, les coupables, ce sont nos dirigeants. »
et
dès lors, il ne nous reste qu'à reprendre notre tâche qui consiste
tout simplement à tisser le linceul de ce vieux monde militariste,
belliqueux, belliciste, martial et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Quelqu'un
doit quand même porter la faute,
Car
cette faute nous écrase aujourd'hui
Et
nous ne voulons pas désespérer à cause d'elle,
Jusqu’au
moment où nous aurons réussi.
Serait-ce
Bismarck, qui nous a trompés?
Le
Vieux Fritz nous a-t-il ainsi baisés ?
Est-ce
Nietzsche, qui nous a ainsi assaisonnés?
Ou
c'est Hegel qui nous a décervelés?
Les
frères Grimm nous ont-ils sans honte
Entraînés
par la cruauté de leurs contes ?
Ou
avons-nous lu trop longtemps
Des
Nibelungen, les chants troublants?
Sûr,
on le trouvera ce type,
Armons-nous
aussi de patience !
On
ne peut pas accuser le vieil Adam.
En
fin de compte, les coupables, ce sont nos dirigeants.