samedi 5 octobre 2013

IDÉAL ET RÉALITÉ

IDÉAL ET RÉALITÉ


Version française – IDÉAL ET RÉALITÉ – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson allemande – Ideal und Wirklichkeit – Kurt Tucholsky – 1929







Ce poème sarcastique et amer, écrit par Kurt Tucholsky peu avant que l'Allemagne ne se rende au fascisme maintenant envahissant , fut mise en musique par Hanns Eisler à la fin des années 50, à la demande d'Ernst Busch qui voulait l'interpréter.

Tucholsky était un grand journaliste et un écrivain satirique. Tombé profondément amoureux du cabaret, au point de se transférer en France dans les premiers années 20 pour le savourer dans sa meilleure expression (même si celui de Weimar n'était certain pas moins intéressant, et Tucholsky lui donna sa précieuse contribution en écrivant beaucoup de sketches), dans ses écrits, même ceux apparemment plus « légers », transparaît d'abord tout son espoir dans la phase démocratique qui s'est ouverte en Allemagne dans l'entre-deux-guerres, avec la promulgation de la Constitution de 1919 ; ensuite, plus tard, toute la déception et le désespoir pour la fin de ce rêve – qu'en 1929, année de composition de ces vers, était déjà entièrement évidente – renversé par la crise économique mondiale, par la soudure entre le vieil et le nouvel autoritarisme, entre le grand capital et le national-socialisme montant.

Déjà en 1930 Tucholsky choisit l'exil en Suède. En 1933, les nazis lui révoquèrent la citoyenneté allemande, lui confisquèrent toutes ses biens et ils brûlèrent tous ses livres et ses publications, en arrivant à emprisonner son très cher ami Carl von Ossietzky que Tucholsky avait laissé pour diriger l'important hebdomadaire culturel « Die Weltbühne » refondé par lui en 1914… Tucholsky se suicidera à Göteborg en décembre de 1935 ; Ossietzky mourra dans un camp de concentration nazi à Berlin en mai de 1938, bien qu'en 1935 il avait reçu le Prix Nobel pour la Paix…

Dans ce « Songe et Réalité », Tucholsky joue ironiquement de la comparaison entre la femme idéale, haute et mince, et celle réelle, basse et grasse, pour raconter combien le peuple allemand était mal préparé à jouir des libertés démocratiques et se faisait infailliblement m'embobiner d'un nouveau et plus féroce autoritarisme. Le contraste entre l'idéal, les attentes, les rêves, et la brutale réalité de la société humaine, ainsi va le monde, conclut Tucholsky : « C'est la vie ! Célavi ! »Et dans les années 50 ce qui avait été le douloureux et sarcastique regret de Tucholsky pour la fin du rêve démocratique de Weimar devenait le chagrin et la rage d'Eisler pour la trahison du rêve socialiste se fracassant contre la réalité du totalitarisme soviétique…



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Je voudrais simplement faire la remarque que cette chanson a ceci de particulier qu'on y voit les penchants féminins de Kurt Tucholsky, lequel apparaissait déjà dans une autre chanson, où il faisait son entrée dans la vie de Mademoiselle Ilse, qui devait être grande, mince et blonde, assurément. [[37875]], dit Marco Valdo M.I.


Certes, dit Lucien l'âne en riant, je me souviens très bien de cette histoire d'Allemagne dans laquelle on rendait hommage à Kurt Tuchoslky, alias Peter Pan (ter) et autres personnages. Et Günter Grass et toi aviez bien raison car Tucholsky est un fameux canut, un formidable tisserand qui, tout comme nous essayons de le faire maintenant, tissa le linceul du vieux monde guerrier, militariste, nationaliste, ambitieux, avide, assassin et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Dans la nuit calme et notre lit monogame
On s'invente, ce qui manque de vie.
Les nerfs craquent. Quand enfin nous avons cela,
Une chose nous tourmente doucement, elle n'est pas là.
On se figure en pensée
Ce qu'on veut – et ensuite on ne le voit jamais…
On voudrait toujours une grande mince,
Et toujours, nous arrive une petite grosse -
C'est la vie !

Elle doit, montée sur roulements à billes ,
Tanguer des hanches, grande et blonde.
Une livre en moins - et elle serait maigre,
Qui donc alors dans ses cheveux irait se mirer …
On succombe ensuite à cette foutue passion,
Dans la hâte et l'imagination.
On voudrait toujours une grande mince,
Et toujours, nous arrive une petite grosse -
Célavi !

On aurait voulu acheter une flûte enchantée
Et on achète un ocarina, car il n'y rien d'autre là.
On voudrait chaque matin se laisser aller
Et ne rien faire. Comme ça...Comme ça...

Sous la contrainte impériale, nous avons pensé
À une république,… et maintenant elle est là !
On voudrait toujours une grande mince,
Et toujours, nous arrive une petite grosse -
Célavi !

BLANCS ET NOIRS

BLANCS ET NOIRS


Version française – BLANCS ET NOIRS – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne - Bianchi e neri – Nomadi – 1985






Oh, dit Lucien l'âne, voici donc une chanson contre le racisme...


Sans doute, Lucien l'âne mon ami, dit Marco Valdo M.I. en levant un sourcil assez circonspect. Sans doute, évidemment.


Sans doute, évidemment ? C'est l'évidence même. Que veux-tu dire ? Aurais-tu des doutes à ce sujet ?


Nullement, mais... Je trouve qu'elle est bien plus universelle que cela. Est-ce qu'il t'arrive de jouer aux échecs ou aux dames, par exemple ?


Certainement. Mais quel est le rapport ? Qu'est-ce que les échecs et les dames peuvent bien avoir à voir avec les blancs et les noirs ?


Mais enfin, Lucien l'âne mon ami, c'est l'évidence-même. Il y a dans ces jeux d'un côté, les blancs et de l'autre, les noirs. C'est le cas aussi du jeu de go... Donc, s'agissant de jeux qu'on peut considérer de portée universelle, et de jeux d'affrontement à mort, je crois bien que cela recoupe le thème de la chanson. Elle est donc une sorte de caractérisation, de modélisation de l'affrontement en soi ; de la guerre, en quelque sorte. D'un côté, les blancs ; de l’autre, les noirs. Et ce bon homme au milieu que finalement, on massacre. C'est bien sûr, une chanson contre le racisme, mais aussi contre tout fanatisme, contre tout totalitarisme. Une chanson qui met en cause tout système binaire, tout système exclusif.


Oui, mais quand même, le bon homme dans la chanson finit par être massacré et « pitié l'est morte » et dès lors, son massacre n'est que le prélude à de plus grands massacres...


Certes, mais souviens-toi que « Pietà l'è morta » est un chant de la résistance italienne [[740]] et que si l'on replace les pions sur l'échiquier, comme dans la chanson, il y a nettement un agresseur (fascistes, nazis) et un agressé (la population italienne, la résistance). Mais si la « pitié » est mise de côté par les résistants, c'est le temps de mettre fin au conflit. Elle ne prélude pas au massacre, elle vise à sa fin. Et pour retrouver une dimension universelle, dans la Guerre de Cent Mille Ans, on se trouve dans ce même contexte. D'un côté l'agresseur – les riches font la guerre « sans pitié » aux pauvres afin de les asservir, de les dominer, de les exploiter, de les faire travailler à leur profit... de l'autre, un agressé – les pauvres qui n'ont jamais souhaité cette Guerre et qui n'ont comme objectif que d'y mettre fin. Mais, arrêtons-là, on y reviendra.


Découvrons la chanson et, j'ai bien l'impression qu'elle aussi, comme nous, tisse le linceul de ce vieux monde sans pitié, agressif, mortifère, monstrueux et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



On en était aux jours terribles
Où la guerre éclata.
Un monstre épouvantable
Écrasa les gens et les dévora.
Frère contre frère
Haine contre cœur
Les hommes s'entretuèrent
Pour une simple couleur

Dans son jardin, un homme
Cultivait l'espoir
Il aidait avec amour, en somme
Ses frères blancs, ses frères noirs
Il avait aussi une idée
Qu'il portait avec courage.
Comme il aimait la vie de tous
Il lui fallut lutter contre tous

Un jour, il vit ainsi ,
Un noir moribond.
Pour le ramener à la vie
Il se donna à fond.
Du coup, les blancs pensèrent
Que c'était un collaborationniste
Son nom en rouge, ils notèrent
Sur leur noire liste

Un jour, un blanc fugitif
Qu'on recherchait mort ou vif,
À sa porte vint frapper.
De la mort, il l'a sauvé.
Du coup, les noirs le détestèrent
Comme s'il était leur adversaire.
Ils jurèrent de le punir,
Il lui fallait mourir.

Dans une nuit de lune,
Ce bon homme marchait
Sur le crêt d'une montagne
Qui deux vallons séparait.
D'un côté, les blancs l'épiaient
Prêts à le frapper au cœur
De l'autre, les noirs le guettaient
Du fond de leur fureur

Les deux coups partirent ensemble
Il tomba avec les yeux révulsés.
Sur son regard étonné,
On étendit un léger voile.
Les noirs heureux exultèrent
Les blancs s'exaltèrent
Ils ignoraient encore qu'à leur porte
La pitié était morte.