La
Chanson de Dachau
Version
française – La Chanson de Dachau – Marco Valdo M.I. – 2015
Texte
: Jura Soyfer
Musique : Herbert Zipper
Musique : Herbert Zipper
« Arbeit macht frei », c'est vraiment du foutage de gueule... |
Je
ne souhaite pas faire de longs commentaires ; je voudrais
seulement rapprocher cette chanson de la suite de 24 chansons que
comporte Dachau
Express,
qui raconte à son tour – de façon plus ample et plus détaillée
– la vie dans le camp de concentration quelques années plus tard,
telle qu'elle fut rapportée par un prisonnier italien antifasciste,
Joseph Porcu.
Marco
Valdo M.I.
Herbert Zipper raconte en 1988 à l'« Österreichischen Musikzeitschrift » comment nacquit cette chanson :
« En août 1938, dans le camp de concentration de Dachau, pendant une semaine entière, Jura Soyfer et moi, on dut charger une brouette de sacs de ciment, qui avaient été empilés à l'extérieur du camp de concentration. Ensuite, nous devions conduire la brouette dans le lager et la décharger. Donc, nous avons passé la porte d'entrée du camp de concentration jusqu'à trente fois par jour. Un jour – c'était, je crois, le troisième ou quatrième jour, je dis à Jura, qui faisait le même travail : « Tu sais, cet écrit au-dessus de la porte, « Arbeit macht frei », c'est vraiment du foutage de gueule. Nous devons vite faire une chanson de résistance, pour donner un peu de courage à nos camarades de captivité. » Et Jura répondit : « Oui, je crois, j'y ai déjà un peu travaillé. »
Herbert Zipper raconte en 1988 à l'« Österreichischen Musikzeitschrift » comment nacquit cette chanson :
« En août 1938, dans le camp de concentration de Dachau, pendant une semaine entière, Jura Soyfer et moi, on dut charger une brouette de sacs de ciment, qui avaient été empilés à l'extérieur du camp de concentration. Ensuite, nous devions conduire la brouette dans le lager et la décharger. Donc, nous avons passé la porte d'entrée du camp de concentration jusqu'à trente fois par jour. Un jour – c'était, je crois, le troisième ou quatrième jour, je dis à Jura, qui faisait le même travail : « Tu sais, cet écrit au-dessus de la porte, « Arbeit macht frei », c'est vraiment du foutage de gueule. Nous devons vite faire une chanson de résistance, pour donner un peu de courage à nos camarades de captivité. » Et Jura répondit : « Oui, je crois, j'y ai déjà un peu travaillé. »
« Trois
jours après – alors nous devions travailler dans une carrière de
gravier, où nous étions plongés dans l'eau jusqu'au ventre, Jura
vint près de moi et dit qu'il était déjà prêt, et il me récita
le texte, vu qu'on ne pouvait naturellement pas le transcrire. Si
quelqu'un avait trouvé avec un texte du genre, il aurait été
condamné à mort ou bien de toute manière, il aurait passé un très
vilain quart d'heure. Et ainsi moi aussi, j'ai appris le texte par
cœur. »
Jura
Soyfer récita le texte aux camarades de captivité deux ou trois
fois ; ensuite, Zipper put commencer à le mettre en musique.
Zipper était habitué à composer de tête. Dans un camp de
concentration, c'était un avantage, vu qu'on ne pouvait rien
transcrire – chose à laquelle, du reste, on ne se serait pas
fié.
La « Chanson de Dachau » est une marche, dans laquelle les prisonniers se donnent du courage mutuellement. « Ce devait être ainsi de sorte que les trois premières strophes décrivent seulement l’ambiance, les faits et les sentiments, sans nommer vraiment les tortures, et qu'on frappait et on pendait. Ceci nous ne le voulions pas, aucun des deux. Non, dans toutes les œuvres d'art, c'est certainement plus fort, lorsque il s'agit de la bestialité humaine, de ne pas montrer la violence en soi, mais la faire naître dans l'imagination de l'auditeur, puisque l'imagination est toujours plus forte de la réalité.
De ceci nous en avons discuté, bien que ce devait être une chanson de lutte. Déjà dans le premier vers, « Barbelés, chargés de mort, », on dévoile la situation. Ou bien « Avec devant nous, la bouche des fusils / Jour et nuit, nous vivons.». Ce sont des allusions qui décrivent vraiment l'atmosphère, mais pas la violence-même. Nous disons seulement « Traîne la pierre et tire le train », qui est ce que nous faisions vraiment, mais ne mentionnons pas les faits horribles. »
La « Chanson de Dachau » est une marche, dans laquelle les prisonniers se donnent du courage mutuellement. « Ce devait être ainsi de sorte que les trois premières strophes décrivent seulement l’ambiance, les faits et les sentiments, sans nommer vraiment les tortures, et qu'on frappait et on pendait. Ceci nous ne le voulions pas, aucun des deux. Non, dans toutes les œuvres d'art, c'est certainement plus fort, lorsque il s'agit de la bestialité humaine, de ne pas montrer la violence en soi, mais la faire naître dans l'imagination de l'auditeur, puisque l'imagination est toujours plus forte de la réalité.
De ceci nous en avons discuté, bien que ce devait être une chanson de lutte. Déjà dans le premier vers, « Barbelés, chargés de mort, », on dévoile la situation. Ou bien « Avec devant nous, la bouche des fusils / Jour et nuit, nous vivons.». Ce sont des allusions qui décrivent vraiment l'atmosphère, mais pas la violence-même. Nous disons seulement « Traîne la pierre et tire le train », qui est ce que nous faisions vraiment, mais ne mentionnons pas les faits horribles. »
Herbert
Zipper se rappelle même comment
deux guitaristes et un violoniste apprirent la chanson dans le camp
de concentration, et comment
elle fut répandue. « Je sais encore que j'ai
ruminé deux-trois jours,
à propos de ce
que je devais faire ; ensuite, je suis
tombé sur un excellent violoniste, qui était kapò, et qui
s'est déclaré vite prêt à apprendre la
chanson. Jura connaissait un des guitaristes, et j'ai travaillé avec
l'autre. Un soir, j'ai fait les essais
avec le violoniste. Nous avions environ une heure et demie
de temps avant
que la sirène ne sonne.
Après, personne ne pouvait
plus être debout, autrement il aurait
été fusillé immédiatement. Alors je lui ai présenté la chanson,
le jour après nous l'avons
répétée, et ensuite la nous avons chantée
tous les
trois… »
(D'un article du « Süddeutsche Zeitung » [« Dachauer Neueste »], 4.1.1989, page 2)
(D'un article du « Süddeutsche Zeitung » [« Dachauer Neueste »], 4.1.1989, page 2)
Le
groupe « Die Schmetterlinge » (« les Papillons »)
a publié l'album « Verdrängte Jahre »,
consistant en textes de Jura Soyfer, mis en musique.
Ils interprètent aussi la « Chanson
de Dachau ».
Barbelés,
chargés de mort,
Tendus autour de notre monde.
Au-dessus, un ciel impitoyable
Envoie gel et soleil brûlant.
Loin de nous sont toutes les joies
Loin la patrie, loin les femmes,
Quand, muets, nous marchons au travail,
Par milliers dans l'aube grise.
Tendus autour de notre monde.
Au-dessus, un ciel impitoyable
Envoie gel et soleil brûlant.
Loin de nous sont toutes les joies
Loin la patrie, loin les femmes,
Quand, muets, nous marchons au travail,
Par milliers dans l'aube grise.
Car la devise de Dachau nous avons appris
Et nous nous sommes endurcis.
Sois un homme, camarade.
Reste un homme, camarade.
Fais ton travail, trime camarade.
Car le travail, le travail rend libre.
Avec devant nous, la bouche des fusils
Jour et nuit, nous vivons.
La vie nous a appris
La plus dure des leçons.
Ici, personne ne compte en jours et semaines ;
Certains, même plus en années.
Et tant d'entre nous ont été brisés
Et ont perdu leur visage.
Car nous avons appris la devise de Dachau
Et
nous nous sommes endurcis.
Sois un homme, camarade.
Reste un homme, camarade.
Fais ton travail, trime camarade.
Car le travail, le travail rend libre.
Sois un homme, camarade.
Reste un homme, camarade.
Fais ton travail, trime camarade.
Car le travail, le travail rend libre.
Traîne
la pierre et tire le
train,
Nulle charge n'est trop lourde pour toi.
Celui que tu étais dans les jours lointains,
Aujourd'hui, n'est plus depuis longtemps déjà.
Enfonce la pelle dans la terre,
Rentre ta pitié profondément à l'intérieur,
Et deviens par ta sueur
Toi-même acier et pierre.
Nulle charge n'est trop lourde pour toi.
Celui que tu étais dans les jours lointains,
Aujourd'hui, n'est plus depuis longtemps déjà.
Enfonce la pelle dans la terre,
Rentre ta pitié profondément à l'intérieur,
Et deviens par ta sueur
Toi-même acier et pierre.
Sonnera une fois la sirène ;
Pour le dernier appel. Dehors,
Où nous nous trouverons alors,
Tu seras à ta place, camarade.
La liberté nous offrira son clair sourire.
On avancera avec un nouveau courage,
Et le travail que nous ferons,
Ce travail sera bon.