L’ESCAMOTAGE
DE PIETRO GORI
Version française – L’ESCAMOTAGE DE PIETRO GORI – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienne – Lo sfratto di Pietro Gori – Anonimo Toscano del XXI secolo – 2018
Dialogue
Maïeutique
Te
souviens-tu, Lucien l’âne mon ami, de Boudu et de sa déclaration :
« Un monument ? Un monument ? Mais qu’est-ce que
vous voulez que je foute d’un monument ? » ; du
moins, c’est le souvenir que c’est dans ce rôle que Michel Simon
prononça cette phrase immortelle.
Bien
sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, je me souviens très bien de cette
superbe répartie, mais comme toi, je ne suis pas trop sûr qu’il
l’ait prononcée à cette occasion. Enfin, si ce n’était jamais
qu’une légende, elle serait bien belle.
Bien,
je vois que tu sais de quoi il est question, reprend Marco Valdo
M.I. ; je pensais à cette citation en établissant la version
française de « L’Escamotage de Pietro Gori », car on
peut tout aussi bien transposer la chose à propos de la place de
Portoferraio et de ce qu’aurait pu penser de cette histoire, Pietro
Gori, qui n’était pas anarchiste pour rien.
À
propos, sans vouloir t’interrompre, Marco Valdo M.I. mon ami,
poursuivant son idée, Lucien l’âne dit, dans la même veine, le
même Michel Simon – qui avait un visage un peu particulier, quand
on lui disait qu’il avait une sale gueule, répliquait :
« Vaut mieux avoir une sale gueule que pas de gueule du tout ».
C’est un peu l’argument pour la place. Enfin, moi ce que j’en
dis…
Ce
que tu en dis… Justement, dit Marco Valdo M.I., revenons à la
chanson pour laquelle curieusement notre A.T. n’a fait aucun
commentaire, je voudrais quand même situer Pietro Gori, une personne
d’une grande probité et d’une énorme générosité de cœur et
d’intelligence. Pietro Gori, qui vécut à cheval sur la fin du
dix-neuvième et du début du vingtième siècles, a été un
infatigable avocat des pauvres et des faibles, un théoricien et un
militant anarchiste, un écrivain et un poète de grande renommée.
Et pas seulement, ce fut aussi un sociologue de qualité et ce qu’on
appelle un grand cœur et un grand homme. Pour ce qui est de son
renom de poète, de chansonnier, il suffit d’indiquer qu’il est
l’auteur d’Addio
a Lugano [[207]] – Adieu à Lugano. Il meurt jeune – c’est
jeune 46 ans (1865-1911) ; la sympathie et l’attachement à
son égard de tant de « petites gens » ont fait que
son nom a été donné à une série de monuments, de rues, de
places, de cercles…
Un
peu comme pour Francisco Ferrer dans nos régions ?, demande
Lucien l’âne.
Exactement
et pour les mêmes raisons, dit Marco Valdo M.I. ; il s’agit
de saluer sa générosité, son intelligence, son penchant pour la
liberté et son combat du bon côté – aux côtés des pauvres –
dans la Guerre
de Cent Mille Ans[[7951]] que les riches font aux faibles et aux
pauvres pour assurer leur domination, multiplier leurs richesses et
développer l’exploitation. Dans les périodes et les lieux où en
Italie, règnent le fascisme et ses versions plus contemporaines
(phénomènes endémiques), on constate que les gens au pouvoir
tentent – comme ce fut aussi le cas avec le monument à Fra Dolcino
sur le Monte Rubello – de faire disparaître toute trace de ces
hérauts de liberté. Dans le cas de cette chanson, l’A.T. relaie
la protestation populaire contre l’escamotage sournois de la Place
Pietro Gori à Portoferraio (Île d’Elbe) et par une subreptice
substitution de son nom, son attribution à un ancien édile
municipal de droite. Je n’ai pas repris son nom dans la version
française, car c’est sans intérêt et il ne mérite pas d’être
mentionné. Restons-en à la Piazza Pietro Gori.
Tu
as bien fait, Marco Valdo M.I., mais il nous faut rependre notre
tâche et tisser inlassablement le suaire de ce vieux monde
prévaricateur, dominateur, exploiteur, menteur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
À
la bibliothèque est conservée
Un
encastrement lapidaire rappelle le souvenir
On
devine pour quelles sordides raisons,
Pour
mériter le renom
Qui
y voient briller la mémoire reconnaissante
Raconte
Pietro Gori à tous
Pour
cogner la tête de ces rastaquouères !