mercredi 1 janvier 2014

NE DITES PAS À MA MÈRE

NE DITES PAS À MA MÈRE




Version française – NE DITES PAS À MA MÈRE – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne – Non dite a mia madre – Riky Maiocchi – 1964





Mère, reine de l'Univers






Une chanson qui en son temps fut interdite d'antenne et carrément censurée par la RAI (Radio-télévision italienne)... Inspirée et même, désignée comme version italienne de la chanson populaire étazunienne « The House of Rising Sun », qui servait également de cri de ralliement à tous les jeunes du monde opposés à la guerre du Vietnam, elle aurait pourtant dû échapper à cet ostracisme ; au moins autant que la chanson d'origine qui circulait partout.

Alors ? Alors, si ce n'était pas l'opposition à la sale guerre du Vietnam (Comme s'il existait des guerres propres, dit Lucien l'âne...), quel était le motif de cette interdiction ?

La Commission de censure y a vu l’histoire d'un condamné à mort..., dit-on... Mais moi, je n'y crois pas. Je crois plutôt que c'est une chanson de suicidé, de futur suicidé, s'entend... Et c'est la logique-même de la chanson qui le confirme... Réfléchis un instant... Si c'était un condamné à mort... Il aurait fait l'objet d'un procès et dès lors, sa mère en aurait forcément été informée... Dès lors, la chanson ne tiendrait plus debout.

Et si c'était un soldat prisonnier qu'on va fusiller pour – par exemple désertion ou trahison ?

Ben, pareil... Sa mère en serait forcément informée et elle recevrait la version officielle. Soit qu'il serait disparu au combat, soit qu'il serait mort en héros. Souviens-toi, ce fut le cas de notre Joseph – Giuseppe Porcu, dont je t'ai conté la saga. Et spécialement la canzone Le Fils ressuscité [[9053]], où le déserteur Giuseppe, dont la mère avait fait son deuil depuis qu'on avait fait de son fils un héros mort pour l'Italie, le déserteur devenu entretemps Joseph revient, reparaît et littéralement, ressuscite d'entre les morts.

D'accord, mais alors de quoi pouvait-il bien s'agir de si scandaleux au point de censurer une chanson qui me paraît , mais je suis un âne libertaire – assez anodine. Je veux dire qu'elle raconte un fait... Quel est donc ce fait qu'on ne saurait voir ? Ou qu'on ne saurait laisser voir ? On dirait une tartufferie...


Tu as mis le doigt dessus, mon ami Lucien l'âne. C'est tout-à-fait ça... C'est le Tartuffe et la citation de Molière s'impose :


« Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées."
(Molière – Tartuffe, III, 2 (v. 860-862)

Autrement dit, une énorme hypocrisie, un mensonge jésuitique...


Oui, mais alors, de quoi peut-il s'agir ? À quoi donc cette chanson a-t-elle donc touché de si tabou, qu'on n'ose même pas donner la raison de son interdiction ?

À mon sens, je l'ai déjà dit, c'est qu'elle raconte les dernières heures d'un suicidé, sa détermination à mettre fin à ses jours... C'est là le vrai scandale pour les bien-pensants et ce que les dévots ne peuvent même laisser entrevoir... Car alors s'ouvrir devant leurs yeux horrifiés l'abîme terrible de la liberté absolue de l'humaine nation face à la vie et forcément, à la mort. Remarque aussi qu'il faut cacher ce fait « à ma mère... »... La mère, mais aussi, la Sainte Mère, c'est-à-dire l'Église... En effet, la « Mère » ne doit pas savoir, car elle ne peut pas savoir, car elle ne veut pas savoir...


Et pourquoi ?


Tout simplement, car tout son monde illusoire s'écroule... La mère n'est plus qu'un lieu de passage... Tout son pouvoir, toute sa raison d'être disparaissent... Et alors, en même temps, s'effondre le lien héréditaire, base de la transmission de la propriété... Ni la mère, ni la Société, ni Dieu ne peuvent accepter cela et en même temps, ne peuvent contrarier cet acte de liberté absolue, cette auto-euthanasie.


Certes, le suicide est une auto-euthanasie... Des fois, souvent même, une autothanasie, car il n'est pas toujours heureux, ni facile, ni indolore.


À voir les réactions des dévots face à l'avortement ( et le suicide est une sorte d'auto-avortement tardif, tout comme celui qui devient orphelin à cinquante ans est un orphelin, et même un orphelin conscient de l'être, un orphelin de la onzième heure, comme dit Tonton Georges – http://www.youtube.com/watch?v=jCxT2dfRC8g), leurs réactions face à l'euthanasie aussi et le comportement de certains à l'égard des « suicidés » manqués – pour un peu ils les condamneraient à mort, on voit bien la terreur de ce monde-là face à la réalité de la mort... Car ce n'est rien d'autre que leur peur de mourir que ces gens-là expriment, leur terreur face au néant qu'ils sont bien obligés au fond d'eux-mêmes de reconnaître... Car s'ils avaient en tête, ne fût-ce qu'un peu, la certitude qu'il y aurait autre chose après la vie, ils se réjouiraient de mourir et seraient les plus ardents partisans du suicide, de l'euthanasie et de tout ce qui s'ensuit...


Mais en effet, ces gens de la Rai étaient des Tartuffes... et ont bien dû trouver une explication vaguement crédible à leur censure...


Quant à nous, reprenons notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde menteur, hypocrite, tartuffe, sournois, jésuitique, crédule, absurde, paniqué et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




À l'aube, je n'y serai pas
À vous parler de moi
Je le sais que moi
Je partirai de là
Et je ne reviendrai pas

Ne dites pas à ma mère
Que je ne suis plus là
Car elle a foi en moi
Et si elle apprend cette vérité amère
De douleur, elle mourra.

Pour vous tous, le soleil se lèvera
Mais ce sera toujours la nuit pour moi
L'aube fuira et pour moi, je le sais,
Tous n'auront plus que la pitié

Ô ! Pardonnez-moi
Pardon, pour moi, oh ! père
Et faites que ma mère
Ne sache jamais
Que j'ai fini ainsi
Ainsi...



LA MAISON DU SOLEIL LEVANT

LA MAISON DU SOLEIL LEVANT

Version française – LA MAISON DU SOLEIL LEVANT – Marco Valdo M.I. – 2013
d'après la version italienne de Bernart Bartleby
d'une chanson étazunienne The House of the Rising Sun , ancienne et anonyme.



Paroles d'un auteur anonyme. Probablement – étant donnée l'histoire - la version originale était au féminin.
Mélodie peut-être inspirée de « Matty Groves », ballade anglaise du XVIIième.
Au féminin, dans le répertoire de Joan Baez.
Au masculin – version bien plus connue – dans celui de Woody Guthrie, Pete Seeger, Bob Dylan, Leadbelly et, surtout, de The Animals d'Eric Burdon, leur cheval de bataille, reprise par de très nombreux interprètes. En Italie à signaler la version de Riki Maiocchi avec le titre « Ne le dites pas à ma mère », qui fut censurée par la RAI.
Informations tirées - comme le texte et ses versions - de Musica &Memoria (Musique &Mémoire), à laquelle je renvoie pour une exégèse plus approfondie du morceau.




Chanson qui originairement parlait de filles perdues, prostituées de Storyville, l'ancien quartier réservé de La Nouvelle Orléans connu comme « The District », existant entre 1897 (lorsque le maire Sidney Story l'institua pour défendre le « statut » de la ville, en extirpant la prostitution des rues) et 1917, lorsque une vague moralisatrice venue des sommets de l'Armée en imposa la fermeture.
La devise de Storyville était « Honni soit qui mal y pense », la même que celle du « Très noble Ordre de la Jarrettière » anglaise (14° sec.)…








Les femmes qui entraient à Storyville étaient enregistrées comme prostituées et les bordels - comme celui appelé « The House of the Rising Sun » - devenaient leurs prisons ; le « Soleil Levant » était en réalité le crépuscule de ces vies derrière les murs des bordels…
Une chanson qui m'a rappelé la aussi belle mais moins connue « Katie Cruel », elle aussi très ancienne et célèbre dans la version de la grande et désespérée musicienne et chanteuse étazunienne Karen Dalton.

J'ajoute que, dans sa version la plus connue, celle de 1964, au masculin, d'Eric Burdon & de The Animals, « The House of the Rising Sun » se transforma, peut-être même par sa dévorante et mélancolique mélodie, en une des chansons plus aimées tant des soldats américains sur front du Vietnam que des gars qui sur le « front intérieur » se battaient contre cette guerre…






Chanson contre toutes les formes de guerre militaires ou civiles, elle revêt des formes des plus diverses : originairement, chanson dénonçant la prostitution imposée aux femmes, puis, chanson contre la guerre imposée aux gens et chanson dénonçant les autres formes qui écrasent les humains – le suicide (Riki Maiocchi - NON DITE A MIA MADRE) – pas étonnant qu'elle ait été censurée , la prison (Johnny Halliday – Le Pénitencier) et le chômage (Marco Valdo M.I. – La Fermeture). Le Pénitencier, dont un des auteurs est Hugues Aufray lequel depuis a commis une version plus conforme à The House of Rising Sun sous le titre L'Hôtel du Soleil Levant. (M.V.M.I.)









Il y a une maison à la Nouvelle-Orléans
On l'appelle le Soleil Levant
Elle a détruit tant de pauvres enfants
Et moi, j'en suis une, Maman

Ah ! Si je t'avais écouté maman
J'aurais été chez nous maintenant
Mais j'étais jeune et folle, oh Maman
De suivre ce foutu fainéant

Va dire à ma sœur cadette
De ne pas comme moi faire la bête
Et d'éviter cette maison de la Nouvelle-Orléans
Qu'on appelle le Soleil Levant

Moi, je retourne à la Nouvelle-Orléans
Ma course est presque finie
J'y retourne pour terminer ma vie
Sous ce Soleil Levant