lundi 20 mai 2019

LA FEMME LUNAIRE

LA FEMME LUNAIRE


Version française – LA FEMME LUNAIRE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson guatémaltèque (de langue espagnole) – Mujer lunar Rebeca Lane – 2014






Le Guatemala est un des pays où les violences sexuelles contre les femmes sont les plus nombreuses. Rebeca Lane, sociologue et rappeuse, met en musique une nouvelle image de la femme : ni Dieu, ni Patrie, ni mari, ni parti.

Dialogue Maïeutique


Oh, Marco Valdo M.I., dis-moi, j’aimerais savoir ce qu’est une femme lunaire. Je suppose qu’elle n’a rien à voir avec le Pierrot lunaire.


Tu vois, Lucien l’âne mon ami, je m’en vas te donner une réponse ambiguë, à la manière des Normands. Peut-être bien que non, mais peut-être bien que oui. D’abord, ce Pierrot Lunaire date de plus d’un siècle (Albert Giraud le publia en 1884) et a tous les airs d’un clown triste, un personnage pâle, tout chez lui manque de couleur, comme la pleine lune laiteuse.

« O Lune, nocturne phtisique,
Sur le noir oreiller des cieux !
Mais dans sa volupté physique
L'amant qui passe insoucieux
Prend pour des rayons gracieux
Ton sang blanc et mélancolique,
O Lune, nocturne phtisique ! »

Vu ainsi, la réponse est nettement non. Mais si l’on prend au pied de la lettre l’affirmation de Rebeca Lane (ne serait-ce pas ta cousine ?) : « Je suis un être lunaire », là, c’est incontestablement oui.


« Je suis une femme, je suis un être lunaire.
Je passe comme la lune de l’obscur au blanc. »


Et tout cela renvoie à la façon dont la Lune elle-même est considérée dans la tradition. Au travers des siècles, cet astre changeant a toujours eu la réputation d’engendrer certaines humeurs chez les femmes, de les rendre parfois mélancoliques – comme le Pierrot, mais aussi souvent, combattives et ardentes comme l’est la « mujer lunar ». Je pense que c’est ce deuxième sens qui est celui qu’il faut entendre dans la chanson. Une femme de caractère, libre, peut-être fantasque, mais sûrement revendicative et digne.


Oh, je vois, une femme de caractère, dit Lucien l’âne. Au fait, j’aimerais bien que ce soit ma cousine ; elle m’a l’air de ne pas vouloir se laisser faire et d’avoir les pieds sur terre.


C’est ainsi que je le ressens aussi, reprend Marco Valdo M.I., mais il ne faudrait pas réduire le propos et oublier qu’il y a derrière tout ça, un puissant ressort qu’est le combat féministe, la lutte pour la dignité des femmes, la revendication majuscule qui ouvre la chanson :


« Ni dieu, ni patrie, ni mari, ni parti.
C’est comme ça que je suis née, c’est comme ça que je vis. »


Elle me plaît bien cette ouverture, dit Lucien l’âne. Elle m’a tout l’air d’une manière féministe d’agrémenter le « Ni Dieu, ni Maître ». Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde sexiste, inégalitaire, indigne, oppresseur et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Ni dieu, ni patrie, ni mari, ni parti.
C’est comme ça que je suis née, c’est comme ça que je vis.
Depuis que maman me mit au monde.
On a teint de rose le chemin de ma vie.
Mais maman, moi, j’aime le mauve.
J’aime la poésie et la mélancolie
Je ne crois ni aux contes de fées, ni aux fantômes.
Je veux être à moi, je ne serai à personne
Tous les matins, Je me raconte une histoire
J’ouvre mes ailes, je fuis le paradis avec Lilith et les mauvaises filles.
Je ne crois pas qu’en haut quelqu’un nous juge.
Je vais improviser, je suis souveraine de mes actes.


Je suis une femme, je suis un être lunaire.
Je passe comme la lune de l’obscur au blanc.
Je porte la semence dans mon ventre,
De mon utérus sont nés tous les gens.
De mon sang menstruel chaque mois
Naît la vie, car de ta côte, elle ne sort pas.
Je ne suis pas venue au monde pour ton bonheur,
Ni pour que tes coups m’abreuvent de douleur.


Ils voudraient que je sois chaste et pure,
Sans désirs et sans doutes,
Que mon bonheur soit dans la cuisine
À faire des ragoûts qui méprisent ma dignité
Vouloir être à une maison enchaînée,
Être mariée, tomber enceinte,
Donner des enfants au système et si le ventre se serre,
Apprendre à vivre la pauvreté en silence.
Pour chaque coup que tu me donnes, l’univers est ébranlé.
Pour ça je me défends et je ne peux accepter
Les princes qui viennent me sauver
Avec des compliments et de l’argent, viennent m’insulter.


Je suis une femme, je suis un être lunaire.
Je passe comme la lune de l’obscur au blanc.
Je porte la semence dans mon ventre,
De mon utérus sont nés tous les gens.
De mon sang menstruel chaque mois
Naît la vie, car de ta côte, elle ne sort pas.
Je ne suis pas venue au monde pour ton bonheur,
Ni pour que tes coups m’abreuvent de douleur.


Comme j’ai un corps de femme, ils veulent que je sois tendre.
Mais ils me traitent de salope, si je montre mes jambes en rue.
Plus qu’une femme, les gens cherchent une bonne.
Mieux encore silencieuse et les jambes ouvertes.
Je suis un fruit complet, je ne suis pas une demi-orange.
Je suis ce que je veux. Je ne suis pas une pute et je ne suis pas un saint.
J’entends être traitée au minimum comme un humain .
Face à ce délire collectif, je m’émancipe, j’abdique.
Je n’accepte pas les rôles imposés.
Je ne t’aime pas pour ton sexe, mais pour ce qu’on partage.
La liberté, c’est quand on n’est plus catalogué ;
C’est le poing levé pour célébrer les guerrières.


Comme à la montagne sont les guérilleros,
Sont aujourd’hui les rappeuses au micro :
Survivantes de la violence, mères célibataires,
Sœurs féministes de la planète Terre.