CHANSON DE LA VIE QUOTIDIENNE
Version française – CHANSON DE LA VIE QUOTIDIENNE – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – Canzone della vita quotidiana – Francesco Guccini – 1974
DANSE MARATHON Philip Evergood - 1934 |
Dialogue maïeutique
Une fois encore, une fois de plus, Lucien l’âne mon ami, je me suis laissé aller à faire une version française d’une chanson de Francesco Guccini, un chanteur, dont je dois avouer que jusqu’il y a quelques années, j’ignorais même l’existence. C’était en ce temps lointain déjà où j’allais découvrir cet univers polymorphe, encyclopédique et labyrinthique des Chansons contre la Guerre. Ce n’était pas un sort réservé au seul Guccini, mais à vrai dire, en dehors de la chanson française, je ne connaissais à proprement parler rien ou très peu du monde de la chanson en d’autres langues.
Oh, dit Lucien l’âne, il n’y a pas de mal à ça et même, d’autant plus ou d’autant mieux qu’on reconnaît son ignorance et qu’on découvre son étendue abyssale. Comme on le remarquait l’autre jour, plus on connaît de nouvelles choses (ce n’est donc pas spécifique à la chanson), plus on dévoile les horizons qu’elles dissimulaient. Ainsi, le savoir engendre l’ignorance ; on est astreint à ignorer de plus en plus. C’est ça, la culture.
Autrement dit, selon toi, Lucien l’âne mon ami, la culture, c’est la connaissance de l’ignorance et j’insiste, l’inverse n’est pas vrai. L’ignorance de la connaissance, c’est franchement de l’inculture, de l’ignareté.
Ho, Marco Valdo M.I. mon ami, je propose qu’on arrête là l’exploration des champs de l’ignareté, qui toutes choses restant égales par ailleurs, me semble un mot ancien que je trouve très à propos.
Cela dit, reprend Marco Valdo M.I., la chanson de ce jour est en quelque sorte la prolongation diurne des chansons nocturnes du même Francesco Guccini : Canzone di notte – Canzone di notte n°2 – Canzone di notte n. 3 – Canzone di notte n.4. ; elle s’intitule Canzone della vita quotidiana – CHANSON DE LA VIE QUOTIDIENNE. En parcourant le texte italien pour en faire la version française, il m’était venu du fond de la mémoire une chanson courte de Boris Vian qui traitait du même sujet sous le titre explicite : La vie, c’est comme une dent. Comme elle est vraiment très courte, je te cite le texte in extenso :
« La
vie, c’est comme une dent :
D’abord, on n'y a pas pensé,
On s’est contenté de mâcher
Et puis, ça se gâte
soudain,
Ça vous fait mal, et on y tient,
Et on la soigne
et les soucis,
Et pour qu’on soit vraiment guéri,
Il
faut vous l’arracher, la vie. »
Mais je la connaissais cette chanson de Vian et même, je la savais par cœur. Pour le reste, j’imagine, dit Lucien l’âne, que cette chanson de la vie quotidienne, c’est un peu dans le prolongement des Chroniques de Vasco Pratolini, c’est une sorte de description de la vie, une méditation sur les heures et les mélancolies, un remue-méninges poétique, une chanson quasiment philosophique. Maintenant, pour faire court, tissons le linceul de ce vieux monde mélancolique, dépressif, plein d’avenir vide, immensément ignare, légèrement pessimiste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
À l’aube ou en fin d’après-midi,
Ça ne fait pas vraiment de différence,
Avec les heures toutes pareilles, on n’en a jamais fini,
Il faut du courage pour vivre son existence.
La vie quotidienne vous a vu et aspiré
Comme le café bu à peine levé,
Et l’eau froide efface vos rêves,
Et le besoin noie l’espérance,
Et la douceur du songe se lève,
Et la vie quotidienne commence.
Et vous suffoquez dans mille détails,
La tête pleine de vacances et d’oisiveté
Et les maux sont pires en réalité.
La
maladie, c’est l’ennui du travail :
Efforts sans but, courses vaines,
Angoisses vagues, incertaines,
Jour après jour, meublent le désert annuel
Avec ses oasis à la mi-août et à Noël.
Année après année, on les décomptera,
Ces jours de la vie devant soi.
Hypocrisies légères, rages à bas prix,
Réponses sagaces toujours en retard,
Salutations anxieuses d’ennui ou de mépris
Sans que jamais se croisent les regards.
Les confidences du sexe ou de la maladie
Où chacun n’écoute que ses réparties ;
Les fictions naturelles dont on se pare
Pour ne pas sembler être ce qu’on peut voir.
À peine commencée, elle est déjà finie ;
Elle s’en va ainsi tous les jours, la vie.
Amours désespérés, amours à la sauvette,
Consommés par colère ou par devoir,
Qui fatigués éteignent avec la cigarette
Les
désirs nés au
long de tant de soirs.
Amours faits de fureur, affrontement parfait,
Vengeance nocturne où, pour être vrai,
Après ces films de faste et de luxure,
Par la pensée, l’un trahit l’autre :
Amours vus, amours vécus, amours des jours,
Amours de la vie de chaque jour.
Peurs assidues, joies solitaires,
Drames qui n’émeuvent qu’eux-mêmes,
Solutions ambiguës, compromis différents,
Les gloires vantées de temps en temps.
Les petits maux toujours plus nombreux,
Les ans passent plus douloureux,
Lutte vide et vaine, pathétique à tenter
De repousser un peu plus loin l’éternité.
Enfin vieux, vous n’avez toujours pas compris
Que la vie quotidienne vous a trahi.