(UNE ALLÉGORIE ALLEMANDE)
Version
française – SOIGNER LA FAIM (UNE ALLÉGORIE ALLEMANDE) –
MarcoValdo M.I. – 2018
Poème
d'Erich Kästner, dans le recueil « Gesang zwischen den
Stühlen » (Chant entre deux chaises) publié en 1932.
Musique de Werner Helwig (1905-1985), alias Hussa, écrivain, poète et auteur-compositeur allemand.
Musique de Werner Helwig (1905-1985), alias Hussa, écrivain, poète et auteur-compositeur allemand.
Dialogue
maïeutique
Tu
te souviens sans doute, Lucien l’âne mon ami, que nous avons déjà
publié quelques versions françaises de poèmes ou de chansons
d’Erich Kästner.
Certainement,
Marco Valdo M.I. mon ami, et je me souviens également qu’elles
étaient des plus intéressantes. J’en
retiendrai quelques-unes :
CONNAIS-TU
LE PAYS OÙ LES CANONS FLEURISSENT ?,
SPORTS
D'HIVER,
TRÈS
SAGES CONTEMPORAINS, LE
POIRIER SUR LA LORELEI (d’après un événement vrai),
etc. Il
y en avait d’ailleurs une belle
série, près d’une quarantaine,
un nombre tel que je ne pourrais les citer toutes ici. Mais,
dis-moi, que raconte la chanson ?
Comme
souvent, Lucien l’âne mon ami, cette chanson raconte une histoire
qu’il faut comprendre à deux niveaux différents qui peuvent se
suffire à eux-mêmes. Il y a en premier l’histoire anecdotique qui
est celle d’un homme qui arrive à l’hôpital en très mauvais
état et qu’il convient de soigner. Ce premier niveau montre
comment fonctionne le service hospitalier d’urgence, dans lequel
les médecins apparaissent comme des incompétents, des ignares et
des irresponsables et vont faire subir à ce pauvre homme des
interventions médicales des plus catastrophiques au point qu’il en
mourra. À la fin arrive le médecin-chef qui – au premier coup
d’œil diagnostique le véritable mal du patient : la faim. Si
l’on s’en tient à ce niveau purement factuel, on a déjà une
critique virulente de l’état des services médicaux dans
l’Allemagne de l’époque, qui est celle de Weimar. Évidemment,
on peut augurer que dans les cliniques pour riches, les choses se
passaient différemment.
Oh,
dit Lucien l’âne, j’ai entendu dire que c’était comme ça
encore à présent dans certains pays. Comme
de bien entendu, les services de santé (et pas seulement) laissent à
désirer dans les pays en déliquescence, mais aussi, ainsi qu’on
peut le savoir par mille sources, dans des pays qui disposent de
moyens importants et qui pratiquent une médecine de pointe, mais
uniquement pour ceux qui peuvent payer ou qui disposent du pouvoir et
de l’influence nécessaires. En
clair, dans ce domaine aussi, on découvre des métastases de la
Guerre
de Cent Mille Ans,
ce cancer qui ronge le monde et les populations depuis fort
longtemps.
Oh,
Lucien l’âne mon ami, ce que tu dis est assez pertinent. De façon
générale, il y a une tendance à privilégier cette forme de
division du monde et cela se révèle plus directement dramatique
quand il s’agit de la santé, dramatique
et profondément injuste et humainement inacceptable. Une fois de
plus, on découvre que l’homme n’a pas encore accédé à
l’humanité, c’est-à-dire à un comportement digne.
Cependant,
comme je te l’ai dit, il y a une autre lecture de cette chanson et
elle s’impose puisqu’elle est suggérée dans la parenthèse du
titre qui dit explicitement : « Une allégorie
allemande ». Donc, il y a cette allégorie qui indique que
l’Allemagne elle-même – la République de Weimar – est ce
malade que tout un bataillon de médecins incompétents et criminels
se proposent de soigner. Ces médecins, ce sont évidemment les
hommes politiques ou ceux qui se mêlent de politique, qu’ils
soient au gouvernement ou non. Il suffit de regarder les dates :
celle de la chanson : 1931 et celle de l’accession au pouvoir
d’Hitler au tout début de 1933.
Si
je comprends bien, dit Lucien l’âne, cette chanson est un cri
d’alarme.
Bien
sûr, reprend Marco Valdo M.I., un cri d’alarme et un diagnostic
terriblement exact : l’Allemagne finira, après diverses
manipulations et traitements de ses « médecins » par
mourir de faim.
En
effet, la suite est connue et il ne nous
revient pas de faire ici un cours d’histoire de cette destruction
systématique. Il nous faut conclure ici en reprenant notre tâche en
tissant le linceul de ce vieux monde malade, injuste, inacceptable et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Un
homme arrive à l’hôpital
Et déclare qu’il se sent mal.
Alors, ils lui enlèvent l’appendice
Et le lavent à l’antiseptique.
Et déclare qu’il se sent mal.
Alors, ils lui enlèvent l’appendice
Et le lavent à l’antiseptique.
Ils lui demandent si ça va mieux,
L’homme
répond : « Non ! » ; ils
l’encouragent,
Ils amputent sa jambe gauche
Et lui disent : « Maintenant, vous allez mieux. »
Ils amputent sa jambe gauche
Et lui disent : « Maintenant, vous allez mieux. »
Dans leur domaine, ce sont des maîtres
Et des experts très appréciés.
Lui se tait, il est trop faible pour pleurer,
Mais il vit encore.
Son
sang se raréfie doucement,
L’homme étouffe lentement.
Ils lui scient trois côtes encore.
Alors, enfin il est mort.
L’homme étouffe lentement.
Ils lui scient trois côtes encore.
Alors, enfin il est mort.
Le
médecin-chef découvre
le cadavre.
Un des jeunes confrères l’interroge :
« Qu’avait donc ce pauvre homme à la fin ? »
Le médecin-chef murmure :
« Je pense qu’il avait seulement faim. »
Un des jeunes confrères l’interroge :
« Qu’avait donc ce pauvre homme à la fin ? »
Le médecin-chef murmure :
« Je pense qu’il avait seulement faim. »