vendredi 5 juin 2015

ODE À ANATTORIA – UNE COLONNE DE CAVALIERS

ODE À ANATTORIA – UNE COLONNE DE CAVALIERS

Version française – ODE À ANATTORIA – UNE COLONNE DE CAVALIERS – Marco Valdo M.I. – 2015
d'après la version italienne de Gian Piero Testa de la version en grec moderne d' Odysseas Elytis d'une chanson grecque - Ο]ἰ μὲν ἰππήων στρότον (Ode ad Anattoria /Frammento 16 V.) – s.d.



Elle, dont je préfère la fière démarche
Et le lumineux visage ovale
Mille fois face à toutes les armes







Célèbre chanson de la poétesse de Mytilène Σαπφώ, de Sappho de Lesbos, qui vécut entre de VII et VIᵉ siècle (avant Zéro).
Que dire ? Qu'ajouter ? Dans une époque où dominait la musculature guerrière des mâles, Sappho avait osé en affirmer la vacuité, la bêtise, l'inutilité, l'absurdité face à l'Amour, qui est le seul à pouvoir donner un sens aux actions des hommes, à leurs vies.
Même cette grande « truie » d'Hélène, exemple commun d'adultère et de déshonneur familial et de cause de tous les maux, guerre comprise, est par Sappho non seulement réhabilitée comme victime innocente d'Aphrodite (alias Vénus, alias Cypris), mais montrée comme responsable de son choix, comme femme courageuse parce que libre dans le sentiment, « en naviguant jusqu'à Troie » en abandonnant aussi le « très excellent » Ménélas et toute autre affection pour s'unir à Paris, celui que l'Amour lui désignait.
Et comme pour Hélène, pour Sappho aussi, les guerres et « toutes les armes
Des Lydiens et des hoplites, fiers soldats » ne sont rien face à «  la fière démarche » et au « lumineux visage ovale » de l'aimée, maintenant lointaine, de sa disciple Anattoria…


Dis-moi, Lucien l'âne mon ami, toi dont tout le malheur – mais peut-être n'en est-ce pas un – disons, tout le destin a brutalement viré en des temps si anciens que je n'arrive même pas à les situer, toi qui traînas tes sabots tout autour de la Méditerranée et dans les monts lointains de l'Inde et de l'Afrique, toi qui as croisé tant et tant de gens et de gentes dames, n'aurais-tu pas croisé cette Sappho et cette Anattoria dont nous parle la chanson ?


Marco Valdo M.I. mon ami, si j'étais un être prudent et pusillanime, je prendrais la tangente et je te dirais tel un Normand : peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Je n'oserais l'affirmer, mon souvenir est vague, c'était il y a si longtemps. Mais je ne me chauffe pas de ce bois-là. Bien au contraire, l'âne que je suis a une mémoire d'âne, laquelle transcende les siècles. Tous comptes faits, il n'y a jamais qu'un peu plus de deux millénaires et demi que Sappho, Alcée et l'adorable Anattoria ont vécu à Lesbos, en Ionie. Et donc, non seulement j'en ai gardé la mémoire, mais je m'en souviens tant que j'en tremble encore. Imagine l'effet que pourrait te faire d'avoir porté – disons dans tes bras (moi, c'était à cru sur mon dos...), Sappho et Anattoria. Ce sont là des choses qu'on n'oublie pas. Jamais. Je te rappelle que je ne suis âne que par un maléfice, mais que mon cœur est celui d'un jeune homme d'à peine vingt ans… Je dis mon cœur, mais il te faut comprendre ainsi le lieu du sentiment, de l'émotion et de la pensée. Formulé différemment, je dirais : en moi-même, en mon être. Pour en revenir à ces souvenirs, il me revient qu'ensuite, j'emmenai Alcée en exil jusqu'en Égypte en passant par la Palestine avec mes sabots d'albâtre.


Et donc, te voilà bien placé pour apprécier cette chanson d'amour… Par ailleurs, tu le verras, une anticipation de ce slogan des années 60 du siècle dernier : « Make love, not war ». Tu verras, c'est un peu ça, mais évidemment en beaucoup plus poétique et chantant dans une haute musique.

Certes, « Faites l'amour, pas la guerre », j'aimerais bien moi… Mais dis-moi, ô dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, où sont les roses qui me délivreront un instant, rien qu'une heure seulement ? Avant de conclure, laisse-moi égrener encore un bout de souvenance et te dévoiler combien la main de Sappho était caressante et celle d'Anattoria, douce et fragile. Laisse-moi te dire comme leurs voix aguichaient mes longues oreilles et réveillaient en mon corps d'étranges émotions. Avec ces femmes-là et ces regards-là, je me serais noyé dans leur éternité. Là-bas, Marco Valdo M.I. mon ami, tout n'était que beauté, calme et volupté De quoi ne jamais regretter ma métamorphose… Quoique… Une heure seulement... Dès lors, reprenons ici notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, matamore, priapique  et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Certains trouvent que sur notre noire terre Les cavaliers sont la plus belle chose ; D'autres, les matelots et d'autres, les hoplites ;
Pour moi non, c'est ce que chacun aime,
C'est chose facile à comprendre.
Ainsi Hélène à la beauté incomparable
Abandonna soudain son mari, homme remarquable
Et mit le cap sur Troie
Sans jamais se préoccuper ni de sa fille
Ni de ses parents ; le corps par l'amour comblé,
Elle était ensorcelée par Vénus. Ainsi pour un rien
Toujours incline femme ! Tant son cerveau est pris
Par ce qui dévore son esprit
Et ne voit pas plus loin !
Comme à présent Anattoria aussi
Qui s'en est allée loin de nous, oui,
Qui donc d'elle se rappelle ?
Elle, dont je préfère la fière démarche
Et le lumineux visage ovale
Mille fois face à toutes les armes
Des Lydiens et des hoplites, fiers soldats
À la bataille, mais je sais qu'on n’admet pas
Que d'une fortune sans temps nous espérions
Mais ne peut-on souhaiter juste un soupçon,
Là où on ne l'attend pas.