Le
Soleil se couche
Chanson
française – Le
Soleil se couche
– Marco
Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 112
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XV)
Ulenspiegel le Gueux – 112
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XV)
Dialogue
Maïeutique
Serait-ce,
Marco Valdo M.I. mon ami, que tu te lancerais dans des considérations
météorologiques, comme le font les Anglais lorsqu’ils se
rencontrent ? Qu’est-ce donc que cette chanson sur le soleil
qui se couche ? A-t-on idée d’un tel sujet ? Pour une
peinture, je le conçois aisément ; pour un éleveur de poules
en plein air, également, c’est le moment de les rentrer ;
pour une mère de famille nombreuse, on le comprend, mais ici ?
Ici,
mais précisément ici, Lucien l’âne mon ami, c’est le lieu, le
moment et le cas de le dire, car c’est sur péremptoire affirmation
que se termine la chanson. Elle dit exactement :
« Philippe,
enfin, le soleil se couche ! »
Et
que veut-elle signifier à ce Philippe, qui n’est autre que – tu
l’auras deviné – Philippe II d’Espagne, qu’elle nomme à
plusieurs reprises : Philippe l’odieux ? Pour éclairer
la signification de cette phrase sibylline, il faut en passer par un
peu d’Histoire. Donc, on conte que Charles Quint, le père de ce
Philippe, aurait dit et en espagnol, parlant de son empire :
« imperio
en el que nunca se pone el sol »,
ce
qui se traduit par un « empire sur lequel le soleil ne se
couche jamais ». Philippe héritera de ce monde augmenté et de
cette jolie définition.
Je
vois, dit Lucien l’âne en riant, ils ne manquaient pas d’air ces
gens-là. M’est avis que c’est une expression de leur ego
légèrement hypertrophié.
C’est
effectivement ce que les Gueux pensaient de ces souverains, continue
Marco Valdo M.I., et ce dernier vers est prémonitoire. La libération
des Pays de la domination espagnole et en corollaire, de
l’Inquisition, est sans doute la première étape de la
décomposition de cet « imperio en
el que nunca se pone el sol » et
aussi, du vaste mouvement de décolonisation toujours en cours.
L’Empire espagnol sera le premier qui se décrépira, qui
s’effilochera, qui partira en lambeaux perdant ses morceaux l’un
après l’autre tout au long des siècles.
Comme
il reste encore des parties qui veulent leur indépendance, dit
Lucien l’âne, ce n’est sans doute pas fini. Mais que dit d’autre
cette chanson ?
En
premier lieu, Lucien l’âne mon ami, je voudrais attirer
l’attention cette sorte de
clair-obscur qui teinte toute la chanson : dans l’obscur,
Philippe et sa mélancolie ; dans le clair, Nelle, Till, Lamme
et Gueux et leur joie ; il correspond à l’opposition entre le
despotisme espagnol et le penchant pour la liberté des Gueux. La
chanson est la lamentation de Philippe aux prises avec cette
décrépitude (celle de son empire et la sienne propre), rongé par
sa rage d’être nargué par ces Gueux moqueurs et très
irrespectueux de sa majesté.
Et
bien, dit Lucien l’âne, voyons ça ; puis, tissons le linceul
de ce vieux monde plein d’orgueil, d’arrogance, de vertus et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Quand
le roi de sang, Philippe l’odieux,
Apprend
les victoires des Gueux.
La
mort ronge déjà le bourreau,
Les
vers se mettent à trouer sa peau.
Marmiteux,
farouche, traînant
Ses
jambes gourdes et ses pieds pesants,
L’homme,
fourbu, s’en va bancal
Claudiquant
en son Escurial.
Il
ne chante plus le cruel tyran,
Son
rire n’effleure jamais le vent,
Il
ne sourit pas au jour levant.
Le
soleil rit jaune sur son empire d’Occident.
Se
lamentant en son majestueux château,
Ainsi,
s’en va Philippe l’odieux,
Enfant
chéri de la Sainte Mère l’Église et de Dieu,
Empereur
de tant de terres et de tant d’eaux.
Pour
le Bourbon, l’Espagne triomphale,
Tient
la moitié du monde en propriété
Et
guigne, fière, l’autre moitié
En
futures possessions impériales.
Dis-moi,
cher miroir, mon beau miroir,
Qui
est le Prince le plus puissant ?
Au
nord, pourtant, on entend des craquements :
Dans
les Pays se brisent les glaces du pouvoir.
Nelle,
Till et Lamme sont plus réjouis
Des
bûchers éteints par les Gueux
Que
n’est en joie le roi odieux
Du
sac d’une ville aux Pays.
Sur
les vaisseaux des Gueux, sous le ciel clair,
Sur
les eaux tragiques, sur les flots verts,
Les
fifres, les cornemuses musiquent l’air,
Glougloutent
les flacons, tintent les verres.
Battons
le tambour de gloire,
Battons
le tambour de victoire,
La
goule se meurt, l’Espagne est vaincue,
Aux
Pays, Madame Liberté est revenue.
Les
Gueux tiennent toutes les bouches :
Bouches
de Meuse, bouches de Rhin, bouches d’Escaut.
La
moisson est mûre pour la faux.
Philippe,
enfin, le soleil se couche !