jeudi 30 août 2018

N’ALLUME PAS LA TÉLÉ, PAPA !


N’ALLUME PAS LA TÉLÉ, PAPA !

Version française – N’ALLUME PAS LA TÉLÉ, PAPA ! – Marco Valdo M.I. – 2018
d’après la version italienne de Flavio Poltronieri – NON ACCENDERE LE NOTIZIE, BABBO – 2018
d’une chanson turque – Haberleri açma babaZülfü Livaneli – 2013








La chanson se trouve sur le CD de 2013 « Gökkușağı Gönder Bana » et est chantée par la jeune Cansel Șapçılı tandis que la strophe qui déclame « Je ne veux pas grandir… » est interprétée par la petite İrem Bilgiç comme peut se voir dans le premier vidéo. Le second vidéo ne nécessite pas de commentaires.



N’allume pas la télé, papa, j’ai peur de regarder !
Je ne veux pas voir les gens coupés en morceaux.
N’allume pas la télé, papa, j’ai peur de regarder !
Je ne pense pas, papa, seulement je ne comprends pas une chose.

Si ce sont des frères et des sœurs, pourquoi se tuent-ils les uns les autres ?
Pourquoi les vieux ne meurent pas, mais tuent les jeunes ?
Qui les a envoyés mourir et tuer ?
Pourquoi toujours le bruit des combats partout ?

Je ne veux pas grandir, papa, je ne veux tirer sur personne !
Je ne veux pas grandir, papa, je ne veux tirer sur personne !

J’ai peur d’être frappé, personne ne devrait me tuer !
J’ai peur d’être frappé, personne ne devrait me tuer !
N’allume pas la télé, papa, j’ai peur de regarder !
Je ne veux pas voir les gens coupés en morceaux.


lundi 27 août 2018

L’Égyptienne


L’Égyptienne


Chanson française – L’Égyptienne – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
83
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXXIX)




Dialogue Maïeutique

Une Égyptienne, maintenant, Marco Valdo M.I. mon ami, que ne vas-tu pas encore nous inventer ?. Que vient faire une Égyptienne dans les Pays et pourquoi danse-t-elle au coin d’un bois perdu ? Je suppose qu’il ne s’agit pas d’une réincarnation de Cléopâtre ou de la belle Néfertiti qui faisait tourner la tête à Martin dans la chanson Martin-Néfertiti.

Détrompe-toi, Lucien l’âne, il ne s’agit pas d’une de ces pharaonnes antiques, mais d’une jeune fille qui danse, danse devant Lamme qui est persuadé de reconnaître sa femme. Voilà toute l’aventure.

Que Lamme, que la silhouette de sa femme obnubile, pense voir sa femme dans tous les minois qui l’environnent, dans toutes les formes qui tremblent dans son regard, je n’en doute pas un instant et que cette vision l’affole au point de lui troubler la raison, j’en suis certain aussi. Mais ce que je ne sais pas, c’est ce que vient faire une Égyptienne dans cette légende du Nord.

Laisse-moi d’abord, Lucien l’âne mon ami, te confier un secret, qui n’en est pas vraiment un comme on va le voir. Cette Égyptienne n’est pas une Égyptienne au sens où on l’entend habituellement. Elle ne vient pas d’Égypte, de ça, on est sûr. Cependant, on ne sait trop d’où elle vient et à mon sens, on ne le saura jamais. Peut-être d’Europe centrale, d’un pays de la Mer Noire, des Balkans, d’Espagne ou même d’Italie.

Comment ça, s’étonne Lucien l’âne, on ne sait pas d’où elle vient, mais alors pourquoi l’appeler l’Égyptienne.

Au temps de la Légende comme au Moyen-Âge, dans nos régions, explique Marco Valdo M.I., on baptisait « Égyptien ou Égyptienne » ceux qui venaient d’on ne savait trop où, qui avaient l’air et des manières d’étrangers. Le mystère s’éclaircit un peu dans la chanson, quand on s’aperçoit que c’est Till qui la dit « Égyptienne », mais il précise immédiatement : une « Égyptienne de Bohême », une personne à l’air exotique, membre d’une troupe ambulante ou d’une tribu de gens du voyage. À la fin de la chanson, l’homme qui la protège dévoile ce qui faisait mystère : « Nous sommes des Gitans. ». C’est donc en réalité, une Gitane, une Tzigane, une Rom, une nomade, mais aussi une elfe, une nymphe, une dryade, qui sait ? Elle me fait penser à l’étrangère d’Aragon que chantait Léo Ferré :

« J’ai pris la main d’une éphémère
Qui m’a suivi dans ma maison.
Elle avait les yeux d’outremer
Elle en montrait la déraison.

Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon
J’aimais déjà les étrangères
Quand j’étais un petit enfant. »

ou elle sur les gitanes. Pour le reste, voir la chanson.

Quand même, dit Lucien l’âne, les Gitans, les Bohémiens, les Roms ont toujours été mal perçus et mal reçus partout dans les pays d’ici.

En effet, Lucien l’âne mon ami, et ils le sont encore et pas seulement eux d’ailleurs. C’est toute une population SDF, ces éternels migrants qui dérangent les

« gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes »

tels que les voyait Georges Brassens dans sa « Ballade des gens qui sont nés quelque part » et des migrants volontaires et inintégrables dans les mœurs statiques et casanières de nos régions.

Bien sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, les migrants ne sont jamais les bienvenus chez les morts-vivants de nos pays, chez ceux qui ont fait de leur maison, de leur quartier, de leur ville une anticipation de tombe, un avant-projet de cimetière, chez ces gens qui survivent en phase terminale depuis leur enfance.

Une dernière chose, Lucien l’âne mon ami, sur laquelle je voudrais attirer l’attention, c’est que cette jeune personne un peu légère est protégée par son groupe, car elle est atteinte d’une folie d’amour ; protégée et non rejetée, comme la pauvre Clara que j’évoque dans la chanson Hou hou!

Maintenant, il nous faut conclure et reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde statique, casanier, xénophobe, raciste, idiot et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



« Ô désespoir, dit Lamme,
Mes pieds ne me portent pas.
Ma femme, ma bonne femme,
C’est elle, là-bas !»

« Elle est belle, cette fille si menue
Dans sa mousseline à demi-nue,
Mais, dit Till, trop jeune cette inconnue,
Pour être ton épouse disparue. »

« C’est elle, c’est elle, je le vois.
Et je ne peux marcher, porte-moi !
Danser dévêtue, les seins hors du corsage,
Elle, toujours si douce et si sage.

Ses bras ronds sortent de la dentelle
Et ses dents rient en sa figure
Et se tend, et se tord sa cambrure
Et ses yeux hardis, sûrement, c’est elle. »

« Cette danseuse n’est pas celle que tu aimes,
Dit Till, c’est une Égyptienne de Bohême. »
Soudain, un chien se jette sur la belle
Et Lamme court sauver la donzelle.

« Où as-tu mal ? Dis-le-moi !
Pourquoi ce rire hagard, ce regard plein d’éclats ? »
Lamme l’étreint, Lamme l’enlace.
Il la relève, il l’embrasse.

« Et cette marque sous le sein droit,
Je ne la retrouve pas.
Ciel, ma femme, ce n’est pas toi.
Mais qui est donc dans mes bras ? »

La fille s’enfuit et son rire la suit.
Un grand homme maigre et fier
Dit à Lamme : « Il faut payer le prix ;
Payer ses amours est de bonne guerre.

C’est la fille du chef de notre famille.
Frappée du mal d’amour et sans pudeur,
Elle danse nue dans sa folie.
La nuit devant le feu, elle pleure.

Till demande : « Qui êtes-vous bonnes gens ? »
« Tous nous repoussent, nous sommes des Gitans,
Des danseurs, des musiciens, des magiciens.
Nous vivons de réparations, de rapines ou de rien. »

dimanche 26 août 2018

AQUALUNG

AQUALUNG


Version française – AQUALUNG – Marco Valdo M.I. – 2018
d’après la version italienne de Riccardo Venturi (version collective) – 2013
d’une chanson anglaise – AqualungJethro Tull – 1971
Texte : Ian Anderson e Jennie Franks


Te souviens-tu encore
Du brouillard gelé de décembre
Quand ta barbe glacée
Criait à l’agonie ?




Je me suis souvenu de lui il y a quelques jours en le rencontrant lui, Aqualung, en plein centre de Florence, ville d’art. Vers trois heures de l’après-midi, il dormait dans ses haillons sur deux bouts de carton, dans le Melarancio, entouré d’horreurs de tout genre, dans l’encoignure d’un mur parmi les touristes et les citadins qui passaient sans y faire attention. Une épave humaine parmi tant, dans la puanteur et dans l’indifférence ; laid et sale. Et, peut-être, même mauvais comme Aqualung, qui fait le cochon avec les gamines et il maudit dieu au travers des diverses « institutions bénéfiques » plus ou moins à la mode. On dit qu’Ian Anderson a écrit ce morceau, et l’album, après avoir vu une photo prise par sa femme qui représentait un clochard ; il en sortit des textes mauvais, dissonants, sans aucun romantisme, en allant à creuser dans la ruine humaine. Et dans la ruine d’une société entière, qui ne s’est certainement pas arrêtée. Ainsi, en passant devant un homme qui dormait dans la rue, il est arrivé que cette chanson m’est venue presque automatiquement à l’esprit. Pas que je sois meilleur que les autres qui passaient sans s’en apercevoir ; avoir une simple pensée ne sert à rien, ne change rien. Peut-être, au contraire, elle devient seulement prétexte pour parler d’une chanson, aussi belle qu’elle soit. Il s’est passé ensuite que, quelques jours plus tard, j’ai parlé d’une maison où se cache Aqualung et sa vie qui ne doit pas y être ; ainsi naquit tout ceci. Cependant attention, attention toute. Aqualung nous pouvons le devenir tous, sans aucune exception. Personne n’est exempt, personne est pardonné ; Ian Anderson l’avait bien compris, auquel il dut s’activer quelque chose dans la désaxement qui était en lui. Et, ainsi, dans la couverture de l’album, Aqualung a son apparence exacte. [RV]

Un curieux sort frappe les textes des chansons, même des plus célèbres. Même les livrets des albums des originaux, sont incomplets et incorrects par rapport à la chanson ; le Réseau, ensuite, a fait le reste. Ainsi, on s’y est mis à écoute et les parties manquantes ont été rétablies et certaines dictions correctes. Ainsi que les répétitions des strophes, vu qu’elles font partie de la chanson de plein droit.


Dialogue maïeutique


« Aqualung », Marco Valdo M.I. mon ami, voilà bien un titre curieux et si c’est le nom d’une personne, un nom bizarre. Et puis, à ce qu’il me semble, c’est une chanson anglaise et je pensais que tu ignorais l’anglais. De toute façon, il est fort rare que tu fasses une version française de chansons anglaises.

Oh, Lucien l’âne mon ami, tu as parfaitement raison. Je n’ai pas l’habitude de m’aventurer dans les vastes paysages de la chanson de langue anglaise. Principalement, car il y a tant de gens qui le font, car l’industrie et commerce y sont dominants et que moi, tu le sais, le bizenesse, ce n’est pas ma tasse de thé et puis, il paraît que tout le monde – excepté moi – comprend l’anglais et le pratique couramment. Il est vrai que je me sens assez à l’écart et en dehors de ce monde colonisé. Pour ce qui est de cette chanson et de la version française que je vais proposer, si je l’ai faite, c’est essentiellement à cause du récit introductif de Riccardo Venturi. Mais peu importe la langue, car je voulais faire connaître son évocation de cette scène florentine et son commentaire sur la « ruine de la société humaine ». Je suis donc parti de là et ensuite, seulement ensuite, j’ai abordé la chanson elle-même. Et pour ce qui est du titre étrange, je te renvoie à l’explication de Venturi qui parle d’un équipement de plongée sous-marine, qui – vérification faite – existe toujours.

Voilà qui répond à mes questions. Cependant, Marco Valdo M.I. mon ami, j’aimerais quand même quelques mots à propos de la chanson elle-même.

C’est une chanson qui raconte une histoire assez banale ; de plus en plus banale, d’ailleurs, vois-tu Lucien l’âne mon ami. Elle parle d’un clochard – actuellement et ici, on l’appellerait S.D.F. (sans domicilie fixe) – du nom d’Aqualung, dénommé ainsi en raison de ses difficultés respiratoires et du bruit qu’elles occasionnent. Ce clochard se trouve dans un parc, sur un banc où il regarde – bizarrement, les petites filles. « Il zieute les fillettes de ses yeux pervers », dit la chanson ; mais est-ce vraiment ce qu’il fait ou bien est-ce pure interprétation, pur préjugé, dû à son apparence – c’est un vieux SDF. En fait, il passe le temps comme il peut et devant ses yeux passent les enfants qui jouent et courent ; alors, il les regarde. Voilà tout.

Sans doute, Marco Valdo M.I., un vieil homme mal habillé et pas trop bien rasé, ça fait tache face à une pelouse. Mais enfin, qui dans un parc, assis sur un banc à se reposer ne regarde pas les enfants qui jouent, les petites filles qui courent ou qui dansent ? Ce serait un spectacle réservé aux gens « propres sur eux », lesquels auraient – par nature et définitivement – une vision correcte des jeux d’enfants. Tiens, ce pourrait être un prêtre sur le banc ? On sait tous ce qu’il en est de certains de ces saints apôtres. En l’occurrence, l’habit ne fait pas le moine. Mais je reviens à cette scène banale d’un Clochard, d’un SDF sur un banc qui pour moi est une scène de guerre, un épisode – sous le manteau de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin de les appauvrir, de les écraser et de les mener à la ruine finale, à la misère.

C’est en effet l’horizon de la chanson, reprend Marco Valdo M.I. et R.V. a raison de faire remarquer que la misère – la « ruine humaine » – car il s’agit d’elle, pas de la pauvreté avec laquelle on peut encore vivre et à la rigueur, survivre. Ici, pour Aqualung, il s’agit de la misère, comme qui dirait, pure et dure – la dernière marche avant l’abîme. À ce propos, Lucien l’âne mon ami, je voudrais insister sur cette distinction, cette gradation du monde qui va de la richesse (ultra-riche, très riche, riche, moyennement riche, un peu riche) à l’aisance, à la médiocrité, à la pauvreté et tout au bout (avant l’abîme) à la misère. On pourrait même introduire d’autres degrés. Mais dans notre société foutument binaire et martiale, on ne connaît que le bien et le mal, le bon et le mauvais, le blanc et le noir, le un et le zéro, le fort et le faible, le riche et le pauvre, le gagnant et le perdant, le national et l’étranger, le positif et le négatif et ainsi de suite. Cette polarisation du monde n’est pas innocente ; c’est elle qui est à la base de l’idée que la richesse est désirable , de l’absolue interdiction qu’il y a de la mettre en cause, de revendiquer une société fondée sur le refus de la richesse, fondée sur la pauvreté, sur le refus du trop, du trop plein, de l’obésité du quotidien, sur le refus de l’abondance et du gaspillage, qui sont les marques du luxe tant prisé, tant vanté et tant désiré, sur le refus pur et simple du désir de richesse, qui tel un cancer pourrit l’existence.

Holà, Marco Valdo M.I. mon ami, arrête-toi là, tu vas te mettre à philosopher et nous n’avons pas le temps ce soir. Il nous faut conclure et rependre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde riche, binaire, antagoniste et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Assis sur un banc du parc,
Il zieute les fillettes de ses yeux pervers.
Le snot coule de son nez,
Ses doigts gras encrassent ses loques sales,
Aqualung.
Il sèche au soleil froid,
Il guette les dentelles fugaces des petites culottes.
Aqualung.
Il se sent canard oiseux,
Et crache les bouts de ses chances perdues.
Oh, Aqualung.

Le soleil brille froidement,
Le vieil homme vague seul
Passant le temps
De la seule façon qu’il connaît.
Sa jambe fait un mal de chien
Quand il ramasse un mégot,
Il met ses pieds dans le marigot
Pour les réchauffer.

Il se sent seul,
La salutiste est au coin de la rue,
Doucereuse charité à la mode
Et tasse de thé.
Aqualung, mon ami
T’en va pas comme ça,
Mon pauvre vieux, c’est seulement moi.

Te souviens-tu encore
Du brouillard gelé de décembre
Quand ta barbe glacée
Criait à l’agonie ?
Et retenait tes derniers râles
Comme les gargouillis d’un plongeur.
Les fleurs éclosent
Comme folie au printemps.

Le soleil brille froidement,
Le vieil homme vague seul
Passant le temps
De la seule façon qu’il connaît.
Sa jambe fait un mal de chien
Quand il ramasse un mégot,
Il met ses pieds dans le marigot
Pour les réchauffer.

Tu te sens seul,
La salutiste est au coin de la rue,
Doucereuse charité à la mode
Et tasse de thé.
Aqualung, mon ami
T’en vas pas comme ça,
Mon pauvre vieux, c’est seulement moi.

Aqualung, mon ami
Ne t’en va pas énervé,
Mon pauvre vieux, c’est seulement moi.

Assis sur banc du parc,
Il zieute les fillettes avec des yeux pervers.
Le snot coule de son nez,
Ses doigts gras encrassent ses loques sales,
Aqualung.
Il sèche au soleil froid,
Il guette les dentelles des petites culottes.
Aqualung.
Il se ressent canard oiseux,
Il crache les bouts de ses chances perdues.

Oh, Aqualung.