POÉSIE FACILE
Version
FRANÇAISE – POÉSIE FACILE –
Marco Valdo M.I. – 2019
Poème de Dino Campana [1928]
Tiré des Canti Orfici (édition à compte d’auteur – Firenze 1914
Musique : Massimiliano Larocca
Interprétation : Massimiliano Larocca
Voix et guitare ténor : Cesare Basile
Album : Un mistero di sogni avverati [2015]
Dino Campana |
Le
poète Dino Campana, né le 20 août 1885 à Marradi, en Toscane
romagnole, aurait été fou, dit-on. Comme il y a maintenant beaucoup
de biographies de ce grand poète, philologiquement correctes ou
romancées (ainsi que des films et des scénarios), je n’en
ajouterai certainement pas une autre, je ne parlerai pas de son
célèbre et grand amour avec Sibilla Aleramo et ça se terminera que
je ne dirai même pas qu’il est mort, vraiment là à l’asile, le
1er mars 1932 à Castelpulci près de Lastra a Signa, à
deux pas de la villa (appartenant au ténor Enrico Caruso), qui vit
beaucoup de sa relation avec Sibilla Aleramo.
Dino
Campana est enterré à deux pas de là, presque comme un empereur,
dans la médiévale et magnifique Badia a Settimo. Je l’ai vue par
hasard, une nuit d’Halloween lointaine, quand je suis entré à
l’intérieur de l’asile de Castelpulci (alors encore dans un état
d’abandon sinistre, avant sa reconversion en quelque chose lié aux
institutions juridiques universitaires européennes ou quelque chose
comme ça, choses qui ne m’intéressent pas) avec une bande
d’enfants qui grouillent à la recherche de babioles sans valeur
(et le lieu les y incite vraiment, je le garantis).
Dino
Campana, un grand poète, avait certainement un énorme malaise
existentiel en lui ; mais qui n’en a pas ? Seulement, il
n’est pas donné tout le monde d’être Dino Campana, avec tout ce
que cela implique. Pendant longtemps, il est resté, sinon inconnu,
au moins méconnu. Je m’étais toujours demandé pourquoi – par
exemple à Florence – un poète « patriotique » comme
Aleardo Aleardi s’était vu consacrer une grande avenue, alors que
Dino Campana s’était vu réserver un cul-de-sac insignifiant à
côté du Centre technique fédéral du Ballon, à Coverciano ;
puis j’ai lu quelques critiques assez pompeuses, même dans ma
grande et bien faite édition Oscar Mondadori, des « Canti
Orfici », que j’avais achetéE à quinze ou seize ans. Une
affaire de garçon, parce que Dino Campana est un de ces poètes qui
vont droit au cœur des garçons, surtout s’ils sont difficiles et
seuls, c’est-à-dire des garçons. Comme le garçon Rimbaud &
d’autres, ou comme le garçon Massimiliano Larocca,
auteur-compositeur-interprète florentin qui, semble-t-il, à l’âge
de dix-neuf ans, il y a quelques années, a commencé à chanter
précisément en mettant en musique certains des Canti Orfici (Chants
Orphiques) de Dino Campana.
Contrairement
à d’autres pays (je pense à la France, je pense à la Grèce),
qui ont une grande tradition de poésie mise en musique par des gars
(comme le gars Brassens, comme le gars Theodorakis), l’Italie des
poètes en musique en a toujours produit peu. Sans parler d’un gars
de Rifredi, un quartier populaire et prolétarien de Florence, qui
commence à être auteur-compositeur-interprète en choisissant les
Canti Orfici de Dino Campana, des chansonnettes vulgaires qui
longtemps, n’ont pas été reconnues par la littérature italienne
du XXe siècle, parmi les plus grandes choses produites
par un pauvre homme qui a connu une vie étrange, pénible, presque
toujours de merde et qui est mort dans la maison de fous. Ce garçon
de Rifredi, cependant, s’est avéré être absolument récidiviste.
Non seulement dans la suite de sa carrière, entre les retours de
passions et de beaux étés, il a toujours continué à chanter et à
transporter Dino Campana (une fois, il y a des années, même dans la
villa d’Enrico Caruso à Lastra a Signa, j’y étais aussi et je
peux en témoigner) ; l’année dernière, il est revenu à
Dino Campana en beauté avec Nada, Riccardo Tesi, Cesare Basile et
autres. Il a repris certaines de ses premières choses
« campanianes » et en a mis d’autres en musique.
Massimiliano Larocca est un peu plus âgé maintenant, il a toujours
sa belle et chaleureuse voix (Il faut l’entendre pour le croire) et
il porte régulièrement sa fameuse veste sombre, laquelle si Leonard
Cohen la voyait, réactualiserait certainement le célèbre
imperméable bleu. Et Dino, Dino Campana, est toujours là. Des
choses de gars, en fait. Des histoires de fous.
Vous
me pardonnerez si, en conclusion, j’utilise un instant les fameuses
biographies dont, au début, j’ai dit que je ne voulais pas les
répercuter ici. Après que personne n’ait voulu qu’il imprime et
publie les Canti Orfici, et après avoir vu perdre le manuscrit par
Ardengo Soffici, à qui il l’avait confié (il a dû le réécrire
de mémoire), Dino Campana a imprimé et publié le livre à ses
frais et a commencé à le vendre à Piazza Vittorio, à Florence,
aux gens qui passaient. On était en 1914, des roulements de tambours
et des sonneries de guerre, l’Italie patriote et nationaliste,
tricolore et ainsi de suite. Les biographies, toujours elles, disent
que, dégoûté par tout ça, Dino Campana dédia le livre à
« Guillaume II, Empereur d’Allemagne ». Il ne
recherchait pas la paix et ne supportait pas la guerre, le Campana de
Marradi ; même si la « Poesia Facile » (Poésie
Facile) remonte à 1928, les Canti Orfici (Chants Orphiques), son
œuvre unique et éternelle, ne finit jamais et, peut-être, ne sont
pas encore achevés à présent. Et il faut dire, certes, que cette
phrase, le premier vers de ce poème, est généralement comprise
comme un résumé précis de sa vie, des revers et des ruines d’un
esprit, d’un « combat intérieur » sans solution.
Il
n’y a pas, en
somme,
de référence directe au sujet principal de ce site, à son
« topos »,
même s’il
m’a plu
de penser qu’il pourrait très bien fonctionner comme une sorte de
slogan de synthèse (les voies de la poésie sont infinies).
Au final, cette « POÉSIE
FACILE »,
si elle doit aller quelque part, a été mise dans le « parcours »
des
asiles, bah. L’arbitraire ?
Vous pouvez le penser, sans aucun doute. Bref, c’est aussi un
« Mistero
di sogni avverati
– Mystère
des rêves AVÉRÉS »,
comme s’intitule
l’album de Massimiliano Larocca. Par exemple, je rêve parfois
d’être passé, vers 1914, Piazza Vittorio et d’avoir acheté un
exemplaire original de Canti Orfici à un jeune homme qui était
clairement à
moitié retardé,
ce qui, actuellement,
aurait fait de moi un millionnaire. Rien
à faire. Néanmoins, je voudrais souscrire à ce vers de Campana :
« Je ne cherche pas
la
paix, je
ne supporte pas la
guerre ». Ça me représente : moi, toi, toi, nous, toi,
lui, eux. Salutations. [RV]
Je
ne cherche pas la paix,
je ne supporte pas la guerre
Tranquille
et seul, je
vas par le monde en rêve
Plein
de chansons suffoquées. J’aspire
Au
brouillard et au silence
dans un grand port.
En
un grand port plein de voiles légères
Prêtes
à appareiller pour l’horizon azur
Ondulant
doucement, tandis que le murmure
Du
vent en de brefs accords s’étire.
Et
ces accords que le vent emporte
Loin
au-dessus de la mer comme morte.
Je
rêve. Je
suis seul et ma vie est triste.
Ou
quand ou quand en
un matin brûlant
Mon
âme s’éveillera au soleil, dans
Ce
soleil éternel, libre et tremblant.
Et
ces accords que le vent emporte
Loin
au-dessus de la mer comme morte.
Je
rêve.
Je
suis seul et
ma vie est triste.
Ou quand ou quand en un matin brûlant
Mon
âme s’éveillera au soleil, dans
Ce
soleil éternel, libre et tremblant.
Je
ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je
ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je
ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je
ne cherche pas la paix, je ne supporte pas la guerre.
Je
ne cherche pas la paix.
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