mardi 6 mars 2018

LA CHANSON DE LA PRISON


LA CHANSON DE LA PRISON

Version française – LA CHANSON DE LA PRISON – Marco Valdo M.I. – 2018
d’après la version italienne LA CANZONE DEL CARCERE de Aytekinkaankurtul in Letteratura turca
d’une chanson turque – Hapishane Şarkısı V (ya da Aldırma Gönül)Sabahattin Ali – 1933

Poème de Sabahattin Ali (1907-1948), écrivain, poète et journaliste turc.
Mis en musique dans les années 70 par Kerem Güney (1939-2012), important musicien et auteur-compositeur, et ensuite interprétée de très nombreux artistes.






Sabahattin Ali fut avant tout un enseignant. Il enseignait la langue allemande, car comme jeune et brillant licencié, il avait obtenu une bourse d’études en Allemagne. Mais à son retour en Turquie, il fut surveillé par la police politique du régime d’Atatürk et en 1933, il fut arrêté et emprisonné. C’est à cette période que ce poème se réfère. Ils le libérèrent à condition qu’il jure et célèbre en vers fidélité au président. Il le fit, mais ce n’était pas fini. Ses vers et ses mots continuaient à ne pas convaincre les sbires du pouvoir. Ils l’emprisonnèrent de nouveau en 1944. Et en 1948, ils l’assassinèrent, dans des circonstances jamais éclaircies.



Dialogue maïeutique

Salut à toi, Lucien l’âne mon ami, je me demandais justement comment tu allais et où tu traînais tes sabots d’ébène. Je vois d’ailleurs que tu as fait une balade dans un petit chemin de boue argileuse de couleur orangée, me semble-t-il.

Salut, Marco Valdo M.I. mon ami, tu as raison, après tous ces jours où on traînait derrière soi un manteau de brouillard glacé, ça fait du bien et donc, je reviens à l’instant d’une petite promenade au soleil et comme tu l’as deviné dans un chemin boueux de couleur orangée. Je me demande comment tu l’as su si exactement.

Oh, Lucien l’âne mon ami, c’est fort simple : tes sabots d’ébène étaient tout crottés de poussière orangée.

Soit, Marco Valdo M.I., je sais que, vu mes origines, j’ai des sabots d’Hellène et d’Asie Mineure et ça tombe bien, dirait-on, vu que ta nouvelle version française est celle d’une chanson turque. Laisse-moi te dire d’abord, foi d’âne, que la Turquie, enfin, ce qui est aujourd’hui la Turquie, a toujours été un territoire situé au centre de bouleversements importants qui ont marqué ce côté-ci du monde depuis la plus haute Antiquité. Dis-moi, je t’en prie ce dont il s’agit.

En fait, Lucien l’âne mon ami, dans cette chanson, l’auteur Ali Sabahattin et le personnage qui chante la chanson, sont une seule et même personne. Pour faire court, Ali Sabahattin s’est retrouvé emprisonné en raison de ses écrits, jugés dérangeants pour le régime turc – ils le sont toujours, d’ailleurs. C’était un jeune professeur d’allemand dans divers lycées turcs. À ce sujet il faut avoir à l’esprit que l’allemand a toujours été prisé comme langue étrangère chez les Turcs ; et plus encore lors des cinquante dernières années ; à l’heure actuelle, il y a environ trois millions de Turcs en Allemagne. Donc, ce jeune professeur d’allemand avait étudié à Berlin au temps de la République de Weimar, moment où Berlin était en pleine ébullition et couvait de grandes expériences culturelles ; Berlin s’ouvrait au monde magnifiquement ; c’était juste avant d’être étouffée par un nationalisme obtus. Le jeune professeur ramena au pays d’Atark, les espoirs de la démocratie allemande et il y fit écho. Mal lui en a pris. On le mit en prison dès 1933 ; il connaissait à distance le destin de ses collègues écrivains, poètes, artistes et journalistes allemands. Ils partageaient sans doute une même vision du monde, peu appréciée des gens du pouvoir ; pire, ils entendaient la répandre.

Dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, as-tu quelque idée à propos de l’orientation fondamentale d’Ali Sabahattin ?

Comme bien des gens, Lucien l’âne mon ami, au cours de sa vie, il connut diverses évolutions ; il évolua notamment de positions assez nationalistes vers un abandon, puis une opposition au nationalisme. Et comme tu le sais sans doute, être contre le nationalisme en Turquie du temps d’Atatürk ou de ses successeurs est une position risquée. Mais la ligne essentielle qu’on pourrait retenir, c’est qu’il avait une certaine aversion pour les régimes à parti unique et que dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres, il démontra toujours qu’il était du côté des pauvres ; c’est du moins ce qu’on peut retirer des écrits et des récits qu’il publia au long de sa vie (voir notamment :

Et maintenant, demande Lucien l’âne, qu’en est-il de la situation en Turquie ?

À présent, Lucien l’âne mon ami, en Turquie, les choses ne sont pas meilleures et comme le dit Filiz, la fille d’Ali dans une récente interview à la BBC (http://www.bbc.com/news/magazine-36213246 : The mysterious woman who inspired a bestselling novel By Emma Jane Kirby BBC News, Istanbul – 8 mai 2016), c’est probablement, pire encore ; nous sommes deux ans plus tard et la situation s’est encore aggravée. Ainsi, Ali Sabahattin, s’il vivait encore, si donc, il n’avait pas déjà été assassiné en 1948, il serait en prison ou aurait déjà été assassiné.
Pourtant, sa voix, ses poèmes, ses écrits, ses chansons, son roman (« La Femme au manteau de fourrure ») connaissent en Turquie un fort regain de popularité. Ils véhiculent un parfum de résistance, une odeur de liberté. Les textes des écrivains authentiques, surtout s’ils ont été persécutés, emprisonnés ou tués, sont comme toujours dans les périodes d’obscurantisme, des lectures libératrices et des facteurs de résistance. Il est donc utile et important pour les gens de Turquie que de tels textes trouvent également écho par-delà les frontières.

Bien évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, et c’est à quoi s’emploient les Chansons Contre la Guerre. Quant à nous, dans notre rôle de relais en langue française, nous menons notre tâche, aussi limitée soit-elle, avec obstination et nous tissons le linceul de ce vieux monde peuplé de présidents, de dictateurs, de dictatures, de potentats, de sbires et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Ne jamais se soumettre !
Sois fort, ô mon cœur !
Qu’ils ne t’entendent pas pleurer.
Sois fort, ô mon cœur !

Quand les rafales en fureur
Ébranlent les murs sombres,
Écoute et continue à combattre !
Sois fort, ô mon cœur !

Même si on ne voit pas la mer,
Jamais on ne la perd.
Le ciel est de la même couleur,
Sois fort, ô mon cœur !

Quand les souvenirs t’infestent,
Jure, en regardant l’abysse !
Pense à des avenirs meilleurs
Sois fort, ô mon cœur !

jeudi 1 mars 2018

NEIGE À PÂQUES !


NEIGE À PÂQUES !



Version française – NEIGE À PÂQUES ! – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson allemande – Schnee zu OsternCochise – 1984




Dialogue maïeutique



Lors donc, Lucien l’âne mon ami, sans être vraiment à Pâques, nous avons la neige et d’ailleurs, Pâques ne devrait plus tarder. Ça dépend de la Lune, paraît-il.

Oh, dit Lucien l’âne, moi, je m’en fous. Cette histoire de Lune, c’est complètement farfelu ; pour moi qu’elle soit pleine ou vide, ça me laisse froid. Qu’elle tombe quand elle veut, ce qui m’importe vraiment, c’est que Pâques ou non, c’est de savoir quand vient le printemps et ça c’est simple, c’est le 21 mars et tous les ans, encore bien. Le printemps, c’est du solide, Pâques, c’est du nébuleux. Donc, comme Pâques dépend de la Lune après la venue du printemps, ni l’un ni l’autre conséquemment, ne devraient plus tarder exagérément, même si d’ici là, on a encore droit à un peu et pourquoi pas, beaucoup de neige. Il faut dire que comme son ami le gel, elle se faisait rare ces dernières années. Les jours s’allongent et c’est l’essentiel. Cependant, avec toutes considérations météorologiques, on s’égare et on ne sait toujours rien de la chanson.

Pas tout à fait, Lucien l’âne mon ami, car nous avons ainsi dit tout ce qu’on pouvait dire du titre. Maintenant, la chanson raconte un voyage de 4 jours qui traverse l’Allemagne (celle des années 80) et en fait un portrait en 4 tableaux, tous aussi sinistre l’un que l’autre : premier tableau :un dernier coup d’œil à un passé sur lequel il vaut mieux ne pas revenir ; un deuxième tableau : une percée rapide par autoroute d’un pays en voie de décomposition ; un troisième tableau : le passage dans une réserve qui semble être l’antichambre de la mort et un quatrième tableau final, où les voyageurs s’effondrent, asphyxiés.

Quelle terrible vision que celle-là, conclut Lucien l’âne. C’était il y a longtemps déjà ; que diraient-ils aujourd’hui ? En attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde irrespirable, irritable, autodestructeur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le premier jour de ce voyage
M’a conduit dans le passé
Avec des peintures, des images
Et des visages de trépassés ;
Signes de l’oubli :
Le froid, l’orage
Et la pluie pleine d’ennui.
J’ai jeté un dernier regard
Aux vestiges d’un temps disparu
Et depuis longtemps révolu ;
Je savais que plus jamais
Je ne reviendrais !

Le deuxième jour,
C’était comme toujours,
Partout, la saleté et le ciment
Et des gaz d’échappement
Sur l’autoroute, ma nouvelle patrie.
Pas de regard en arrière
Et sur ce ruban infini foncer au travers
D’un pays à l’agonie
Qui creuse lui-même sa propre tombe
Sur des fleuves morts et des forêts mortes
Où l’odeur de décomposition du présent
Règne depuis longtemps !

Neige à Pâques !
Neige à Pâques !
Les chars traversent un village ;
Sur le bas-côté, les enfants saluent ;
Les maisons tremblent ;
Neige à Pâques !
Neige à Pâques !

Le troisième jour nous mena
Au sein de la réserve,
Un lieu où on croit
Que le monde est encore en bon état.
Nous flottions sur l’eau et vivions le rêve –
Une idylle, qui depuis longtemps n’est plus là.
Des buses tournoient entre les arbres et les cieux,
Un héron solitaire attend,
Nous respirons au rythme
Facile du temps.
L’éternité commence
À ce moment !

Le quatrième jour sur le béton
De la piste de décollage des avions,
Avec dans les mains, les pierres de l’impuissance,
Une forêt ravagée, un pays déchiré
Avec sur le mur, un avis de recherche.
Le soleil a chauffé,
Les yeux brûlés par le gaz toxique.
L’air était trop dur à respirer ;
Sur notre chemin pour rentrer
Planait un brouillard caustique,
Nous sommes tombés
Dans l’herbe, épuisés.

Neige à Pâques !
Neige à Pâques !
Le Mur, canon à eau derrière ;
Gaz lacrymogène : les enfants pleurent ;
Les arbres tremblent ;
Neige à Pâques !
Neige à Pâques !




mardi 27 février 2018

LA TERRE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ AINSI


LA TERRE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ 

AINSI

Version française – LA TERRE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ AINSI – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson allemande – Die Erde war nicht immer soCochise1984







Dialogue maïeutique


Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, que la Terre n’a pas toujours été ainsi. Cela dit, je me demande ce que cette canzone peut raconter avec un titre pareil.

D’accord, Lucien l’âne mon ami, ce titre étrange est assez énigmatique et on peut en tirer grand-chose ou alors, au contraire, on peut en tirer tout ce qu’on voudra. Cependant, en dépit de ce titre ambigu, c’est une canzone fort intéressante et en quelque sorte, prophétique, sans pour autant invoquer des entités absurdes, évoquer des voix d’outre-tombes ou des prêches du néant.

Oh, dit Lucien l’âne en riant, il y a là comme un écho à la Ballade des Pendus de François Villon  du moins pour le ton et qui dirait « 
Frères humains, qui après nous vivez
 », mais je te l’accorde et il faut le souligner, sans qu’il s’y trouve nulle référence aux jingles religieux de l’ancien temps, lesquels étaient des incantations obligées par la pesante atmosphère de bigoterie qu’imposait les Églises. Ce qui prouve, en effet, que les temps ont changé et pour cela au moins, en bien.

Certes, dit Marco Valdo M.I., cependant, l’essentiel est que cette canzone est à la fois, liée à l’époque et au lieu où elle fut élaborée – l’Allemagne des années 1980 et qu’en même temps, elle transcende le temps où elle fut conçue. Elle est tout imprégnée de la confrontation qui se joue aux marches allemandes, ce qui fait en partie la force de sa voix, mais aussi, elle passe par-dessus le temps et chante sur un tempo millénariste, qui rappelle certaines ballades anciennes et qui curieusement a des accents futuristes.

De fait, dit Lucien l’âne, cette vision d’un futur dramatique, on la rencontre depuis longtemps. Elle traverse – et à mon sens, à juste titre – toute l’histoire humaine au cours de laquelle comme on le sait, la guerre n’a jamais cessé. C’est d’ailleurs le sens de la Guerre de Cent Mille Ans. Quant à moi, je trouve quelque peu excessif le pessimisme qu’elle dévoile et cette fin apocalyptique qu’elle envisage. Cependant, on ne peut véritablement trancher à ce sujet. Par ailleurs, en ce qui concerne la Terre, elle voit juste :
« Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi. »

et quoi qu’il arrive aux humains – y compris la disparition définitive de la race et au-delà de la vie organique, la Terre continuera son chemin avec une sorte d’ataraxie indifférente au destin de l’espèce. Dès lors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde agité, absurde, avide, ambitieux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Qui que vous soyez,
Où que vous viviez,
Voyez, la mort plane
Sur nous depuis longtemps,
Brûle les masques
Et montre le visage effrayant
De la prochaine guerre
À laquelle on ne pourra survivre.

Alors, il ne restera
de notre histoire
Ni chanson, ni espoir,
Seule subsistera
Une planète en ruines
Qui tournera
Autour du soleil, solitaire et morte,
À perpétuer notre mémoire.

Ceux qui parlent avec les plantes,
Ceux qui avec les animaux chantent
Le disent depuis longtemps
Les temps changent,
Bientôt, ce sera fini.
La Terre n’a pas toujours été ainsi.

Qui que ce soit, chaque humain
Qu’il soit blanc ou rouge,
Noir ou jaune,
Chacun a besoin de pain,
D’eau et d’air
Et de place pour les enfants,
Et sur la tête, un toit rassurant
Et de chaleur en hiver.

Et de paix, d’amour et d’amitié
Et d’avenir et de liberté.
Et d’une vie dans l’unité
Avec la Terre mère,
Avec nos frères,
Avec les plantes et les bêtes.
Dans le cycle infini
De la vie, tout s’accordera ainsi.

Ceux qui parlent avec les plantes,
Ceux qui avec les animaux chantent
Le disent depuis longtemps
Les temps changent,
Bientôt, ce sera fini.
La Terre n’a pas toujours été ainsi.

Ceux qui parlent avec les plantes,
Ceux qui avec les animaux chantent
Le disent depuis longtemps
Les temps changent,
Bientôt, ce sera fini.
La Terre n’a pas toujours été ainsi.

Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.
Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.
Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.
Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.