lundi 1 janvier 2018

QUAND TU SERAS GRAND

QUAND TU SERAS GRAND

Version française – QUAND TU SERAS GRAND – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienne – Quando sarai grandeEdoardo Bennato – 1977
Texte et musique : Edoardo Bennato



Une chanson, la fin des rêves et les fondements de l’autoritarisme

Il y eut une période, à cheval sur les années 70 et 80, où les chansons d’Edoardo Bennato étaient devenues une espèce d’hymnes pour une certaine catégorie de personnes. C’étaient les adolescents de ma génération, âgés de seize dix-sept ans qui n’avaient pas pu participer aux grands soulèvements de 68 et qui vivaient vers 1977 avec une participation un peu étrange, chancelante, de gamins. Ces chansons de Bennato étaient simples, directes, et il serait facile les critiquer maintenant ; pourtant elles avaient leur importance. Bennato chantait des choses que tout adolescent éprouve, et en particulier, la précise sensation d’être déjà une partie d’un engrenage autoritaire exprimé principalement par l’école. En ce sens, le « concept album » métaphorique Burattino senza fili Marionnette sans fils (qui est justement de 1977) est emblématique : avec la démarche typiquement bennatienne de réinterprétation des fables plus célèbres, dans ce cas, celle de Pinocchio exprime avec amertume la fin prochaine des rêves, le retour aux « bons garçons qui étudient » (et ici il a été vraiment prophétique…), l’autoritarisme qui renvoie chaque réponse à « lorsque tu seras grand » parce que la réponse qu’on aura quand on sera grand est déjà celle qui se prépare dès l’enfance : sois silencieux, fais le brave et ne pose pas tant de questions, petit con.

Je crois qu’aux garçons d’aujourd’hui, ça ne ferait pas de mal de retourner écouter un peu du vieil Edo, et de le redécouvrir. Avec ses « chansons », il disait des choses qui ne sont certainement pas passées d’actualité (et qui se sont, même, aggravées) ; il détaillait les fondements de l’autoritarisme depuis ses premières manifestations, famille et école. Il s’adressait à des garçons en se faisant portraiturer, lui, garçon dans l’âme, sous l’apparence d’un employé anonyme dans un bureau du temps passé, sans ordinateur. La fin de Pinocchio quand il devient finalement un « garçon bien » dans le macabre final édifiant que Carlo Lorenzini voulut donner à son œuvre. Il n’y a pas de grands envols pindariques dans cette chanson, mais il s’y trouve quelque chose qui, trente ans après, revient à l’esprit en une matinée quelconque ; on se demande alors ce qu’il en a été. [R.V.]


Dialogue maïeutique

Mon cher Lucien l’âne, mon ami, si je n’avais pas en tête l’une ou l’autre idée que je n’ai pas encore éclaircies, je te dirais volontiers qu’il n’y a pas grand-chose à ajouter au commentaire autobiographique de R.V., alias Riccardo Venturi, alias, alias, alias et au texte de la chanson d’Edoardo Bennato qui est on ne peut plus clair.

Mon cher Marco Valdo M.I., mon ami, qu’est-ce que c’est que tout ce charabia ? Sans doute, tu dois dire vrai et ton idée est encore dans les limbes ; car si tu l’avais déjà toute formée, il aurait été inutile d’en dire tant, tu m’aurais directement informé de cette idée qui se cache dans ta tête, telle Athéna dans celle de Zeus. En fait, j’ai comme l’impression que tu essayes de gagner du temps par de telles circonlocutions. À moins, tous comptes faits, que tu ne causes que par habitude ?

Oh, Lucien l’âne mon ami, ne m’incrimine pas. D’abord, laisse-moi te dire que si je ne causais pas par habitude, je ne causerais pas du tout et par ailleurs, la plupart des propos des humains relèvent de cette nécessaire habitude, sans laquelle l’espèce aurait depuis longtemps disparu. Cependant, je te l’accorde, je suis comme Laverdure qui disait, qui répétait même l’antienne qui le caractérise tant : « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire ». Et il n’avait pas tort ; je préfère le dire moi-même avant que tu me l’assènes. Mais nous y venons quand même, car j’aurais aimé te dire quelques mots à propos du travail considérable d’Edoardo Bennato, chanteur-auteur napolitain, qui s’est lancé (je devrais dire qui s’était, car c’était au siècle dernier – dans la seconde moitié de la seconde moité, je te le concède) dans la mise en chansons d’histoires qu’il puise dans les récits de l’un ou l’autre écrivain : son Burattino senza fili (Marionnette sans fil), chez Carlo Collodi, alias Lorenzini, qui reste à jamais auteur de l’immortel Pinocchio et son Sono solo canzonette (Ce sont seulement des chansons) chez James Matthew Barrie et son Peter Pan, tout aussi immortel. Comme il me semble me souvenir que tu l’es toi-même par la grâce de Calvino et que je devrais bien l’être moi aussi par celle d’Apulée.

C’est souvent le destin des hétéronymes, dit Lucien l’âne d’un air entendu. Ceci dit, je vois où tu veux en venir. Je songe particulièrement à cette idée qui t’est chère et que tu as développée hors proportions avec Dachau Express (Suite biographique de Joseph Porcu en 24 chansons), Les Histoires d’Allemagne (100 chansons, suite kaléidoscopique tirée du Jahrhundert de Günter Grass), Les Histoires lévianes (124 chansons suite pittoresque tirée du Quaderno a cancelli de Carlo Levi) et celles encore en construction comme celle de Till (sous la houlette de ton concitoyen Charles Decoster) ou d’Arlequin amoureux (revenu de loin sous la conduite de Jiří Šotola).

C’était bien là mon idée derrière la tête, Lucien l’âne mon ami ; tu es un véritable accoucheur d’idées. J’ajouterais qu’il ne faudrait pas oublier de mentionner par exemple Fabrizio De André et ses canzones inspirées de l’Anthologie de Spoon River. Par ailleurs, je ne suis pas spécialiste de l’histoire de la chanson ou musicologue, mais j’imagine que d’autres ont dû tenter pareilles aventures. On ne saura probablement plus le jour où la chanson sera reconnue pour ce qu’elle est un art à part entière et une des grandes dimensions de la littérature et que des « scholars » ou des chercheurs exploreront ce domaine immense, ainsi que l’atteste le labyrinthe des Chansons contre la Guerre.

Tout un programme !, dit Lucien l’âne ; il y a là de quoi occuper des facultés entières ; mais tel n’est pas notre but et telles ne sont pas nos compétences. Nous, on se contente de tisser – à notre manière : traductions, versions françaises, chansons et causerie maïeutique, c’est tout ce qu’on sait fairele linceul de ce vieux monde disciplinaire, sévère, austère, absurde et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le vide, et
Au réveil, il y a
Un monde entier
Autour de toi

Ils t’ont inscrit
À un grand jeu,
Si tu ne comprends pas,
Si tu interroges,

On te répond :
C’est trop tôt,
Quand tu seras grand,
Alors, tu sauras tout…

Tu sauras pourquoi,
Tu sauras pourquoi
Quand tu seras grand,
Tu sauras pourquoi…

Et alors tu observes
les autres qui jouent ;
C’est un jeu étrange,
Tu dois apprendre.

Tu dois rester silencieux
Seulement écouter
Tu dois lire autant de livres que tu peux,
Tu dois étudier.

Tout est écrit,
Catalogué,
Chaque secret,
Chaque péché.

Tu sauras pourquoi,
Tu sauras pourquoi
Quand tu seras grand,
Tu sauras pourquoi…




dimanche 31 décembre 2017

LE RENARD ET LE CHAT

LE RENARD ET LE CHAT

Version française : LE RENARD ET LE CHAT – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – Il gatto e la volpeEdoardo Bennato – 1977
Texte et musique : Edoardo Bennato





Il y a quarante ans, Edoardo Bennato écrivait et interprétait tout une série des chansons consacrées à « Burattino senza fili », à une Marionnette sans fil ; une série rassemblée en un album quui avait comme personnage central Pinocchio que sans doute, tu connais toi aussi.

Certes, Marco Valdo M.I. mon ami, que je connais cette histoire de Pinocchio. C’est celle d’une marionnette en bois qui de fil en aiguille, d’une aventure à l’autre, se met à vivre, devient un petit garçon et perdant ainsi sa nature propre s’acclimate à la société des hommes. C’est à l’évidence une parabole de la socialisation et de la normalisation des petits humains. En gros, elle raconte le passage de l’enfance à l’âge adulte.

En effet, c’est bien cette histoire-là, Lucien l’âne mon ami. Mais, cette fois, Pinocchio est sorti de l’histoire du livre de Collodi pour se plonger dans le monde contemporain. Du coup, cette Marionnette sans fil devient une fable métaphorique, polysémique et polyscénique. Elle se passe dans le réel et la Marionnette est confrontée au pouvoir qu’il soit économique, politique, culturel ou religieux. C’est de cette rencontre que se nourrit le récit.

Oui, dit Lucien l’âne, Le Renard et le Chat dans tout ça ?

Le Renard et le Chat est une des chansons de cette fable en musique. Avant d’aller plus avant et que tu me le fasses remarquer, je te signale que c’est volontairement que dans le titre en français, j’ai inversé les deux personnages :
– titre italien : Il gatto e la volpe ;
titre français : Le renard et le chat.

Et pourquoi ça ? Je me le demande bien, dit Lucien l’âne.

Tout simplement pour ceci que, Lucien l’âne mon ami, c’est le renard qui parle dans la chanson, c’est lui qui la voix mielleuse qu’on y entend tout au long.Il me paraissait donc logique de lui rendre sa place.
Cela dit, cette fable en chanson du renard et du chat montre spécifiquement le jeu du pouvoir, c’est-à-dire cette forme d’oppression et de domination, qui est le fondement de la Guerre de Cent Mille Ans, dans le domaine particulier de l’industrie culturelle du spectacle, peu importe le média considéré. Elle montre comment on attire dans le piège du contrat celui qu’on veut exploiter.
Dans sa version Edoardo Bennato, qui lui-même évidemment directement concerné par ce jeu de pouvoir en tant qu’artiste, la situe dans le show-bizzenesse, dans l’univers du spectacle musical, mais c’est tout aussi vrai pour le cinéma, domaine où la situe la version française. Dans tous les cas, la règle fondamentale est la même : bizzenesse is bizzenesse et tout est bon pour faire du « cash », de la monnaie, y compris gruger les autres et tirer profit de leur ignorance.

Oh, dit Lucien l’âne, je vois de quoi il est question, dit Lucien l’âne. Edoardo Bennato a bien raison de révéler de telles pratiques. Quant à nous, tissons à notre tour le linceul de ce vieux monde escroc, profiteur, cupide et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Quelle hâte, mais où tu cours, où tu vas ?
Si tu nous écoutes un instant, tu comprendras,
Moi, je suis le renard, lui, c’est le chat ; nous,
Nous sommes en société, tu peux te fier à nous.

Tu peux nous parler de tes ennuis, de tes problèmes,
Nous sommes les meilleurs dans ce domaine.
C’est une maison spécialisée, crois-moi,
Tu signes un contrat et tu verras,
Tu ne t’en repentiras pas.

Nous découvrons des talents, nous ne nous trompons jamais ;
Nous saurons exploiter tes qualités.
Donne-nous seulement une avance
Et nous t’inscrivons à la course
Pour la célébrité.

C’est une vraie affaire, crois-moi !
Il ne faut pas perdre cette occasion-là,
Sinon ensuite tu t’en repentiras.
Ça n’arrive pas tout le temps
D’avoir deux consultants,
Deux entrepreneurs compétents
Qui se mettent en quatre pour toi… !

En avant, ne perdons pas de temps, signe là ;
C’est légal, une formalité, un contrat,
Tu nous cèdes tous les droits
Et nous ferons de toi
Une star de cinéma.

Quelle hâte, mais où tu cours, où tu vas ?
Quelle chance, tu as !
Si tu nous écoutes un instant, tu comprendras,
Moi, je suis le renard, lui, c’est le chat, Nous,
Nous sommes en société, tu peux te fier à nous.
Tu peux te fier à nous,

Tu peux te fier à nous !

vendredi 22 décembre 2017

ATTENTION, COLONEL !

ATTENTION, COLONEL !
Version françaiseATTENTION, COLONEL !Marco Valdo M.I.2017
Chanson italienne – Attento, Colonnello! Dario Fo – 1973
Texte et musique : Dario Fo




Ces derniers temps, souviens-toi Lucien l’âne mon ami, on avait rencontré deux chansons qui mettaient en scène un colonel. Enfin, ce n’était pas à chaque fois le même colonel, mais – disons-le ainsi – la figure, la silhouette, le personnage du colonel nous était apparu.

Pour sûr que je m’en rappelle, rétorque Lucien l’âne en riant. Il y avait La Chanson du Colonel et La Chanson du Colonel (et du régiment au couvent), qui m’avait bien fait rire.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, j’en ai trouvé une encore, mais en italien, cette fois. J’en ai donc établi une version française. Le titre italien « Attento, Colonnello  ! » est facile à comprendre ; il signifie « Attention, colonel  ! » ; elle a cependant une caractéristique un peu particulière, que je m’en vais t’expliquer. Il te souviendra que La Chanson du Colonel (et du régiment au couvent), qui t’a tant faire rire, était tirée d’une opérette du XIXième siècle – La Femme à Papa, un titre qui donne à comprendre le genre léger auquel elle se rattache ; un genre d’autant plus prisé en ce temps-là du fait qu’il n’y avait pas encore de comédies musicales ou de films du même genre que l’on peut voir à présent.

En effet, dit Lucien l’âne ; mais encore.

Celle-ci – « Attento, colonnello ! » – est tirée d’un spectacle de Dario Fo, intitulé Guerra di popolo in Cile – Guerre du peuple au Chili ; spectacle qui date de 1973, année historique pur le Chili, où une révolution (relativement) tranquille était en cours et donnait les plus grandes espérances au peuple, jusqu’au moment – le 11 septembre où tout fut détruit par un coup d’État militaire. La suite fut sanglante et Pinochet s’installa au pouvoir dans le feu et dans le sang.
Ce qui m’amène à parler du spectacle théâtral pratiqué par Dario Fo, genre également pratiqué au Chili, qui s’inscrit dans une lignée, une forme de spectacle et de théâtre révolutionnaire qui s’est développé à partir du début du XXième siècle, spécialement en Allemagne et en Russie. Après la deuxième Guerre, il s’est développé sous le nom de théâtre populaire. En Italie, il se développa notamment à Milan avec Giorgio Strelher et Dario Fo.

Ho, Marco Valdo M.I. mon ami, ce n’est pas l’heure, ni le lieu de faire un cours sur le théâtre populaire. Ici, il est surtout question de chanson.

Tu as raison, Lucien l’âne mon ami, je me laissais encore entraîner par mon indécrottable habitude de la digression. Que le grand Sterne, nous en préserve  ! Donc, la chanson Attento, colonnello  ! ; j’y viens dans sa liaison avec le théâtre, car son auteur et son interprète est principalement un homme de théâtre, de théâtre-action, de théâtre « engagé », d’un théâtre qui une volonté d’expression politique ; un théâtre qui a rompu avec le modèle classique – tant dan son contenu, que dans sa forme, que dans ses instruments – dont la chanson. C’est un spectacle qui se place volontiers dans la perspective de la Guerre de Cent Mille Ans et qui dans cet affrontement se situe délibérément du côté des pauvres. En ce sens, ce théâtre et la chanson qu’il porte en lui sont des armes.

Je comprends bien tout ça, Marco Valdo M.I. mon ami, d’autant qu’il m’est arrivé d’en voir et même d’y figurer. Ainsi, le spectacle, la chanson comme instrument de spectacle et comme armes, l’image est exacte. Quant à nous, trêve de considérations, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde militaire, guerrier, oppresseur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Attention à vous, Colonel !
Et ne venez pas vous lamenter
De m’avoir appris à tirer : pan pan !
Vous m’avez enseigné ce qu’est un obturateur,
Comment on met un chargeur,
Comment faire pan pan !

Attention à vous, Colonel !
Vous me dites de tirer
Sur l’ennemi et de le tuer,
Mais qui est l’ennemi pour un prolétaire,
Vous avez oublié de le préciser.

Attention à vous, Colonel !
Vous me dites de tirer,
D’apprendre à tirer, vous m’avez enseigné
Ce qu’est un obturateur,
Comment on met un chargeur,
Et à faire pan ! pan ! Boum
Et badababoum !

Attention à vous, Colonel !
Vous devriez étudier davantage
Étudier l’histoire, apprendre par cœur
Ce qui s’est passé en ’19 à Turin
Et à Milan, quand les ouvriers ont pris les usines
Le fusil à la main,
Et que vous avez envoyé les soldats
Avec l’ordre d’arrêter les ouvriers,
Et qu’au contraire, les soldats aux ouvriers se sont unis,
Ils ont distribué les fusils
Et contre les carabiniers et les fascistes, ils ont tiré.

Attention à vous, Colonel !
Qui lors de la révolution bolchevique a tiré
Vous n’aurez pas de peine à le deviner
Et lors de la révolution rouge des Chinois
Qui a tiré contre les troupes des bourgeois.
C’étaient des paysans, c’étaient des prolétaires
Qui avaient servi comme militaires
Dans l’armée régulière.

Attention à vous ! Colonel !
Il vous faut étudier davantage
Et ne pas vous lamenter
De m’avoir fait apprendre à tirer.
Attention à vous ! Badababoum !

Boum !

jeudi 21 décembre 2017

GIORDANO

GIORDANO


Version française – GIORDANO – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienneGiordanoFranco Fosca2006-2007


Nous le vengerons en chantant son nom
Et en lui portant une fleur.



Dialogue maïeutique

Lucien l’âne mon ami, est-ce que le Campo dei Fiori, le champ des fleurs te dit quelque chose ?

Évidemment, Marco Valdo M.I mon ami, il évoque pour moi la terrible fin du philosophe Giordano Bruno, il évoque pour moi toute l’odieuse conduite de l’Église catholique, qui par obscurantisme, le fit monter sur le bûcher précisément au milieu de ce Champ de fleurs.

Et c’est très exactement ça que raconte la chanson, reprend Marco Valdo M.I. ; cependant, il y a une autre considération qui s’en dégage et qui concerne la situation actuelle des athées dans l’Italie d’aujourd’hui et par ricochet, dans le monde contemporain où, malheureusement pour l’humanité, il y a encore des religions et des religieux.

Mais quand même, Marco Valdo M.I. mon ami, il n’y a plus de bûchers en Italie et on n’y torture plus sur les places publiques les athées et les sorcières jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Certes, Lucien l’âne mon ami, c’est vrai pour ce qui concerne l’Italie, mais ailleurs dans le monde, ces élégantes pratiques des religieux persistent. Certes donc, on ne tue plus ainsi les athées et les sorcières, les mécréants, les incroyants, mais on les étouffe, on les ostracise dans la vie sociale et dès l’enfance. Même si, par exemple, l’Italie est – selon sa constitution – une république laïque, concrètement, elle est inféodée à l’Église catholique et à l’État étranger du Vatican. Ainsi, des milliards d’Euros sont détournés chaque année au profit de l’Église catholique ; ainsi, l’enseignement de la religion catholique dans les écoles publiques et l’immense réseau d’enseignement catholique sont financés par l’argent public. Quant à vilipender les athées, à organiser une propagande permanente et omniprésente pour cette Église, tous les médias s’y plient. On y chante les louanges du Tout-Puissant et on invente l’origine européenne de racines chrétiennes au pays des Étrusques et des Romains, alors que de toute évidence, l’origine de la chrétienté est en Asie mineure, dans ce qu’on appelle à présent le Moyen-Orient et qu’elle fut importée et imposée aux populations européennes. Bref, ces histoires de racines chrétiennes sont des fariboles élevées en Vérités d’État.

Oh, dit Lucien l’âne, il en va des Vérités d’État comme de la Raison d’État ; elles servent à camoufler le Mensonge d’État. Le but de toute cette histoire est clair quand on prend la peine de l’examiner dans le cadre de la Guerre de Cent Mille Ans ; il s’agit de maintenir et de développer le contrôle que les riches et les puissants font peser sur l’ensemble de la société. Alors, reprenons notre tâche et tissons le suaire de ce vieux monde croyant, crédule, assassin et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Au Campo dei Fiori, il y a un homme dans le feu,
Un homme qui brûle et qui reste muet.
Les gens qui passent s’arrêtent un peu :
Un verre de vin, un salut discret.
Au Campo dei Fiori, la blessure brûle encore
Après quatre siècles de sang sombre,
Il y a toujours cette ombre,
Vêtue seulement de feu et de flammes.

Au Campo dei Fiori, il y a un homme dans le feu,
Un homme qui brûle et ne dit pas une parole.
Les gens qui passent s’arrêtent un peu :
Un verre de bière et ainsi se réconfortent.
Au Campo dei Fiori, quand vient la pénombre,
Quelqu’un chante une chanson
Et par-dessus les toits de Rome, une lune sereine
Psalmodie son nom.

Au Campo dei Fiori, il y a un homme dans le feu,
Qui connut la fin de l’agneau braisé.
Les gens qui passent s’arrêtent un peu :
Un verre de vin et passent.
Au Campo dei Fiori, cette ombre reste
Toute seule à brûler sur son bûcher.
Nous allons la remémorer, nous allons la célébrer
Par le fer et par le feu.


Au Campo dei Fiori, il y a un homme dans le feu,
Un homme qui brûle et ne nous tient pas rigueur.
Les gens qui passent s’arrêtent un peu :
Un verre de bière et repartent heureux.
Au Campo dei Fiori, de saison en saison,
Il y a un homme qui sur ce bûcher meurt.
Nous le vengerons en chantant son nom
Et en lui portant une fleur.

lundi 18 décembre 2017

À cause des habits

À cause des habits

Chanson française – À cause des habits – Pierre Tisserand – 1974






À cause des habits, mon ami Lucien l’âne, est une chanson antimilitariste. En fait, elle est basée sur une paraphrase militaire qui inverse le dicton « L’habit ne fait pas le moine ». Elle postule que donc, assurément, l’uniforme fait le militaire. L’uniforme, ah ! L’uniforme ! Un bel objet l’uniforme et fort pratique, il permet au militaire de se distinguer du civil et même des militaires du camp adverse. C’est pratique et très utilitaire ce genre d’habits, qui habille de façon uniforme tous ceux du même camp. Un peu comme au football, en quelque sorte.

Oh, dit Lucien l’âne, je vois de quoi il s’agit. Mais n’est-ce pas un peu monotone tous ces gens vêtus pareil ?

Sans doute que si, Lucien l’âne mon ami, mais comme je te l’ai dit, il s’agit surtout de s’y reconnaître. Ça tient au but du jeu militaire qui consiste essentiellement à éliminer l’adversaire et pas ses propres militaires. Du moins en principe, car on a vu des cas où ils se sont éliminés entre eux ; je veux dire entre ceux qui portaient le même uniforme.

Oui, certes, j’en ai vu le faire aussi, Marco Valdo M.I. mon ami. Cependant, la question se pose de savoir ce qu’ils feraient s’ils n’avaient pas d’habits ? Est-ce que ça en ferait pour autant des civils ?

On pourrait croire, en effet, Lucien l’âne mon ami, que le civil naîtrait de l’uniforme ôté. C’est la logique implicite de la chanson. Ils pourraient se mettre tout nus, mais d’expérience (pré)historique, ils trouveraient quand même le moyen de se massacrer.

Effectivement, dit Lucien l’âne, j’en ai vu moi qui se battaient tout nus et ils massacraient fort bien. Les Spartiates, par exemple. Cependant, même quand ils sont tout nus, ils se dépêchent de mettre des signes distinctifs des plumes sur la tête ou ailleurs ou des peintures sur le corps, le visage. En fait, dans la guerre, c’est l’intention qui compte.

Finalement, Lucien l’âne mon ami, marques de guerre ou uniformes, habillés ou tout nus, à la guerre comme à la guerre, ce qui importe, c’est de tuer l’intrus.

Concluons ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami et reprenons notre tâche. Tissons, tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, en uniforme ou tout nu, massacreur, assassin et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






L’un ne comprenait pas
Ce qu’il foutait là ;
L’autre n’a pas compris
Ce
qu’il foutait ici.
Mais quand
ils se sont vus,
À cause des habits,
Au lieu d’être nus,
À cause des habits
Pas d
e la même couleur,
Ils pétaient de peur.
Mais quand
ils se sont vus,
À cause des habits
Au lieu d’être nus,
À cause des habits
Ils se sont tirés dessus.



Il y a une mère
Qui guette à la f
enêtre
C
elui qu’elle a fait naître,
C’est comme ça une mère :
Neuf mois dans le ventre,
Ça compte pour une mère.
Elle attend qu’il rentre,
C’est comme ça une mère :
Faut que ça espère
Malgré les cimetières.
Il y a de quoi être fier,
De quoi pavoiser,
De quoi s
e médailler,
D
e claquer les talons
Et d
e chanter allons !

L’autre a eu d
e la chance,
C
e qui s’appelle de la chance
Et veut remercier
Bien fort et bien haut
Les enfants d
e salauds
Qui l’ont envoyé
Tout là-bas au loin.
Ces enfants d
e putain,
Il les remercie
Tous ceux grâce à qui
Il lui fut permis
Au nom du pays
D’avoir de la chance,
C
e qui s’appelle de la chance,
Une sacrée chance.



L’un ne comprenait pas
Ce qu’il foutait là ;
L’autre n’a pas compris
Ce qu’il foutait ici.
Mais quand
ils se sont vus,
À cause des habits,
Au lieu d’être nus,
À cause des habits,




On s’est tirés dessus.

dimanche 17 décembre 2017

À l’Armée

À l’Armée



Chanson française – À l’Armée – Pierre Tisserand – 1973





Te souvient-il, Lucien l’âne mon ami, de ce temps où les jeunes gens (il n’était pas question d’y mêler des filles) arrivés au bel âge étaient appelés, comme on disait alors, à peupler les casernes et les rangs de l’armée.

Si je m’en souviens, dit Lucien l’âne et comment donc, quelle question ! Bien sûr que je m’en souviens ; souvent, ils avaient même l’idée saugrenue de vouloir m’y recruter aussi dans leur armée, mais à chaque fois que j’ai pu, je me suis enfui.

Aujourd’hui, dit Marco Valdo M.I., ce n’est plus pareil, depuis des années déjà, les choses vont de manière différente. Le service militaire obligatoire, autrement dit la conscription, a été aboli. Ils font des armées de soi-disant volontaires, mais comme ils les rétribuent, qu’ils leur versent un salaire, ce sont d’authentiques mercenaires. Ils sont plus chers, mais, dit-on, ces professionnels sont plus compétents et durent plus longtemps.

En temps de paix, du moins je le suppose, remarque Lucien l’âne. Je veux dire tant qu’ils ne doivent pas aller au combat, car face aux balles et aux obus, ils sont aussi fragiles que des civils.

En effet, Lucien l’âne mon ami, mais là aussi, ils sont beaucoup plus chers ; il y faut des indemnités, des pensions, des assurances et que sais-je encore ; toutes choses que ne pouvait revendiquer l’honnête troufion. Et même en temps de paix, il se pose des problèmes de carrière et de vieillissement ; arrivés à un certain âge, le fantassin, ça ne marche plus. Mais laissons ces questions d’intendance actuelles, voyons comment ç’était au temps de la chanson, du temps du service militaire vu par un jeune appelé qui arrive à l’armée en jeune homme sobre et bien élevé et qui en ressort en brute avinée.

Eh oui, dit Lucien l’âne, ça me rappelle ce qu’on disait à l’époque au jeune homme. « Quand tu iras soldat, tu verras, on te fera marcher droit et on fera un homme de toi. »

C’est cette intéressante expérience que raconte la chanson, reprend Marco valdo M.I. Au début, le brave enfant fort civil encore ne comprend rien aux mœurs des hommes des casernes et il a du mal à s’intégrer à un système fondé sur la bêtise. Ce jeune conscrit [[1301]], frère ou cousin de celui de Boris Vian, finit quand même par s’adapter à l’armée. C’est à ce moment où le temps du dressage donne tout son rendement que le service prend fin et qu’on rend ce beau militaire à sa famille et à la vie ordinaire. Sa famille, ses parents, les voisins ont quelque difficulté à le reconnaître. L’Armée l’avait définitivement déformé.

Le pire, dit Lucien l’âne, c’est que j’entends dire un peu partout que certains veulent réinstaurer un tel service et même, l’étendre aux demoiselles. Il est donc utile de répandre cette histoire chez les jeunes d’à présent avant qu’une propagande idiote (mais y en a-t-il d’autre ?) ne vienne embrumer les cerveaux et gâcher les jeunesses. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde armé, discipliné, formateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Quand je suis arrivé, ils ont été surpris,
Mais du style futés, ils ont vite compris
À voir les cheveux longs qui me couvraient la nuque
Que j’étais un pédé, une espèce d’eunuque.
Ils ne disaient pas eunuque, le mot est compliqué ;
Ils parlaient de cerises et de dénoyauter,
Ce qu’on peut appeler de riches métaphores.
Comme quoi, on rencontre encore des esprits forts
À l’armée,
À l’armée.

Quand je suis arrivé, ils ont été surpris
Que dans la vie civile, on m’ait si peu appris.
J’étais un moins que rien d’un niveau inférieur ;
La preuve, je ne savais pas saluer les supérieurs.
On m’a donc enseigné à force de nuits blanches
Que les gens supérieurs, c’est marqué sur leurs manches.
Bien sûr, c’est étonnant, on s’ demande du reste
Comment on les reconnaît, quand ils ôtent leur veste.
À l’armée,
À l’armée.


Quand je suis revenu, mes parents furent surpris
Que leur petit garçon soit ce grand malappris
Qui jurait, qui rotait, qui roulait sous la table
Et qui se conduisait comme dans une étable
Ils n’ont pas reconnu leur enfant innocent
Dans ce pantin kaki, braillard et indécent ;
Ils m’ont pas reconnu, mon Dieu, je leur pardonne ;
Ils avaient fait de moi à leur image un homme.
À l’armée,
À l’armée.