vendredi 14 avril 2017

LA BALLADE DES MORTS BLANCHES

LA BALLADE DES MORTS BLANCHES

Version française – LA BALLADE DES MORTS BLANCHES – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – La ballata delle morti bianche Uniko neurone – 2013


Lucien l’âne mon ami, sais-tu ce qu’est la mort blanche ?

Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, que je le sais. Elle a frappé aussi tant d’ânes qui étaient, comme tout le monde le sait, des bêtes de somme, de véritables esclaves, contraints, forcés au travail. La mort blanche est la mort au travail, car le travail tue et tue beaucoup.

En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est bien d’elle qu’il s’agit, même si l’expression « mort blanche » désigne d’autres choses. En premier, la mort qu’entraîne une avalanche de neige ou une tempête de neige ou plus généralement, la neige, mais aussi, les périodes de grand froid des régions polaires désertiques ; puis, aussi, plus curieusement, la « mort blanche » est un tireur d’élite finlandais qui dans les guerres contre les Russes – les batailles se déroulant dans la neige du grand nord, tout camouflé de blanc, tua plusieurs centaines d’ennemis au fusil. C’est aussi le nom du sucre en raison de ses effets terribles sur la santé – dont notamment le diabète et l’obésité. C’est aussi la mort, causée elle par des bactéries et qui frappe les bancs de coraux, qui perdent leur belle couleur orangée ou rougeâtre et deviennent tout blancs. Il est aussi question d’un roman, d’un film et que sais-je d’autre encore ? Néanmoins, dans la chanson, c’est de la mort au travail qu’il s’agit et comme tu le dis, elle tue beaucoup. Il y a le plus évident, ce sont les morts directes sur le lieu de travail suite à un accident (chute, noyade, accident de machine, collision, explosion, électrocution, effondrement, écrasement…) ou une catastrophe (incendie, éboulement, avalanche, naufrage…) et puis toutes les autres, celles qu’on n’identifie pas comme des morts résultant du travail – dépression, suicide et celles qu’on ne voit pas directement, et parmi elles, celles qui se passent en dehors des lieux et du temps de travail, mais qui résultent du travail ; on pense immédiatement à des crises cardiaques ou des choses du genre, au karoshi ou la mort par surtravail ou excès de travail ; mais il y a les plus insidieuses comme les maladies professionnelles, les effets des produits sur l’organisme (l’amiante par exemple ou le charbon ou les peintures…), les cancers dus aux émanations ou aux radiations toxiques et sans doute encore bien d’autres façons possibles de mourir au travail ou à cause du travail. Le slogan n’est pas celui libéral de l’ « Arbeit macht frei », mais celui qui dit : « Le travail tue ! ».


Que le travail tue, Marco Valdo M.I. mon ami, nous les ânes, nous le savons depuis très très longtemps et de plus, nous n’aimons pas le travail. Tout comme toi d’ailleurs, il suffit d’aller voir ta chanson « Mort au travail ! » et Monsieur de Cro-Magnon  non plus, si on en croit sa chanson où parlant de nos époques :

« Il dirait sans faire de détail
Vraiment que nos descendants sont bêtes
D’avoir inventé le travail ! »

Et, reprend Marco Valdo M.I., il aurait bien raison ; ces descendants – les vivants d’aujourd’hui vivent dans un monde idiot où l’invention du travail est à l’origine d’une guerre interminable et de ses innombrables victimes. Car, ce foutu travail est une des dimensions fondatrices de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants mènent quotidiennement aux pauvres afin de les contraindre au travail et d’en tirer mille et mille profits.

En effet, dit Lucien l’âne, alors, reprenons notre tâche (qui n’est pas un travail, ce supplice romain) et tissons le linceul de ce vieux monde maniaque, exploiteur, tueur, assassin et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je suis forcé de travailler.
Bureau ou fabrique, c’est égal.
Étranglé par les taxes, le carburant et le loyer,
Ce n’est pas la vie idéale.

Pour survivre, il me faut suer ;
Mais sans argent, on ne peut subsister.
Chaque jour, je me lève tôt
Et dégoûté, je vais au boulot.

Si je ne travaille pas, je ne peux faire l'amour ;
Mais à peine à l’usine, je suis assailli par la peur.
Pour arriver au soir, il reste huit heures
Et toutes les trois minutes, un ouvrier meurt.

Mais le patron, ça ne l’intéresse pas
Et le gouvernement il pense à quoi ?
Le syndicat ne proteste pas :
Il parle, il en parle, et il détourne la tête ;
Il parle, il en parle et il détourne la tête.

Dans mon entreprise, je ne suis pas écouté.
Les alarmes ne fonctionnent pas, tout est détraqué.
Le mois passé pour un câble dénudé,
Un collègue est mort, foudroyé.

Le patron veut que je me taise.
C’est lui qui commande, c’est lui qui menace.
Il ne veut pas dépenser pour la sécurité.
Si on dénonce, on est licencié.

Si je ne travaille pas, je ne peux faire l’amour ;
Mais à peine à l’usine, je suis assailli par la peur.
Pour arriver au soir, il reste huit heures
Et toutes les trois minutes, un ouvrier meurt.
Mais le patron, ça ne l’intéresse pas
Et le gouvernement il pense à quoi ?
Le syndicat ne proteste pas :
Il parle, il en parle, et il détourne la tête ;
Il parle, il en parle et il détourne la tête.

Quel malheur, quelle fatalité !
L’échafaudage s’est effondré.
Je suis tombé droit dans le vide
Et je suis mort, avec les six autres.

Je ne me désespère pas, je ne suis pas tout seul.
Nous sommes des millions de morts au travail.
Il y a de la compagnie, de la musique et des danses
Pour les milliers de morts blanches.

Je ne travaille plus, je ne fais pas l'amour non plus
Et dans cette usine, il ne me faut pas retourner.
Maintenant,
c’est le problème du nouveau venu :
Dans trois minutes, il aura trépassé.

Mais le patron, ça ne l’intéresse pas
Et le gouvernement il pense à quoi ?
Le syndicat ne proteste pas :
Il parle, il en parle, et il détourne la tête ;
Il parle, il en parle et il détourne la tête.

jeudi 13 avril 2017

CHANSON SYRIENNE

CHANSON SYRIENNE


Version françaiseCHANSON SYRIENNE – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – Syrian SongAnonimo Toscano del XXI secolo – 2017

Texte: Anonimo Toscano del XXI Secolo, 12 avril 2017
Musi
que et arrangement : Ensemble “Syria Unite”
(Barack Obama, Hillary Clinton, Donald Trump,
Vladimir P
outine, Bashar al-Assad, Recep Tayyip Erdoğan)
E
xécution sommaire par l’Orchestre “Islamic State Iraq and Syria” - Raqqah
Chœur de l’Union Européenne de Strasbourg




Cher Anonyme toscan du siècle présent,

Nous aimons beaucoup les anonymes, surtout quand on les connaît et plus encore quand ils demeurent – nous espérons que la mort de l’Anonyme n’est là qu’une feinte, qu’un tour de magie pour faire naître une canzone syrienne, dénonçant sans désemparer les anathèmes et les morts. Ce pourquoi, nous te saluons.
Pour la version française de la chanson, nous nous sommes efforcés de la rendre au plus près et au plus poétique – ce qui ne peut jamais faire de tort, surtout aux morts. Jacques-Bénigne Bossuet s’en était fait une spécialité ; nous recommandons spécialement son Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre – et son inénarrable : « Madame se meurt, Madame est morte » et sa citation si biblique, si énorme, si drôle d’Ezéchiel, prédisant la ruine de Jérusalem. Écoute, ô Anonyme, le dire du prophète : «Le Roi pleurera, le Prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d'étonnement. ».
Ne sentez-vous pas vos mains tomber à la seule idée de ce qu’un jour l’Anonyme lui-même quittera ce monde ?
Quant à nous, déjà, nous n’avons plus de voix, plus de souffle, le cœur nous faut.

Mais cependant, courage, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde mort, mortel, morticole, mortifère, mortifiant, mourant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Il n’y a plus d’avril, il n’y a pas plus de mai ;
Je suis mort,
enfant ou vieil homme,
Femme ou animal, pierre ou fourrage,
Terre ou ciel,
seau ou charrue.

On m’a étouffé dans cet avril
Comme
tu seras étouffé en mai ;
Je suis mort de mort hostile,
Mon frère n’est plus qu’un portrait.

Je suis mort de mort de l’air
Et mon frère d’
une mort copiée ;
Je suis mort de mort ordinaire
Et ma
sœur par la mort usée.

Je suis morte de mort dépareillée,
Ma fille de mort
truquée ;
Je suis mort
e scannée,
Ma mère est morte en tissant
à la veillée.

Je suis mort déchiqueté et gazé,
Et tu es mort a
justé dans ton look ;
Je suis mort baveux et allongé
Et tu es mort
sur Facebook.
Je suis mort vraiment ou feint,
Et tu es mort pour tout ou
pour rien;
J’
ai l’air d’un mort-vivant,
Et tu es mort
comme un président.

Je suis mort des politiques intérieures
Et tu es mort pour
des raisons supérieures,
C’est que la mort, c’est pas le top
Entre une arme chimique et Photoshop.

Et je suis morte pour les rebelles
Et tu es mort
d’une fusillade,
Je suis mort
dans une poubelle
Et tu es mort
e d’une twittade.

Et je suis morte envoyée au diable
Comme si j’étais un
e sorte de spam,
Et tu es mort
à table
Tout était déjà sur Instagram.


J’oubliais que je suis mort
Aussi d’intempestives analyses ;
Toi, tu es morte à raison ou à tort
Car tu ne les as pas comprises.

Le résultat : nous sommes tous morts,
Vrais et inventés, réunis
dans le merdier
Des jeux
merdeux d’autres morts
Qu
i, vivants, savent seulement tuer.

Nous sommes morts de tous ces jeux.
Morts
de la route, morts d’on ne sait quelle chose.
Morts
par erreur ou morts sous le feu,
Morts instantanés ou morts prenant la pose.

mardi 11 avril 2017

INDE

INDE



Version française – INDE – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – IndiaLe Orme (Antonio Pagliuca ed Aldo Tagliapietra) – 1974






Ah, Lucien l’âne mon ami, je m’en vais te raconter une histoire véritable qui illustre on ne peut mieux la canzone « India » – « INDE » et qui dit aussi pourquoi j’ai pris cette peine d’en faire une version en langue française. Elle concerne, comme on l’oublie aisément, principalement, deux pays qui à eux seuls représentent à peu près un tiers de la population de la planète et si on y ajoute le troisième intervenant, on se rapproche encore de la moitié des humains. C’est dire si elle a de l’importance et de la gravité et singulièrement, dans le cas d’un conflit entre eux. On va voir que ce conflit a été éloigné par la possession de l’arme de dissuasion la plus forte : la bombe atomique. Cependant, de ce côté-ci du monde, on a fortement tendance à négliger cette partie du monde et l’histoire qui la concerne et a fortiori, on néglige aussi le poids des événements dans ces pays si (peu) lointains.

Si peu lointains, en effet, Marco Valdo M.I. mon ami, que j’y suis allé moi-même depuis très longtemps. Pour tout dire, des siècles avant Zéro. Au passage, et pour des raisons de neutralité absolue, je rappelle que j’ai décidé de compter le temps en prenant comme point de référence, un point arbitraire nommé Zéro, une appellation intacte de toute religion et scientifiquement recevable par tous les humains indistinctement de leur race (concept absurde et discriminatoire – il n’y a qu’une seule race humaine), de leur couleur, de leur âge, de leur religion (usage absurde, discriminatoire et criminogène). Donc, des siècles avant Zéro, j’ai vu le Cathay et les Indes, j’y ai traîné mes sabots et j’ai rencontré des philosophes à dos de buffle et des dieux réincarnés en toutes sortes de figures tutélaires. Ici, on en était encore aux prémisses d’un monde organisé. Mais dis-moi, la canzone, de quoi parle-t-elle ?

Oh, Lucien l’âne mon ami, elle dénonce à sa manière la réalisation par l’Inde d’une explosion nucléaire. Cependant, il faut bien dire qu’il y a de quoi être plus nuancé quand on se reporte aux événements de l’époque. Certes, on va le voir l’Inde fait exploser une bombe nucléaire, certes elle la dit « pacifique » – ce pourquoi la canzone l’accuse de duplicité, mais il est vrai – et la chanson n’en fait pas état – que l’Inde est cernée par des voici assez hostiles et qui eux aussi, disposent (Chine) ou vont disposer (Pakistan) de l’arme nucléaire. Plusieurs guerres ont démontré l’inimitié qui règne dans cette partie du monde et la difficile position indienne. Il convenait à mon sens de dire ces choses et d’incriminer les premiers armés – en l’occurrence : la Chine. Je t’ai préparé un résumé des événements pour faire comprendre l’ambiance, vue sur place et non de l’autre bout du monde.
Ainsi donc, face à la puissance chinoise, l’Inde avait perdu la guerre en 1962. Dans ce contexte, l’option nucléaire s’est imposée à l’Inde pour établir un équilibre (face à la bombe chinoise – première explosion : octobre 1964) de la terreur, indépendant du nombre de divisions, de chars ou de combattants.
Dès cette époque, dans un de ses discours Nehru (premier ministre « historique » de l’Inde) évoquait « La Bombe » : « Nous devons développer l’énergie atomique, sans idée de guerre. Je pense vraiment que nous devons la développer à des fins pacifiques. Bien sûr, si en tant que Nation, nous sommes contraints de l’utiliser à d’autres fins, alors aucun argument sentimental ne nous retiendra de l’utiliser à cette fin ». Ainsi, L’Inde lança son programme de « Bombe nucléaire pacifique ». Elle arrivera à le concrétiser en 1974 – soit 10 ans après la Chine.
En 1964, la Chine procède à des essais nucléaires. En 1965, deuxième guerre indo-pakistanaise. Le Premier ministre pakistanais, Ali Bhutto, déclare que si l’Inde développe des armes nucléaires, le Pakistan va « manger de l’herbe ou des feuilles, voire même jeûner » afin de développer à son tour un programme nucléaire. 1971 : Nouvelle guerre entre l’Inde (alliée au Bangladesh) et le Pakistan. Début 1973, Indira Gandhi, premier ministre indien, dit à propos de la bombe : « Let’s have it » (Ayons-la !).
Le 2 mai 1974, à 8H05, la première explosion nucléaire indienne a lieu. Cela se passe à Pokharan dans le désert du Thar. Elle est d’une puissance moins élevée que la bombe lancée sur Hiroshima. Quelques minutes après l’explosion, les scientifiques envoient un télégramme au premier ministre, dont le libellé est "The Buddha is Smiling" – « Bouddha sourit ». L’Inde appelle cet essai : une "Peaceful Nuclear Explosion" : « Une explosion nucléaire pacifique ».

Une « explosion nucléaire pacifique » ?, Marco Valdo M.I. mon ami, on aimerait bien y croire et sans doute, était-ce vrai dans l’esprit des dirigeants de l’époque. Le sera-ce encore demain ? De toute façon, la prolifération nucléaire se poursuit et jusqu’à présent, elle a paralysé des conflits majeurs. Mais demain ?

En fait, Lucien l’âne mon ami, la vraie question, à mon sens, n’est pas la bombe, mais le nationalisme, mais la division de l’humanité en nations, religions et autres moteurs de guerre ; la vraie question, c’est la guerre, la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres et aux plus faibles pour imposer leur domination, accroître leurs richesses, étendre leurs pouvoirs et perpétuer l’exploitation. Le vrai danger pour l’humaine nation, c’est l’avidité, l’arrogance, l’ambition et face à ces périls, la question des armements est assez secondaire. La faim, la soif, la maladie et la bêtise tuent plus que les armes et même parmi les armes, ce sont les « armes conventionnelles » qui sont et de loin, les plus meurtrières – jusqu’à présent, elles ont fait des centaines de millions, si ce n’est des milliards de cadavres.

Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, reprenons notre tâche et tissons encore et toujours le linceul de ce vieux monde amer, avide, arrogant, ambitieux, absurde et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Femme mystique au corps de bronze,
Tu puises aux trésors d’amours ancestrales.
Désert immense de cendres chaudes,
Le soleil conserve tes fièvres anciennes.

Terre féconde de diamants bleus,
Tu emprisonnes dans la boue tes fruits orgueilleux.
Folle source de pluies invoquées,
Tu ramènes la vie sur les plaines assoiffées.

Dans les cieux de feu, avec tes danses,
Tu
escamotes le souffle des affamés,
Tu
verses des larmes dans le fleuve vicié,
Mais un tonnerre plus fort te dé
montre menteuse.


De quelle sagesse résonne ton sitar ?
Et t
on encens, quel poison rare ?

dimanche 2 avril 2017

Qui suis-je ?

Qui suis-je ?



Chanson française – Qui suis-je ? – Guy Béart – 1965




Mon ami Lucien l’âne, je suppose que comme moi, tu connais – au moins de nom, Guy Béart. J’en suis même certain. Je me persuade assez que tu sais qu’il est né en Égypte, qu’il parcourut le monde toute sa prime jeunesse à la suite de ses parents, qu’il vécut longuement au Liban avant de finir en France. Mais rassure-toi, je n’ai pas l’intention de faire la biographie de Béart, d’autres s’en sont chargés.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, nous ne sommes pas des biographes et si jamais, il te venait à l’idée de t’atteler à une biographie, j’aimerais mieux que tu fasses la tienne, car il y a tant de choses à comprendre dans la vie de chacun et tant de zones grises, tant de moments enfuis et enfouis qu’il est toujours intéressant de tenter de s’en souvenir. Cependant, il n’y a rien là d’urgent, ni de nécessaire. Je disais ça comme ça en passant.

Écoute, Lucien l’âne mon ami, comme à l’ordinaire, tu parles d’or. Ce n’est pas que je sois pénétré de l’envie ou l’ambition de me tracer un portrait, mais c’est que justement, ton intervention me ramène à la chanson, dont le titre est précisément « Qui suis-je ? ».

C’est en effet, Marco Valdo mon ami, la question qui préside à toute autobiographie.

Remarque, mon ami Lucien l’âne, que cette question est aussi celle qui résonne dans la philosophie et particulièrement, à l’époque où Guy Béart écrit cette chanson. C’était au temps où Paris, le Paris des brasseries, des bistrots et de la nuit se targuait d’existentialisme ; un penchant philosophique mondain qui se coula dans la Seine avec Paul Celan. On avait changé ; le « Qui suis-je ? », le « Qu’y puis-je ? » de la chanson étaient passé de mode ; on envisageait des consommations culturelles de masse ; on n’essayait plus de comprendre, on se contentait du pré-emballé. Je ne sais même pas, si on pourra en sortir bientôt. Comme je te l’ai dit, globalement, statistiquement, commercialement, la chanson de Guy Béart n’a plus cours. Elle est partie d’un autre monde, mais il y aurait intérêt à y revenir.

Honnêtement, Marco Valdo M.I. mon ami, moi qui ai vécu tant de lieux et tant de temps, je ne saurais dire ce qu’il va en être dans les temps prochains. Cependant, ce dont je peux t’assurer, c’est que pour y revenir, on y reviendra ; l’humaine nation ne peut perdurer dans la fange financière. Il est des moments – courts ou longs, peu importe, où elle s’y prélasse et puis, un jour, elle se met à se réfléchir, à se voir et à se rendre compte par elle-même ; elle s’étonne, elle s’indigne d’elle-même, elle s’ébroue et elle se convainc à nouveau que vivre, c’est d’abord et avant tout, vivre. Et elle revit.

Certes, Lucien l’âne mon ami, ces fluctuations, ces plongées dans l’horreur suivent le rythme du temps des grands groupes humains, un rythme pareil à celui du temps du calendrier et des saisons. Cependant, s’il s’applique aux grands ensembles, il n’a que peu d’influence sur les individus et là réside la chance de l’humanité. Au travers des individus, unité par unité,l’humaine nation s’humanise et surmonte les pires désespoirs. C’est le phénomène de résistance tel que décrit par le grand Victor de son exil îlien :

« Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »

Marco Valdo M.I. mon ami, arrêtons là ! Il ne s’agit que de chanson, nous n’avons pas l’envergure des grands, ni philosophes, ni poètes, on est juste des causeurs infinis et pour ce qui est de causer, nous avons tout le temps. Concluons pour aujourd’hui et pour cette chanson par notre antienne favorite : « Ora e sempre : Resistenza ! » et reprenons notre tâche qui se veut tranquille et qui nous mène à tisser, tisser inlassablement le linceul de ce vieux monde caduc, obèse, essoufflé, pesant, ambitieux, avide et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne



Je suis né dans un arbre
Et l’arbre, on l’a coupé.
Dans le soufre et l’asphalte,
Il me faut respirer.
Mes racines vont sous le pavé
Chercher une terre mouillée.
Qui suis-je, qu’y puis-je
Dans ce monde en litige ?
Qui suis-je, qu’y puis-je
Dans ce monde en émoi ? 


On m’a mis à l’école
Et là, j’ai tout appris :
Des poussières qui volent
À l’étoile qui luit.
Une fois que j’eus tout digéré,
On m’a dit : « Le monde a changé ».
Qui change, qui range
Dans ce monde en mélange ?
Qui change, qui range
Dans ce monde en émoi ?

On m’a dit : « Faut te battre ! »,
On m’a crié : « Vas-y ! »,
On me donne une grenade,
On me flanque un fusil.
Une fois qu’on s’est battu beaucoup,
On m’a dit : « Embrassez-vous ! »
Qui crève, qui rêve
Dans ce monde sans trêve ?
Qui crève, qui rêve
Dans ce monde en émoi ?

J’ai pris la route droite,
La route défendue,
La route maladroite,
Dans ce monde tordu,
En allant tout droit, tout droit, tout droit,
Je me suis retrouvé derrière moi !
Qui erre, qui espère
Dans ce monde mystère ?
Qui erre, qui espère
Dans ce monde en émoi ?

On m’a dit : « la famille,
Les gros sous, les autos ».
On m’a dit « la faucille »,
On m’a dit « le marteau ».
On m’a dit, on m’a dit, on m’a dit,
Et puis, on s’est contredit.
Qui pense, qui danse
Dans cette effervescence ?
Qui pense, qui danse
Dans ce monde en émoi ?

Mes amours étaient bonnes
Avant que les docteurs
Me disent que deux hormones
Nous dirigent le cœur.
Maintenant, quand j’aime, je suis content
Que ça ne vient plus de mes sentiments.
Qui aime, qui saigne
Dans ce monde sans thème ?
Qui aime, qui saigne
Dans ce monde en émoi ?

Et pourtant je me jette,
Et j’aime et je me bats
Pour des mots, pour des êtres,
Pour cet homme qui va.
Tout au fond de moi, je crois, je crois,
Je ne sais plus au juste en quoi.
Qui suis-je, qu’y puis-je
Dans ce monde en litige ?
Qui suis-je, qu’y puis-je
Dans ce monde en émoi ?

samedi 1 avril 2017

Contre tous les Pouvoirs

Contre tous les Pouvoirs

Chanson française – Contre tous les PouvoirsGuy Béart1981






Contre tous les pouvoirs !
Qu’il soit blanc, qu’il soit noir,
Qu’il soit bleu, rouge ou rose
Ou de toutes les couleurs ;
Qu’il se dise d’ailleurs ;
Qu’il gouverne ou s’oppose.

Contre tous les pouvoirs !
Du grand jour, du grand soir.
Qu’il soit démocratique
Royaliste, impérial
Ou qu’il soit syndical,
Commercial, politique.

Contre tous les pouvoirs !
Même ceux du foutoir,
Civils ou militaires,
Ramollis, exaltés,
Qu’ils viennent de la cité
Ou qu’ils viennent de la terre.

Contre tous les pouvoirs !
Même si par désespoir,
Il devienne modeste,
Qu’il veuille, pour subsister,
Nous dire qu’il va changer,
Qu’il retourne sa veste.

Contre tous les pouvoirs !
Qu’il dise « venez y voir »,
Qu’il ouvre grand ses grilles,
Ou qu’il soit très secret,
Qu’il ne soit pas ce qu’il paraît,
Qu’il soit carpe ou anguille.

Contre tous les pouvoirs !
Nostalgique ou d’espoir,
Religieux, qui contemplent
L’autre monde d’ici
Et nous tiennent à merci
Des marchands de leurs temples

Contre tous les pouvoirs !
Des beaux laboratoires
Des savantes funérailles
Des médecins demi-dieux
Aux produits merveilleux
Qui nous mènent en cobayes.

Contre tous les pouvoirs !
Des salons, des couloirs,
Au clin d’œil sympathique,
Au charme nonchalant,
Des gangsters en gants blancs
À l’œil informatique.

Contre tous les pouvoirs !
Des parfaits laminoirs
Aux douceurs infernales,
Aux mâchoires de boa,
Qui digèrent les États,
Ces multinationales.

Contre tous les pouvoirs !
Des parloirs, des gueuloirs,
Des oiseaux de ramage :
Journalistes, avocats,
Au pouvoir qui ne va
Qu’avec quelque chantage.

Contre tous les pouvoirs !
Des baudruches de la gloire,
Des chanteurs, des artistes.
Aux pouvoirs des médias
Qui, à hue et à dia
Jouent aux équilibristes.

Contre tous les pouvoirs !
Des terroirs, des trottoirs,
Car sitôt qu’un esclave
Est devenu le roi
C’est pareil chaque fois :
Dans le sang, il nous lave.


Contre tous les pouvoirs !
À parler provisoire
Qui du pouvoir abdiquent
Et qui sont rotatifs
Ou bien décoratifs
Et vive la République.

jeudi 30 mars 2017

HISTOIRE VRAIE D’ORSI

HISTOIRE VRAIE D’ORSI


Version française – HISTOIRE VRAIE D’ORSI – Marco Valdo M.I. – 2017

Chanson italienne (Piémontais) – Da Ursi (Storia vera)Giuliano Illiani (Donatello) – 1978


Sûrement vraie du début à la fin (malheureusement), l’histoire des ouvriers de l’entreprise Orsi de Tortona, une prestigieuse fabrique de tracteurs dont la production avait été adaptée pour fabriquer du matériel militaire durant la seconde guerre mondiale


Chez Orsi, les ouvriers travaillent dur,
Tracteurs et projectiles pour les Allemands,
De la montagne arrivent les rumeurs de mort.

Chez Orsi, les ouvriers ont fait grève,
Au mois de mars quarante-quatre,
Pour La liberté, le pain, le salaire.

Chez Orsi, les ouvriers sont des partisans,
Ils font les obus en alliage léger,
Et les Allemands tirent de la tôle.


Chez Orsi, les ouvriers sont des farceurs,
Ils montent de travers les tracteurs,
Et en Allemagne, les transmissions sautent.

Chez Orsi, les ouvriers parlent le dialecte
Pour ne pas se faire comprendre du commandant,
Et ils sifflent quand arrivent les surveillants.

Chez Orsi, les ouvriers ont du courage,
Ils ont appris l’art du sabotage
Et mettent des boulons dans les engrenages.

Chez Orsi, on a licencié les ouvriers ;
Ils attendent toujours leurs indemnités,
Je n’ai pas oublié leur histoire.