CHANSON NOCTURNE N°4
HÉ NUIT !
Version française – CHANSON NOCTURNE N°4 – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – Canzone di notte n.4 – Francesco Guccini – 2012
José Beltran – 1952
Dialogue maïeutique
Ah, dit Lucien l’âne, encore une chanson nocturne. Moi, j’aime bien ces chansons-là, je les trouve suffisamment poétiques.
C’est curieux, Lucien l’âne mon ami, que tu dises ça.
Quoi ?, demande Lucien l’âne.
Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., que tu trouves ces chansons nocturnes « suffisamment poétiques ».
Oh, répond Lucien l’âne, c’est façon de parler, manière de souligner qu’elles ont le don de créer une certaine ambiance ; celle de la nuit, précisément. Et même, de ces nuits où on se retrouve face au noir de la nuit et à l’obscur de soi-même. On dirait qu’elles servent d’escales à la vie.
C’est en tout cas, le ton de cette chanson, dit Marco Valdo M.I. ; elle chante des nuits dont on a besoin pour faire face à la dureté des temps. De ces nuits où on sombre sans trop savoir pourquoi dans une mélancolie indéfinissable, où on revoit des morceaux de sa vie et où on songe à un monde pacifié.
Oh, dit Lucien l’âne, tant qu’on est dans la Guerre de Cent Mille Ans, où, comme on le sait, ce sont les riches qui mènent la danse guerrière de la terreur afin de dominer le monde, de domestiquer les pauvres, de renforcer leur pouvoir, d’augmenter leurs richesses, de multiplier leurs privilèges, tant qu’on est dans cette guerre, le monde pacifié, il vaut mieux ne pas s’y fier. D’expérience millénaire, on a appris à se méfier comme de la bonace.
À propos de la bonace, Lucien l’âne mon ami, remarque que la chanson l’évoque aussi et à juste titre, car la paix et la guerre, qui sont deux états de la même chose, font une bizarre et imprévisible météorologie.
« Les jours de calme et de tracas,
Au temps de la bonace et au temps du fracas,
Nuit tranquille qui peut-être nous apportera la paix. »
Ou alors, dit Lucien l’âne, à l’échelle de la planète, on pourrait en faire une sismologie. Il y a là de quoi réfléchir. C’est quand même étrange où les chansons nocturnes nous entraînent ; c’est ainsi qu’elles sont poétiques. Cependant, il nous faut reprendre notre tâche et comme les Canuts, tisser le linceul de ce vieux monde géologique, sismologique, météorologique, fantastique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Hé nuit, sournoise qui me prit,
Nuit sans rumeur, sans fracas.
Hé nuit qui rampe comme un chat
Dans les endroits les plus sombres du pays
Hé nuit qui t’insinues dans tous les coins.
Hé nuit de Pavane, nuit tombée soudain,
Souple comme la louve, muette comme l’ombre
Qui enveloppe tout en ton manteau sombre,
Qui n’autorise ni défense ni reddition
Hé nuit qui par surprise m’a pris dans tes bras.
Le fleuve marmonne toujours, là au fond.
Et dans le silence, on boit sa voix,
Qui raconte le voyage de la source à l’embouchure,
Interrompu par un camion surgi à toute allure.
Hé nuit qui ressasse les heures paisibles de l’enfant
Et dans la maison, le rythme des roues infatigables
Et des meules de pierre du moulin bruissant.
Hé nuit, combien de nuits interminables,
Nuits sans but et sans portable,
Où tous encore inconscients de ce qu’il faudrait faire,
Quand immortels, on avait la force et le souffle des corsaires.
La nuit dérivait et disparaissait avec la lueur première,
Âge âcre et un grand désir d’aller
Parler aux bois et à la rivière
Et à présent, disparue sous le bitume étalé.
Hé nuit, murmure lent des rimes des poètes anciens,
Des pages lues distraitement, tout et rien,
Comme des jours et des souvenirs déjà oubliés.
Les jeux “chimiques” érodés de l’esprit, anéantis
Hé nuit noire, larve obscure d’autres nuits
Rageuses, moqueuses, détruites,
Mordant les bigots et les hypocrites,
Nuits longues l’hiver, éternelles l’été,
Des guitares, du vin et du pain,
Nuits d’un temps passé,
Mais tout a changé et on le sait bien
L’âge tourne et retourne autour de nous.
Alors nuit, que vas-tu m’apporter ?
Regret, paix, ennui ou vérité ?
Ou sans pitié, tu partiras indifférente à tout ?
Nuit où courent dans le ciel les étoiles,
Nuages poussés par le vent, voiles
Changeant de forme à chaque instant
Et la lune disparaissant dans l’ombre d’argent.
Sur les côtes, les lumières dessinent une étable,
Des images d’animaux dans les sables
Et errent des voix d’autres ères et d’autres temps
Posent cent questions sans se lasser.
Hé nuit, laisse-moi imaginer
Dans les clartés sombres quand tout se tait
Les jours de calme et de tracas,
Au temps de la bonace et au temps du fracas,
Nuit tranquille qui peut-être nous apportera la paix.
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