LES PETITS HOMMES AU POUVOIR
ÉNORME
Version française – LES PETITS HOMMES AU POUVOIR ÉNORME – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson allemande – Die kleinen Männer mit der riesengroßen Macht – Georg Kreisler – 1979
Paroles et musique de Georg Kreisler (1922-2011), satiriste, cabarettiste et compositeur viennois. (georgkreisler.info) Étazunien d’adoption, sa famille, de religion juive, dut fuir l’Autriche après l’Anschluss en 1938.
Album : « Mit dem Rücken gegen die Wand » (Avec le dos au mur).
Homme de pouvoir Bruno Voigt - 1933 |
Dialogue Maïeutique
« Les petits hommes », ha, ah !, dit Lucien l’âne, mais tous les hommes sont petits, même comparés à un cheval ou à une vache, ou à un cochon.
Lucien l’âne mon ami, je t’arrête tout de suite. Certes, tu as raison, vu comme ça, les hommes sont tous petits, mais ce n’est pas de cette grandeur-là qu’il s’agit ; il s’agit de la grandeur au sens moral, pas de la taille de leur corps, ni de la taille de leur richesse matérielle relative, mais de la taille de leur personnalité.
En quelque sorte, dit Lucien l’âne, il s’agit de leur petitesse intérieure.
Juste, reprend Marco Valdo M.I., et comme on le sait, les hommes et les femmes peuvent considérer leurs semblables de divers points de vue. Dans ce cas, on considère les gens du point de vue de la personnalité, chose qui englobe toutes sortes d’éléments et singulièrement, le caractère, la posture morale et pour tout dire, la psychologie globale de l’individu et pas de son physique.
Oh, dit Lucien l’âne, ainsi un homme grand peut être un petit homme et un homme petit un grand homme et bien entendu, pareil pour les femmes, avec certaine nuance ; ainsi, on dira de Christine de Suède ou de Catherine de Russie qu’elles étaient de grandes dames – elles étaient de la noblesse et occupaient de hautes fonctions avec un certain brio et d’Hypatie d’Alexandrie ou de Marie Curie que c’étaient de grandes femmes, car leur grandeur se mesure à leur intelligence, à leur valeur scientifique ainsi qu’à leur humanité – qui n’ont aucun pouvoir coercitif sur les autres. Pour les mêmes raisons, on pense assurément de Voltaire que c’est un grand homme, pareillement pour Socrate, Aristote, Einstein ou Bertrand Russell. Ce n’est pas le cas pour Jules César, Alexandre le Grand ou Louis XIV, qu’on dit aussi le Grand, qui sont des gens qui doivent leur grandeur à d’autres critères.
Bref, dit Lucien l’âne, je vois de quoi il s’agit quand on parle de grands hommes et donc, que seraient alors les petits hommes de la chanson ?
Eh bien, dit Marco Valdo M.I., je voudrais quand même insister sur le fait qu’on peut être un grand homme sans aucune renommée et être à jamais ignoré comme tel. De tels grands hommes sont heureux, car ils appliquent à la lettre la morale du grillon de Florian : « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Maintenant, voyons ces petits hommes de la chanson. Ce sont des nains moraux, leur petitesse est morale ; il faut les considérer du point de vue de leur personnalité (ou de l’absence de celle-ci) ; ils sont petits moralement et ce, quel que soit le poste, le rang qu’ils ont dans la société. En clair, ils peuvent occuper la plus haute fonction d’une société ou la plus basse, détenir les plus grands ou le plus petit pouvoirs, ils n’en restent pas moins de petits hommes.
Et ces petits hommes, dit Lucien l’âne, le mot qui les qualifie le mieux ne serait-il pas : mesquin ?
Exactement, dit Marco Valdo M.I., c’est le bon mot ; ce qui les caractérise, c’est la mesquinerie, c’est leur principale qualité. Ceci dit, ils ont également un égo inversement proportionnel à leur taille morale. Plus ils sont médiocres et mesquins, plus leur égo est gigantesque. Du point de vue éthique, ce sont des imbéciles heureux, ceux de La Ballade des gens qui sont nés quelque part. Le problème, c’est qu’il y en a beaucoup dans la société humaine. Ils sont nombreux et se démènent – c’est leur but essentiel – pour être les premiers, pour dominer, pour commander, pour diriger ; ils aiment le pouvoir, ils apprécient aussi de faire sentir aux autres l’importance qu’ils s’attribuent ou celle qu’ils se sont attribuée, quel que soit le niveau où ils se situent ; de même les pouvoirs démesurés dont ils disposent peuvent s’appliquer à n’importe quel poste ou niveau : du vigile au président le plus grand. Ils développent le syndrome de la peste émotionnelle, telle que al décrivait Wilhelm Reich ; ils la véhiculent et l’imposent. Et chose facile à comprendre, plus le niveau de pouvoir auquel ils accèdent, plus grande est la nuisance qu’ils représentent, plus – on me passera l’expression – ils emmerdent (littéralement) le monde.
Oufti, dit Lucien l’âne, je me demande comment ils peuvent vivre avec eux-mêmes, ce doit être écœurant, insupportable. Cependant, restons-en là, sinon, on n’en sortira pas aujourd’hui. Ça nous mènerait je ne sais où et en tout cas, trop loin. Pour l’heure, tissons le linceul de ce vieux monde pestilentiel, tout petit, trop grand, rond, plat, multiple, unique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les petits hommes au pouvoir immense
Ont été à l’école
Et portent des cravates.
Ils ont des biens et des familles et des dettes
Et veulent le meilleur pour leur patrie abstraite.
Les petits hommes au pouvoir énorme
Ont énormément d’ambition,
C’est nous qui en manquons.
Ils sont photogéniques, peignés, joviaux et au régime
Et regardent de haut les autres hommes.
Ils s’éveillent et sont prêts à l’instant,
Pour dormir, ils n’ont pas assez de temps.
Pour eux, la musique et le chant sont une perte de temps.
Ils ne pensent jamais à un rêve,
À un poème, à un arbre.
Ils rient peu et très rarement.
Les petits hommes au pouvoir colossal
Ont été depuis des ères immémoriales
Une race d’hommes spéciale.
Leurs erreurs sont fausses, leurs vertus sont fatales,
Leur arrogance est absolument normale.
Leurs femmes sont encore pires,
Avec leur air de deux airs.
On ne sait pourquoi ils en sont fiers.
Leurs enfants sont peureux, frivoles et stupides.
Dès après leur naissance, elles ont des hémorroïdes.
Ils ont des maîtresses, encore plus pires,
Qu’ils engagent comme secrétaires,
Qui sont là pour l’argent et l’influence,
Qui papillonnent et se moquent des choses,
Sourient de travers, parlent à tort et s’imposent.
Un petit homme m’a demandé : « Que devais-je faire ?
Le pouvoir était proche, j’ai dit oui
Et j’ai eu de la chance : maintenant je suis ici
Avec la police et les militaires.
Et le fait que je sois petit est oublié.
Je bois du champagne doux
Et comme il a bon goût,
Je suis comblé.
Petit homme, Dieu ne m’a pas gâté.
J’encaisse beaucoup. J’avale la saleté
Et je boucle des tas de dossiers.
Mais ce que je fais, je le fais pour la patrie.
Je n’abandonnerai pas mon peuple.
Ce serait irresponsable.
Je me sacrifie.
Les petits hommes au pouvoir démesuré
Pensent au courage et aux responsabilités,
Jamais à démissionner.
Nous, on est dans la merde jusqu’au cou.
Dès qu’on se bat pour s’en échapper,
Un petit homme arrive et se moque de nous.
Les petits hommes ont beaucoup promis,
On a entendu vraiment beaucoup leurs cris,
Mais rien n’a changé.
Un seul conseil : Méfiez-vous, chers amis,
Des petits hommes aux pouvoirs démesurés.
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