mercredi 30 septembre 2020

UN GÉNÉRAL

UN GÉNÉRAL


Version française – UN GÉNÉRAL – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson allemande – Der GeneralGeorg Kreisler – 1964

Paroles et musique de Georg Kreisler (1922-2011), satiriste, cabarettiste et compositeur viennois. (georgkreisler.info)

dans l’album " Nichtarische Arien " (" Arie non ariane ") de 1966





UN GÉNÉRAL







Dialogue Maïeutique


Lucien l’âne mon ami, voici une chanson qui raconte l’histoire d’une famille sans histoires : un père représentant, une mère admirable, leurs trois filles. Tout roulerait tranquillement, ordinairement, s’il n’y avait eu ce fils qui s’est mis dans la tête de se parer d’un uniforme. Depuis, il est général, il plastronne, il caracole, il se pavane au grand dam de ses sœurs et de ses parents.

Ohlala, dit Lucien l’âne, c’est comme ça, un général dans une famille, c’est tout un bazar et plein d’ennuis. Parfois, il va à la guerre et c’est fort bien ainsi, que ferait-il d’autre ? On le sait par cette chanson qui racontait ce qui était arrivé à cette famille qui avait acheté un « général à vendre » ; elle avait dû s’en séparer.

Certes, répond Marco Valdo M.I., un général, c’est censé faire la guerre ou en tout cas, aller souvent en campagne militaire. C’était ainsi que la mathématicienne et marquise Émilie du Châtelet l’entendait. Son mari revenait parfois, lui faisait un enfant pour la lignée, puis repartait à ses garnisons, ses sièges, ses batailles et ses gloires. Il faut dire qu’Émilie dans ses très longs intervalles recevait son ami Voltaire pour débattre de philosophie et science avec lui. Elle en a profité pour faire connaître Newton et ses Principes mathématiques à la France. Ça ne l’empêchait pas d’être coquette et Voltaire l’appelait gentiment Madame Pompon Newton. Mais je m’égare.

Pourquoi « Un général » ? C’est l’intitulé de ma version française, alors qu’il aurait fallu dire – vu que le titre allemand était « Der General » – « Le Général », mais voilà, il y avait déjà la chanson de Maurice Fanon avec ce même titre de « Le Général » et que nous avions déjà fait une version française d’une autre chanson allemande homonyme – « Der General » de Dieter Süverkrüp.

Oh, dit Lucien l’âne, n’était-ce pas celle où on disait « Que fait le général après la bataille ? Il salue les survivants. »


Exactement, répond Marco Valdo M.I., mais celle-ci d’aujourd’hui, celle de Kreisler, est beaucoup plus ironique et mordante. Elle s’en prend à l’idée-même du général, à son ambition, son égotisme, son solipsisme, son autoadmiration. Je te laisse apprécier le personnage au travers de la chanson. Une dernière chose : je voudrais une fois encore insister sur le fait que c’est une version française et que de ce fait, il ne faut pas s’étonner si elle ne correspond pas mot à mot, ni même vers par vers, à la chanson d’origine. Cependant, en gros, c’est la même histoire, c’est une bonne approximation.


En effet, dit Lucien l’âne, mais une langue n’est pas l’autre et les expressions pertinentes dans l’une ne fonctionnent pas toujours dans l’autre.


Si ce n’était que ça, dit Marco Valdo M.I., ça ne vaudrait pas la peine d’en parler. Ma remarque a comme but de souligner que la version – telle que je l’entends – à la différence de la traduction, entend être une œuvre indépendante, quoique assez fidèle. C’est une évolution ; c’est la raison pour laquelle elle est signée d’un nom d’auteur et que je prends bien soin de distinguer la version française et la chanson ainsi créée peut voler de ses propres ailes. Évidemment, tout dépend de ce qu’on veut faire. Il en a toujours été ainsi ; par exemple, nul ne contestera à Shakespeare la paternité de ses œuvres, mais il est patent qu’il allait chercher la substance de ses pièces qui se déroulent Italie dans les œuvres des auteurs italiens de son époque (entre parenthèse, ceci suppose qu’il ait connu ces œuvres en direct – comment se les procurait-il ? et qu’il ait connu les diverses variantes d’italien de ce temps ; de même, Homère fit son œuvre à partir d’une compilation de récits véhiculés par les aèdes.


C’est ainsi que ça va, je le sais bien, dit Lucien l’âne et crois-moi, je suis bien placé pour le savoir. Bref, on pourrait débattre longtemps, mais il me faut conclure. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde militarisé, surarmé, conflictuel, plastronnant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.







Son père est représentant,

C’est un homme honorable ;

Sa mère est une dame admirable,

Comme on en trouve rarement.

Le fils a subi l’enseignement

Comme un refrain obsédant.

Les voies du Seigneur sont impénétrables :

Bien que le fils a étudié à l’université,

Sans être un mauvais étudiant,

Qui aurait pu alors imaginer

Que ces parents en rien coupables

Iraient à présent en ville tête basse,

Ne regarderaient personne en face,

Car pour eux aussi, leur fils est un raté.

Mais sans doute, vous le devinez.



Ce pauvre homme est général,

C’est un vrai scandale.

Il aurait vraiment

écouter sa mère.

À présent, c’est le plus désolant

Les yeux aveuglés, sa mère pleure,

Lui, il se promène et fait le fanfaron

Avec une bande au pantalon !

Il joue au soldat, il monte à cheval,

Il caracole comme un petit enfant ;

Il fait du raffut et fait peur aux gens

Pour se faire remarquer : c’est un général.



Ces gens ont trois filles et n’ont pas honte d’elles.

La première est mariée à un chauffeur.

La deuxième est même avec un docteur,

Qui va l’épouserprétend-elle.

La troisième est encore célibataire,

Et pour encore un certain temps.

On dit qu’elle a eu beaucoup d’amants,

Qu’elle est déjà mère

Et qu’il faudra reconnaître l’enfant.

Ce qui complique encore son cas.

Cependant, le fils seul s’est égaré si affreusement ;

Pour lui, seul importe qu’on marche bien au pas :

Gauche-droite, une-deux, gauche-droite,

Gauche-droite, une-deux, gauche-droite !


La catastrophe est totale.

À présent, il est général,

Il coud des rubans

Et de petites étoiles,

Sur ses vêtements.

Il dort la nuit dans une tente,

Qu’on le salue, ça le contente.

Il se couche toujours très tôt

Et rêve qu’il est un héros.

Si on le réveille, il se met en colère :

Comme un chien devant une vipère !

Vous demandez : est-ce normal ?

Qu’importe : c’est un général !

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