CHAQU’UN
Version française – CHAQU’UN – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson
italienne – Chacun
de nous
– Max Altafronte – 2020
Johann Kaspar Schmidt, alias Max Altafronte,
alias Max Stirner |
Dialogue Maïeutique
Il existe, Lucien l’âne mon ami, des hétéronymes. Oh, je sais que tu sais ce que c’est mais, il importe de le repréciser ici et maintenant.
D’autant
plus, interrompt Lucien l’âne, que nous en sommes – toi comme
moi.
Oui,
certes, Lucien l’âne mon ami, nous en sommes : des
hétéronymes, je précise, au cas où. Mais revenons aux hétéronymes
et à ce que je voulais en dire et qui rejoint d’ailleurs ton
interruption, car l’auteur de la chanson est évidemment un
hétéronyme, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un des noms
multiples d’une personne réelle. Cependant, à la différence du
pseudonyme, qui est aussi un nom multiple d’une personne réelle,
l’hétéronyme n’a pas pour vocation de camoufler l’auteur
réel, mais bien d’indiquer une de ses personnalités
particulières. Le cas le plus connu d’hétéronymes est celui de
l’inventeur du mot comme
concept littéraire :
l’écrivain portugais Fernando António Nogueira Pessoa,
relayé par José Saramago.
De cela, je ne dirai pas
plus et je dénoncerai pas l’auteur hétéronyme – ci-devant Max
Altafronte.
Oh,
dit Lucien l’âne, un nom pareil ne peut être qu’un hétéronyme
est un pseudo-auteur qui
semble exister par lui-même et souvent son nom est calqué
sur le nom d’un autre auteur – souvent
au travers d’un subterfuge destiné à un peu – mais pas trop –
égarer le lecteur.
Lucien
l’âne mon ami, tu es digne d’Herlock Sholmes ; tes
déductions sont admirables. Je prolonge ton raisonnement et j’en
viens à une autre considération, c’est tout comme John Heartfield
n’est autre que le peintre dadaiste allemand Helmut Herzfeld, dont
le nom hétéronyme, la nouvelle personnalité en exil, comme on peut
le voir, est une traduction anglaise de son nom d’origine. Ainsi,
Altafronte qui se traduit en français par Haut Front ou Haufront,
affublé du prénom de Max, n’est autre qu’un auteur prénommé
Max et dont le nom dans sa langue d’origine signifie front.
Précisément, c’est le cas du mot Stirn qui
signifie Front et Stirner devrait vouloir dire celui qui a un grand
front ou aussi, « celui qui fait front » ; c’est
le pseudonyme que choisit Johann Kaspar Schmidt, quand il publia (en
allemand)
Der Einzige und sein Eigentum, traduit
habituellement en français sous le titre : L’Unique
et sa propriété ; mais
selon moi, ce serait plus exact de dire « Seul » ou
« Solitaire », un peu comme dans la chanson de Brel,
intitulée elle aussi : « Seul ».
« On
est mille contre mille
A
se croire les plus forts
Mais
à l’heure imbécile
Où
ça fait deux mille morts
On
se retrouve seul »
Donc,
dit Lucien l’âne, si je suis ton raisonnement que j’avais
amorcé, il s’agirait d’une allusion plus que directe à Max au
Grand Front.
Évidemment,
répond Marco Valdo M.I., et la chanson elle-même est comme une
illustration de ce qui est conté dans le
livre de Stirner. J’ajouterais volontiers qu’il y a pas mal de
résonances avec La
Guerre de Cent Mille Ans,
en ce qu’au cœur de la vie de chacun, il y a principalement
chacun. Par
ailleurs, voici un peu de Stirner en direct, en français cependant,
une citation qui pourrait commencer par le mot : Chacun ou
Chaque Un ou
Chaqu’un.
« (Chacun)
se réalise en cela même qu’il vit sa vie jusqu’au bout,
épuisant ses forces vitales, c’est-à-dire se dissout et s’écoule.
Il ne réclame pas d’être ou de devenir autre chose que ce qu’il
est ».
Oh,
dit Lucien l’âne, cela, on ne peut le mettre en cause, on ne peut
en douter un instant et même quand on en doute, c’est soi-même
qui doute et qui le dit. Et
il est tout aussi incontestable et fondamental d’affirmer la
primauté irrémédiable du « un » de « chaque un »
– sans lui, pas de vie possible et pas de mathématique non plus,
pas de réel. Mais,
je te le dis, il vaut mieux laisser parler la chanson elle-même et
de loin, saluer son auteur ; sinon,
on finirait pas être traités de philosophes, ce qui de nos jours
est une appellation contrôlée et réservée.
Et
puis,
reprenons notre marotte et tissons le linceul de ce vieux monde
croyant,
crédule, inféodé, massifiant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Chacun
a un silence à combler,
Chacun
a une rumeur à
répandre,
Chacun
a une paix à perdre,
Chacun
a une guerre à mener.
Chacun
a ses dilemmes et
ses certitudes,
Chacun
a ses
laideurs
et ses
béatitudes,
Chacun
a une page vide,
Chacun
a une page écrite.
Chacun
a un présent et un passé,
Chacun
a un avenir et un parfait,
Chacun
a un passé ignoré,
Chacun
est un imparfait.
Chacun
est collodion et tungstène,
Chacun
amour et haine.
Chacun
étranger et frère,
Chacun
pain et couteau.
Chacun
est pareil et différent,
A
le bien et le mal en lui,
Chacun
grandit et étrécit.
Chacun
bouge et attend.
Chacun
va sous des noms de papier,
Chacun
se fie à
des noms étrangers.
Chacun
fait partie d’une multitude
Pour
cacher sa
solitude.
Chacun
a ses vivants et ses morts,
Ses
résurrections et ses
regains.
Chacun
revit, se souvient, renaît encore
Dans
le vent du tout
et du rien.
Chacun
est eau, terre et feu,
Désespoir
et jeu,
Chacun
est pisse, merde et vomi,
Chacun
a des relents moisis.
Chacun
est son aujourd’hui et son hier,
Chacun
est un demain de lumière.
Chacun
d’eux est l’obscurité et la nuit,
Chacun
a du vin dans son muid.
Chacun
a une lune rouge,
Chacun
a ses astres
lointains,
Chacun
frissonne et
bouge
En
songes incertains.
À
chacun, sa
maladie.
À
chacun, son médicament.
À
chacun, sa vérité,
À
chacun, sa fausseté.
Chacun
est venu à son début,
Chacun
délaisse son rebut.
Chacun
a en lui sa folie,
Chacun
a une mère et des mamies.
Chacun
a ses quatre murailles
De
pierre, d’argile, de paille.
Chacun
a un pouvoir qui
l’écrase,
Chacun
a perdu sa face.
Chacun
a sa cohérence
et ses engagements,
Chacun
est inconscient des avertissements.
Chacun
est un géant et un nain,
Chacun
est un être humain.
Chacun
est lâche et intrépide ;
Chacun
est fusil et
fronde ;
Chacun
s’embarque, et
autour
Luit
la multiple splendeur du
jour.
Il
y a l’ombre spectrale,
il y a le néant,
Il
y a le pleur, le rire et
le berceau de l’enfant,
Il
y a la fleur qui sourit dans le pré,
Il
y a le visage du
chien assassiné.
Chacun,
pour l’essentiel,
Est
morte et vive
chair.
Chacun
est mortel et éternel.
Chacun
est été et hiver.
Chacun
est son Hitler et son Gandhi,
Chacun
se tient droit et
se balance.
Chacun
est idée et suffisance,
Chacun
est un bateau
d’organdi.
« Chacun
est seul sur le
cœur de la terre »
Mais
la nuit ne vient pas aussi tôt.
Chacun
vit à l’ombre
et à la lumière,
Toute
sa vie se
tient en ces deux
mots.
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