La Foi
Chanson
française – La Foi – Henri Tachan – 1976
Paroles
et musique : Henri
Tachan
Dialogue
Maïeutique
Salut,
Lucien l’âne mon ami, je suppose que le mot « foi » te
dit quelque chose.
Oui,
certainement, Marco Valdo M.I. mon ami ; d’ailleurs, je
connais la chanson « Il était une fois, un petit bonhomme de
foi… »
Oui,
oui, bonne idée, Lucien l’âne mon ami, je n’y avais pas pensé,
mais je vais en faire une vraie chanson de cette comptine enfantine
dès qu’on en aura
terminé avec celle-ci, car il faut battre son frère tant qu’il
est chaud, comme disait Caïn. On y reviendra prochainement, je le
promets une fois. Cependant, ici, il s’agit d’une chanson d’Henri
Tachan, un de ces chanteurs-auteurs de leurs propres chansons, un de
ceux qui ne tenaient pas leur langue dans la poche, comme, par
exemple : Brassens, Ferré, Brel, Fanon, Béranger.
Et
que raconte donc cette chanson de Tachan ?, demande Lucien
l’âne.
Eh
bien, comme tu peux l’imaginer à son titre, Lucien l’âne mon
ami, toi qui as parcouru le monde et qui a croisé tant de peuples
et tant de croyances, c’est une histoire de foi, mais pas de
n’importe quelle foi, de celle qu’on inculque aux enfants selon
l’ancienne éprouvée (et éprouvante) méthode du « Enfoncez-vous
bien ça dans la tête ! »…
et de la réaction – salvatrice – qui en découle chez celle,
celui, ceux qui réagissent à cette inoculation
forcée…
D’abord,
Marco Valdo M.I. mon
ami, cette inoculation
forcée de la foi et donc de la religion m’a tout l’air d’un
viol de conscience enfantine.
Certes,
Lucien l’âne mon
ami, tu as parfaitement
raison, c’est du viol de conscience et sur personne mineure de
surcroît et par une personne qui a autorité sur la victime. Il
y a donc une réaction naturelle salvatrice à cette inoculation
comme on réagit à un virus malveillant en lui opposant des
anticorps « fabrication-maison », de ceux qui protègent
de cette infection à vie et même, bien au-delà.
En
effet, dit Lucien l’âne, je vois très bien de quoi il s’agit et
même, je confirme. Maintenant, pour ce que j’en ai vu, ces
derniers temps – disons depuis un bon siècle, dans certains pays,
rares d’ailleurs ; par chance, on vit dans un de ceux-là –
ce pandémonium,
cette
pandémie théique et religieuse est presque complètement éradiquée
et j’ai pu constater « de visu » que les gens s’en
portaient fort bien ; beaucoup mieux même, car une cause (au
moins) de haine et de délation méchantes a disparu. J’ai aussi
noté que même pour ceux qui sont encore sous influence de cette
peste mentale, la vie est plus libre et l’air plus respirable, car
ici,
nul ne songe à leur imposer
d’abandonner leur croyance et moins encore, d’en adopter une
autre.
Pour
ce qui est de la chanson de Tachan et donc de sa « Foi »,
reprend Marco Valdo M.I., il faut absolument se souvenir de ce qu’il
a enduré – comme bon nombre de ses contemporains – dans sa
jeunesse religieusement encadrée ; catholiquement, en
l’occurrence, même si la chanson dit « chrétiennement ».
Pourtant – et c’est heureux – comme on peut le voir
actuellement, on finit par s’en sortir quand même, à force de
volonté et de foi en soi-même.
La
foi en soi ?, dit Lucien l’âne, un peu surpris.
La
foi en soi-même, bien sûr, dit Marco Valdo M.I., la seule qui
vaille, car la foi n’est pas nocive quand elle s’applique à
donner au bonhomme foi en lui-même. L’être humain n’a pas
besoin d’orthèse. Cette foi en soi-même lui donne confiance et
plaisir à vivre avec lui-même ; c’est cette foi :
confiance et plaisir d’être et liberté, qui fait de l’homme
unidimensionnel, tout courbé, tout obéissant, pour tout dire, béni
oui-oui, un être
humain à part entière, heureux malgré les récifs et les tempêtes,
navigant à vue dans sa grande aventure unique, tel Ulysse traçant
le retour à Ithaque. Évidemment, la chanson ne dit pas les choses
ainsi ; elle tient plus du cri de révolte contre l’oppression
et le mensonge religieux ; c’est un cri venu de l’enfance,
un cri venu de l’adolescence et comme tel, ce n’est qu’un
début. La vie fait le reste – au hasard des rues et des chemins,
des gens qu’elle rencontre et des difficultés et des douleurs qui
frappent ; elle est parfois dure, pénible, écrasant, mais avec
cette foi en soi-même, elle se dresse fière face au néant –
avant de le rejoindre. Pour un peu, elle lui dirait mieux
ce que la Mort disait à Oncle
Archibald et plus enthousiasmante :
« Si
tu te couches dans mes bras,
Alors, la vie te semblera
Plus facile,
Tu y seras hors de portée
Des chiens, des loups, des hommes et des
Imbéciles,
Imbéciles. »
Alors, la vie te semblera
Plus facile,
Tu y seras hors de portée
Des chiens, des loups, des hommes et des
Imbéciles,
Imbéciles. »
C’est
la vie sans éteignoir.
Halte-là,
Marco Valdo
M.I. mon ami, sinon on y sera encore demain. Je m’en vais lire la
chanson ; de cette manière, je te l’assure, je saurai en
détail ce qu’elle raconte. Pour
lors, tissons le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, bigot,
étouffant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient
Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Voilà
qu’en ouvrant les yeux,
Je
me rends compte, crénom de Dieu,
Que
j’avais la Foi, mais la mauvaise,
Le
dieu qui me l’a refilée
Ne
nichait pas dans le bénitier,
Ni
sur la croix, ni dans l’ascèse :
C’était
un petit
dieu cornu,
Le
poil noir, le pied fourchu
Et
les quinquets couleur de braise.
Ah !
la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah !
ma mauvaise foi vaut bien toutes vos fadaises !
Le
curé qui m’a baptisé,
Ah !
si j’avais pu lui parler,
Lui
faire, je ne sais
pas, un bras d’honneur !
En
gueulant : « Pour ma tétée,
Je
ne veux plus du biberon de lait,
Refilez-moi
un téton de bonne sœur !
Un
gros téton bien dodu
Pour
que je m’entraîne dessus
En
attendant des jours meilleurs ! »
Ah !
la
belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah !
ma mauvaise foi vaut bien toutes vos foutaises !
À
ma première confession,
Quand
le refoulé en jupons
M’a
susurré derrière la grille :
« Dites-moi
vos vilaines pensées,
Tous
vos gestes impuretés,
Vos
moindres péchés, peccadilles ! »
Je
répondis au père Machin :
« Cause
toujours, moi je n’y peux rien
Si
vos anges ont des gueules de filles ! »
Ah !
la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah !
ma mauvaise foi vaut bien tous vos diocèses !
« En
joue ! Gauche ! Droite ! Demi-tour ! »
Gueulait
le con dans la cour
À
notre troupeau de militaires,
Moi
je m’assois bien au mitan,
Sous
le nez de l’adjudant
Qui
devient rouge, qui devient vert,
Et
je lui dis chrétiennement :
« Jésus
était non-violent,
C’était
marqué dans mon bréviaire ! »
Ah !
la
belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah !
ma mauvaise foi vaut bien vos Marseillaises !
Le
jour du jugement dernier,
Je
ferai
mon dernier pied de nez
Quand
on me portera en glaise :
Devant
le cureton de malheur,
Le
bedeau, les enfants de chœur
Et
les petites ailes de sainte Thérèse,
Je
raidirai mon goupillon :
Ils
ne pourront pas fermer
le caisson
Et
je partirai à l’anglaise.
Ah !
la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah !
ma mauvaise foi vaut bien vos Père Lachaise !
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