Après
les Drapeaux
Chanson
française – Après les Drapeaux – Henri
Tachan – 1969
Musique :
Jean-Paul Roseau
L’Apothéose
de la guerre
« Dédié
à tous les grands conquérants anciens, actuels et à venir »
Vassili
Verechtchaguine – 1871
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Dialogue
Maïeutique
« Après
les Drapeaux » ?, demande Lucien l’âne. Qu’est-ce que
ça veut dire ? Va-t-on voir un cortège commémoratif, une
sorte de parade nationale ou un défilé nationaliste ?
Pas
du tout, rassure-toi, répond Marco Valdo M.I., car d’abord, ce
n’est pas le genre d’Henri Tachan et ensuite, laisse-moi te dire
qu’il ne s’agit pas du sens habituel du mot « drapeau ».
Peut-être, sais-tu qu’en français, « être sous les
drapeaux » est une expression qui veut dire « faire le
soldat », « être (requis, réquisitionné) dans
l’armée », « faire son service militaire »,
« servir dans le contingent » et j’en passe. Enfin,
bref, quelque chose du genre. De sorte qu’« après les
drapeaux » signifie tout simplement « après avoir été
soldat », et ici, plus spécifiquement, « après avoir
fait la guerre ».
Bon,
soit, dit Lucien l’âne, mais quelle guerre ? Il y en a eu
tellement.
Là,
Lucien l’âne mon ami, vu l’année de la chanson (1969) et
l’allusion dès le début au « djebel » et plein
d’autres éléments dans la chanson, la réponse est claire et
nette, il s’agit de la guerre d’Algérie, vue du côté d’un
ancien soldat de l’armée française. C’est un récit
d’après-guerre, une sorte de compte-rendu de campagne d’un
troufion, un « obligé » du contingent, un zig contraint
de crapahuter dans le djebel comme des milliers d’autres et ce
bidasse, ce soldat démobilisé qui raconte la vie du campement,
c’est Henri Tachan ; il
détaille aussi les séquelles au retour dans la vie civile. Mais je
te préviens l’érotisme miliaire réserve des surprises.
Ça
ne m’étonnera pas trop, dit Lucien l’âne, j’en ai tant vu
dans tant de guerres et de bien des armées. Cependant, c’est là
un aspect, une face de la
Guerre de Cent Mille Ans qui n’est pas souvent abordé sous cet
angle de vue.
Tout
juste, Lucien
l’âne mon ami, d’habitude, comme pour Adèle,
L’Histoire
du Soldat, Quand
un Soldat, ce sont toujours de braves, bons, gentils et vertueux
gars qui s’en reviennent au pays tandis
qu’ici, comme je l’ai laissé entendre, il est question d’autre
chose : de l’activité érotique militaire pratiquée (par
défaut) sur des chèvres et des canards tout au long des longues
campagnes de chasse à l’indigène, au terroriste, au résistant,
comme on voudra ; c’est selon le point de vue où on se place.
L’ennui, c’est que les chèvres, à force, deviennent
syphilitiques ou blennorragiques et leurs amants de passage aussi.
Oh,
dit Lucien l’âne, voilà une belle illustration de ta légendaire
antienne : « Les amibes de mes amies sont mes amibes. »
Pour
tout dire, reprend Marco Valdo
M.I., c’est une chanson réaliste tout comme celle de Jacques
Brel : « Au
Suivant ! » ; mais
ce n’est pas tout, elle évoque également certaine conséquence
aussi dramatique qu’insidieuse que l’on découvre plus tard :
le profond désarroi, la blessure mortelle qui frappe pendant
longtemps après et parfois, finit par tuer celui qu’on a forcé à
pratiquer la tuerie patriotique. Le retour à la vie civile n’est
pas nécessairement le retour à une vie pacifiée :
« Mais
après les drapeaux,
L’autre
vie recommence :
Si
j’ai sauvé ma peau,
Ai-je
vraiment eu de la chance !? »
Oh,
dit Lucien l’âne, faut pas s’y fier ; j’entraperçois
déjà ce mirage de suicide qui hante l’ex-militaire :
« Mais
un soir en cachette j’irai dans le métro,
Prendre
enfin mon plaisir sous le corps d’une rame. »
Il
n’y a pas à dire, ce genre d’aventure, ça laisse des traces.
Enfin, je vais prendre le temps de lire cette histoire en chanson.
Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde armé, trop armé,
guerrier, insensé et cacochyme
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
C’était
en 1900 et plus, dans le djebel,
Au
nom de la Patrie, promus artificiers,
Nous
rêvions en silence aux gros culs de nos belles,
En
violant quelques chèvres à l’ombre des figuiers.
Pardi !
Six mois de jeûne, ça vous titille un homme,
Et
qui plus, des soldats, vainqueurs « in partibus »,
Si
bien qu’en fin de compte, on se surprit, en somme,
Au
bout de quinze jours, à baiser les cactus !
Hissez
les drapeaux !
Une
minute de silence !
Garde-à-vous
les héros
Pour
l’honneur de la France !
Mais
après les drapeaux,
L’autre
vie recommence :
Le
retour des héros
Se
passe sous silence !
On
s’excitait parfois, entre deux gourdes d’eau,
Dévorés
par les poux, bouffés par les moustiques,
Aveuglé
de soleil et râlant sur le dos,
On
cherchait l’ombre rare d’un mirage érotique !
Lucien
qui l’avait fine mais de belle tenue,
Taraudait
en expert de très jeunes canards,
Et
s’endormait enfin, puant, goinfré, repu,
La
chemise tâchée comme nos étendards !
Hissez
les drapeaux !
Une
minute de silence !
Garde-à-vous
les héros
Pour
l’honneur de la France !
Mais
après les drapeaux,
L’autre
vie recommence :
Le
retour des héros
Se
passe d’importance !
Quand
la paix fut signée, que tout fut déconquis,
Qu’on
nous réexpédia au pays des bordels,
Dans
nos veines coulait le foutre des maquis :
Nous
ne regardions plus passer les jouvencelles…
Mais
le temps a passé, qui lave les cerveaux,
Aujourd’hui
gentiment je contente ma femme,
Mais
un soir en cachette j’irai dans le métro,
Prendre
enfin mon plaisir sous le corps d’une rame.
Hissez
les drapeaux !
Une
minute de silence !
Garde-à-vous
les héros
Pour
l’honneur de la France !
Mais
après les drapeaux,
L’autre
vie recommence :
Le
retour des héros
Se
passe à contre-sens.
Mais
après les drapeaux,
L’autre
vie recommence :
Si
j’ai sauvé ma peau,
Ai-je
vraiment eu de la chance !?
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