Le
Retour du grand Avion
Chanson
française – Le Retour du grand Avion – Marco Valdo M.I. – 2020
Quelques
histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré,
traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985
sous le titre La Ville du Sud.(5)
Dialogue
Maïeutique
Oui,
Lucien
l’âne mon ami, je
te le confirme, il s’agit bien du même avion que celui dont on
parlait dans la chanson de l’autre jour, intitulée « Le
grand Avion ».
Ce
grand avion qui s’en était allé un beau matin de l’aérodrome
que l’enfant voyait de sa fenêtre. Toute
cette histoire se passe
à Gjirokastër
à la fin de 1940 ou
au printemps 1941. Le grand avion était parti avec toute
l’escadrille italienne, mais il était le seul de son genre à cet
endroit : un immense bombardier. Ils avaient quitté le nid au
moment de la retraite italienne à laquelle l’armée grecque avait
contraint l’envahisseur. Toute la région de Gjirokastër était
tombée sous la coupe des Grecs.
Ah
bien, dit Lucien l’âne, et si je comprends l’affaire, ce grand
avion va revenir. Ce que je comprends pas, c’est pourquoi et ce
qu’il vient faire là. Il veut retrouver son bercail ?
Pas
du tout, Lucien l’âne mon
ami. Je résume la situation. Dans la ville, les soldats grecs –
dans leurs drôles d’uniformes d’evzones – ont remplacé les
Italiens ; sur le terrain d’atterrissage, les vaches ont
remplacé les avions, les enfants jouent à nouveau dans les rues :
ils jouent à la guerre. Pour
eux, tout retrouve un cours normal. Jusqu’au moment où…
Jusqu’au
moment où ?, demande Lucien l’âne, au moment où quoi ?
Qu’est-ce qui se passe ?
Jusqu’au
moment où se met à hurler la sirène ; puis, on commence à
entendre un terrible grondement et l’enfant voit revenir trois des
avions partis il y a quelques jours. Au milieu de ceux-ci, il voit
son ami le « grand avion ». Un drôle d’ami en vérité,
car il va bombarder la ville et ce qui était son propre nid :
l’aérodrome et massacrer les paisibles vaches qui y paissent avec
une grande insouciance.
C’est
malin, dit Lucien l’âne, bombarder des vaches, a-t-on idée ?
Quel boucher ! Un tueur de vaches ! C’est assassin et
grotesque. Ça me rappelle « Drôle
de Drame », un film de 1937, où William
Krans, le tueur de bouchers, une réincarnation végane de Jack
l’Éventreur, expliquait ses crimes en disant – je cite de
mémoire :
« Moi,
j’aime les vaches ; elles ont de si beaux yeux. Et les
bouchers tuent les vaches. Alors, moi, je tue les bouchers. »
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, voilà un syllogisme de premier plan
et que j’approuve. C’est de la logique pure signée Jacques
Prévert et souviens-toi la mémé disait dans
« Le
grand Avion » à l’avant-dernier quatrain :
« Ils
sont méchants ces avions italiens,
Ils vont tuer des gens, mon garçon. »
Ils vont tuer des gens, mon garçon. »
Ainsi
se termine toute l’histoire du grand avion de la chanson, mais,
pour conclure, je te propose une anecdote à propos de ce grand avion
Piaggio 108. Il faut savoir que s’il n’a été produit qu’en
peu d’exemplaires, un de ceux-ci (un avion résistant sans doute) s’est écrasé en juin
1941 tuant
l’équipage et son commandant qui n’était autre que Bruno
Mussolini, le fils du Duce.
Ho
là, dit Lucien l’âne, c’était peut-être lui qui le pilotait
lors de ce bombardement de Gjirokastër. C’est fou ce qui se cache
derrière ces petites chansons. Par
exemple, la chanson dit :
« Les
vaches sont mortes au champ d’aviation. »
Je
trouvais la formule curieuse, puis vraiment scandaleuse, car si elles
avaient été des hommes, ces vaches seraient mortes au champ
d’honneur. Maintenant,
pour
en finir avec le grand avion, tissons le linceul de ce vieux monde
ludique, infantile assassin, tueur, mortel et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les
enfants ne peuvent pas jouer dans les rues.
Les
soldats grecs finalement entrent en ville.
Au
milieu de quelques rares civils,
Ils
promènent leurs étranges tenues.
Les
Anglais ne bombardent plus, of course !
Moi,
je reste en cage comme l’ourse.
L’aéroport
est désert ; le nez au vent,
Les
vaches paissent en musardant.
Je
déteste ces vaches, je les hais.
Je
m’ennuie ferme à la maison,
Huit
jours durant, je tourne en rond.
C’est
très monotone, cette paix.
Les
Italiens avaient fui sans trompette ni tambour,
Nous,
on peut jouer sur la rue, dans les cours.
D’un
coup, dans un beau charivari,
Tout
le quartier est envahi.
Les
gosses s’élancent en fanfare, joyeux ;
On
attaque l’autre bande comme des furieux
Et
soudain, tout s’arrête ; la sirène gémit.
C’est
la trêve, tous aux abris !
Dans
le ciel par-dessus le toit passe l’avion.
Ce
ronflement énorme d’un dragon,
Je
le connais, c’est lui, c’est le grand avion.
Les
bombes tombent loin de la maison.
Le
vacarme cesse, c’est la fin de l’alarme.
Je
me relève le visage plein de larmes.
Je
tremble, je cherche ma respiration.
Les
vaches sont mortes au champ d’aviation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire