Le
Destin
Chanson
française – Le Destin – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN
AMOUREUX – 56
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Viens,
Matthias, il se fait tard.
Pour
finir l’histoire, nous serons deux.
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Dialogue
Maïeutique
Comme
presque toutes les chansons, dit Marco Valdo M.I., celle-ci a connu
un enfantement tâtonnant ; elle est faite de gribouillis, de
griffonnages, de ratures, de retours, de biffures, de bifurcations,
de mots perdus. Elle a souvent hésité et changé plusieurs fois de
visage et d’ordonnancement et tout comme les précédentes, elle
doit beaucoup à cette structure un peu particulière qui lui donne
une sorte de squelette sur lequel mettre sa chair et faire circuler
son sang. En bref, la chanson est un être vivant, elle est faite de
création et d’improvisation.
Ah,
dit Lucien l’âne, c’est le lot des textes de création.
Serait-ce la version réelle du « vingt fois sur le métier
remettez votre ouvrage » que Nicolas Boileau indiquait dans son
Art poétique ?
Peut-être,
partiellement, Lucien l’âne mon ami, ou peut-être pas. Je verrais
les choses différemment, car je ne suis pas convaincu par sa
démarche didactique qui voulait enserrer la poésie dans le cadre
réglementé du raisonné et du raisonnable, digne du carcan du
régime du Roi Soleil. Enfin, pour tout dire, cette démarche
pesante, lourde de préméditation, appliquée à la création
poétique n’est pas dans ma manière.
Quoi
qu’il en soit, dit Lucien l’âne, dis-moi ce que raconte cette
chanson.
Eh
bien, Lucien l’âne, il te souviendra que Matthias, déserteur
émérite, était revenu à l’endroit où devaient l’attendre les
comédiens de bois, le temps qu’il en termine avec la guerre. À
son retour, consternation, ils ne sont pas là. Ainsi, Matthias se
tient sur la place, un peu désorienté et pur tout dire, abasourdi.
C’est dans cet état réflexif qu’il est abordé par un vieux qui
semble le connaître et qui entame sans plus tarder la conversation.
C’est
normal, dit Lucien l’âne en riant, les vieux font souvent ainsi ;
ils ont le temps long ; alors quand ils rencontrent quelqu’un
qu’ils connaissent plus ou moins, même seulement de vue, ils
tentent de lier conversation.
C’est
exactement, ce qui se passe, reprend Marco Valdo M.I., sauf que ce
vieillard, c’est Dieu.
Eh
bien, dit Lucien l’âne, s’il y en a un qui a le temps long, ce
doit bien être celui-là, car c’est long l’éternité, surtout
si on commence au début.
Comme
tu l’imagines, Lucien l’âne mon ami, la chanson relate leur
conversation et Dieu tente de dédramatiser les choses, mais c’est
à l’évidence impossible de dédramatiser la disparition de toute
une troupe de comédiens, même en bois, et en prime, de celle du
théâtre. Le désespoir de Matthias est intense. En plus, Dieu ne
croit pas Matthias. Il y a là comme une inversion du monde lorsque
Matthias répond, écoute ça :
« Quoi ?
Je ne te crois pas, dit Dieu.
Voyons,
Dieu, il faut me croire. »
On
le comprend, Matthias, dit Lucien l’âne, c’est son théâtre,
c’est son gagne-pain, c’est son rêve, c’est sa vie à cet
homme-là.
Effectivement,
répond Marco Valdo M.I., c’est tout ça. Alors, Dieu propose à
Matthias une association ; il lui offre de l’accompagner pour
le reste du voyage, mais Matthias n’a pas confiance en Dieu :
« À
deux ? Je n’ai pas confiance en toi.
Tu
es Dieu, tu es tout seul, c’est ta nature.
Avec
toi, tu vois, on n’est jamais sûr.
Franchement,
tu ne peux rien pour moi. »
Et
finalement, Matthias s’en remet au Destin, au bon vieux Destin,
seule certitude humaine et annonce qu’il va se pendre.
Voilà
qui est terrible, dit Lucien l’âne, mais que ce ne sont que des
mots venus d’une profonde déprime, comme c’est souvent le cas
dans ces cas-là. Cela dit, je comprends Matthias, c’est un fameux
coup du sort. Bref, en attendant de savoir la suite, tissons le
linceul de ce vieux monde croyant, effondré, désaxé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
vieux dit : Comment va, Matthias ?
Tout
va bien, dit Matthias.
Et
toi, ça va, mon vieux ?
Je
ne sais pas, dit Dieu.
Les
affaires ne s’arrangent pas.
Pourquoi
devraient-elles s’arranger ?
Bah,
ça ira, ça ira, comme ça a toujours été.
Alors,
Matthias, ne nous tracassons pas !
Oui,
Monsieur
Po,
oui, Monsieur
Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oh,
je ne m’en fais pas.
Mon
petit théâtre de bois,
Mes
marionnettes ne m’attendent plus là-bas.
Plus
personne n’attend après moi.
Quoi ?
Je ne te crois pas, dit Dieu.
Voyons,
Dieu, il faut me croire.
Viens,
Matthias, il se fait tard.
Pour
finir l’histoire, nous serons deux.
Oui,
Monsieur
Po,
oui, Monsieur
Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
À
deux ? Je n’ai pas confiance en toi.
Tu
es Dieu, tu es tout seul, c’est ta nature.
Avec
toi, tu vois, on n’est jamais sûr.
Franchement,
tu ne peux rien pour moi.
Tu
peux être heureux. De quel bonheur ?
Fini
le vagabondage hors des chemins,
Sans
mes comédiens, c’est l’horreur.
Je
vais me pendre, c’est mon destin.
Oui,
Monsieur
Po,
oui, Monsieur
Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
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