dimanche 26 avril 2020

NEIGE D’AVRIL

 

NEIGE D’AVRIL



Version française – NEIGE D’AVRIL – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Neve d’aprileAlice – 1992
Album : Mezzogiorno sulle Alpi





Dialogue Maïeutique


Il y a, Lucien l’âne mon ami, des chansons de toutes les tailles (La Chanson de Roland comporte 9000 vers dans sa version la plus longue) et parmi les chansons, il y a aussi des chansons simples et de très compliquées.

Oui, certes, dit Lucien l’âne, et alors ?

Et alors, dit Marco Valdo M.I., rien. Il fallait juste que je commence à parler de celle-ci.

Oh, je vois, dit Lucien l’âne, il te fallait une amorce, juste de quoi éclaircir la voix et le cerveau. Eh bien, maintenant que c’est fait, est-ce que tu peux me révéler tes ruminations à son sujet ?

Évidemment, Lucien l’âne, et c’était d’ailleurs mon intention. D’abord, je te prie de noter la date de sa parution : 1992, soit approximativement trente ans ; disons pour être plus précis une trentaine d’années : tout un bail.

Oui, certes, dit Lucien l’âne, et alors ?

Ce qui me stupéfie, quand je songe à cette date et à cet écart temporel, reprend Marco Valdo M.I., c’est qu’elle a l’air d’avoir été écrite aujourd’hui.

Mais, dit Lucien l’âne, c’est d’ailleurs le cas de la version française.

Oui, certes, reprend Marco Valdo M.I., je veux dire qu’elle paraît tirer sa substance de ce qui s’est passé ces dernières semaines en Italie (et ailleurs). Elle a l’air d’être une complainte d’un survivant à la pandépidémie. Elle s’applique directement à cette période de fin d’avril où on entrevoit – on peut espérer à raison, mais sans plus, car rien n’est sûr – que ce soit la neige d’avril et sa blancheur qui vienne recouvrir le paysage désolé et que ne se lève pas une nouvelle aussi redoutable tempête.

« Espérons que ce n’est pas une tempête
Qui monte dans mon cœur,
Mais la neige d’avril toute seule. »

Moi, dit Lucien l’âne, je ne suis ni savant, ni prophète, ni devin, ni oracle, ni augure et je ne connais donc pas de réponse à cette interrogation, ni de remède à cette situation. Moi aussi, vois-tu, je suis un peu incertain quant à la suite des choses. Cependant, je me rallie aisément à cette idée, que nous avons ancrée dans notre conviction que le chant – et plus généralement, la poésie et toute littérature ou tout art qui en découle – est souvent prémonitoire.

En effet, répond Marco Valdo M.I., je garde la même pensée. J’y ajouterais qu’elle est aussi une fameuse accoucheuse de la compréhension du monde ; elle ouvre l’esprit bien au-delà des analyses factuelles. Bien sûr, si on tient compte des dates, cette chanson-ci – NEIGE D’AVRIL – lance un avertissement ; elle joue à la perfection le rôle de Cassandre. Il est vrai aussi qu’elle peut s’appliquer à toute situation catastrophique et il n’en manque pas dans l’histoire humaine.

Et, interrompt Lucien l’âne, il ne manquera pas d’y en avoir encore et de bien pire – forcément, dans le futur. C’est totalement inévitable ; il vaut mieux s’y faire et il y en a déjà en cours : des guerres – toutes filles de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres depuis déjà fort longtemps, des maladies, la faim, la soif, la sécheresse, la montée des eaux – et elles vont s’ajouter aux autres présentes et à venir. Rien que dans l’immédiat de l’Afrique, on annonce al remontée du paludisme (centaines de milliers de morts), de la rougeole, de la faim aussi en plus de la misère endémique.

Oui, Lucien l’âne mon ami, tu me prends les mots de la bouche, mais il n’y a pas que les catastrophes et les tragédies à l’échelle humaine auxquelles il faut vaille que vaille malgré tout se faire, il y a celles à l’échelle des espèces entières et celles à l’échelle planétaire ou géologique. Si on regarde ce qui s’est passé dans le passé, on ne peut ignorer la fin naturelle du vivant biologique. La chose s’est déjà produite plusieurs fois sur cette Terre. Dès lors, la conclusion de la chanson me semble tout à fait pertinente :

« Nous sommes les naufragés du nouveau monde,
Les naufragés jamais sortis de la rade,
Nous sommes les naufragés du nouveau monde. »

Sans compter, enchaîne Lucien l’âne, la disparition fatale de la planète elle-même et de son astre du jour. Ce qui peut rassurer ceux que cela inquiéterait, ce sont des perspectives lointaines, si on les mesure à l’échelle historique, c’est-à-dire au regard de nos vies d’ânes et d’hommes. Quant à la vie quotidienne de la plupart des vivants, tout ce que nous pouvons faire pour en atténuer les duretés, c’est tisser le linceul de ce vieux monde myope, sourd, idiot et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Je suis rentré chez moi confus et fatigué.
Tous ces commerces, ces pauvres gens,
Pour rien si pressés,
Combien de gens innocents
Payent ainsi la facture de nos rêves ?
Nous sommes les naufragés du nouveau monde,
Les naufragés jamais sortis de la rade.



Excusez-moi, ce soir je suis un peu ailleurs.
Je répète les mêmes choses atroces,
Mais je ne peux pas faire taire mon cœur
Quand dans ce monde beau et féroce,
Je vois la peur dans les yeux d’un gosse.
Nous sommes les naufragés du nouveau monde.



Excusez-moi, ce soir je suis un peu ailleurs.
Espérons que ce n’est pas une tempête
Qui monte dans mon cœur,
Mais la neige d’avril toute seule.
Nous sommes les naufragés du nouveau monde,
Les naufragés jamais sortis de la rade,
Nous sommes les naufragés du nouveau monde.



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