NEIGE D’AVRIL
Version
française – NEIGE
D’AVRIL – Marco
Valdo M.I. – 2020
Chanson
italienne – Neve
d’aprile – Alice
– 1992
Album :
Mezzogiorno sulle Alpi
Dialogue
Maïeutique
Il
y a, Lucien l’âne mon ami, des chansons de toutes les tailles (La
Chanson de Roland comporte 9000 vers dans sa version la plus longue)
et parmi les chansons, il y a aussi des chansons simples et de très
compliquées.
Oui,
certes, dit Lucien l’âne, et alors ?
Et
alors, dit Marco Valdo M.I., rien. Il fallait juste que je commence à
parler de celle-ci.
Oh,
je vois, dit Lucien l’âne, il te fallait une amorce, juste de quoi
éclaircir la voix et le cerveau. Eh bien, maintenant que c’est
fait, est-ce que tu peux me révéler tes ruminations à son sujet ?
Évidemment,
Lucien l’âne, et c’était d’ailleurs mon intention. D’abord,
je te prie de noter la date de sa parution : 1992, soit
approximativement trente ans ; disons pour être plus précis
une trentaine d’années : tout un bail.
Oui,
certes, dit Lucien l’âne, et alors ?
Ce
qui me stupéfie, quand je songe à cette date et à cet écart
temporel, reprend Marco Valdo M.I., c’est qu’elle a l’air
d’avoir été écrite aujourd’hui.
Mais,
dit Lucien l’âne, c’est d’ailleurs le cas de la version
française.
Oui,
certes, reprend Marco Valdo M.I., je veux dire qu’elle paraît
tirer sa substance de ce qui s’est passé ces dernières semaines
en Italie (et ailleurs). Elle a l’air d’être une complainte d’un
survivant à la pandépidémie. Elle s’applique directement à
cette période de fin d’avril où on entrevoit – on peut espérer
à raison, mais sans plus, car rien n’est sûr – que ce soit la
neige d’avril et sa blancheur qui vienne recouvrir le paysage
désolé et que ne se lève pas une nouvelle aussi redoutable
tempête.
« Espérons
que ce n’est
pas une tempête
Qui
monte dans mon cœur,
Mais
la neige d’avril
toute seule. »
Moi,
dit Lucien l’âne, je ne suis ni savant, ni prophète, ni devin, ni
oracle, ni augure et je ne connais donc pas de réponse à cette
interrogation, ni de remède à cette situation. Moi aussi, vois-tu,
je suis un peu incertain quant à la suite des choses. Cependant, je
me rallie aisément à cette idée, que nous avons ancrée dans notre
conviction que le chant – et plus généralement, la poésie et
toute littérature ou tout art qui en découle – est souvent
prémonitoire.
En
effet, répond Marco Valdo M.I., je garde la même pensée. J’y
ajouterais qu’elle est aussi une fameuse accoucheuse de la
compréhension du monde ; elle ouvre l’esprit bien au-delà
des analyses factuelles. Bien sûr, si on tient compte des dates,
cette chanson-ci – NEIGE D’AVRIL – lance un avertissement ;
elle joue à la perfection le rôle de Cassandre. Il est vrai aussi
qu’elle peut s’appliquer à toute situation catastrophique et il
n’en manque pas dans l’histoire humaine.
Et,
interrompt Lucien l’âne, il ne manquera pas d’y en avoir encore
et de bien pire – forcément, dans le futur. C’est totalement
inévitable ; il vaut mieux s’y faire et il y en a déjà en
cours : des guerres – toutes filles de
la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres
depuis déjà fort longtemps, des maladies, la faim, la soif, la
sécheresse, la montée des eaux – et elles vont s’ajouter aux
autres présentes et à venir. Rien que dans l’immédiat de
l’Afrique, on annonce al remontée du paludisme (centaines de
milliers de morts), de la rougeole, de la faim aussi en plus de la
misère endémique.
Oui,
Lucien l’âne mon ami, tu me prends les mots de la bouche, mais il
n’y a pas que les catastrophes et les tragédies à l’échelle
humaine auxquelles il faut vaille que vaille malgré tout se faire,
il y a celles à l’échelle des espèces entières et celles à
l’échelle planétaire ou géologique. Si on regarde ce qui s’est
passé dans le passé, on ne peut ignorer la fin naturelle du vivant
biologique. La chose s’est déjà produite plusieurs fois sur cette
Terre. Dès lors, la conclusion de la chanson me semble tout à fait
pertinente :
« Nous
sommes les naufragés
du nouveau monde,
Les
naufragés jamais sortis de la rade,
Nous
sommes les naufragés
du nouveau
monde. »
Sans
compter, enchaîne Lucien l’âne, la disparition fatale de la
planète elle-même et de son astre du jour. Ce qui peut rassurer
ceux que cela inquiéterait, ce sont des perspectives lointaines, si
on les mesure à l’échelle historique, c’est-à-dire au regard
de nos vies d’ânes et d’hommes. Quant à la vie quotidienne de
la plupart des vivants, tout ce que nous pouvons faire pour en
atténuer les duretés, c’est tisser le linceul de ce vieux monde
myope, sourd, idiot et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Tous ces commerces, ces pauvres gens,
Pour rien si pressés,
Combien de gens innocents
Payent ainsi la facture de nos rêves ?
Nous sommes les naufragés du nouveau monde,
Les naufragés jamais sortis de la rade.
Excusez-moi, ce soir je suis un peu ailleurs.
Je répète les mêmes choses atroces,
Mais je ne peux pas faire taire mon cœur
Quand dans ce monde beau et féroce,
Je vois la peur dans les yeux d’un gosse.
Nous sommes les naufragés du nouveau monde.
Excusez-moi, ce soir je suis un peu ailleurs.
Espérons que ce n’est pas une tempête
Qui monte dans mon cœur,
Mais la neige d’avril toute seule.
Nous sommes les naufragés du nouveau monde,
Les naufragés jamais sortis de la rade,
Nous sommes les naufragés du nouveau monde.
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