jeudi 26 mars 2020

La Mort du Cabot

 
La Mort du Cabot

 
Chanson française – La Mort du Cabot – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 48

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.





Dialogue Maïeutique

À force, mon ami Lucien l’âne, de suivre ses aventures, on s’aperçoit que la vie du déserteur n’est pas de tout repos. Comme le suggérait le précédent épisode, c’est véritablement une odyssée, même si parfois l’affaire vire à l’Iliade.

Tu dis bien, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est une odyssée : Matthias, Mateus, alias Arlequin, s’était, au soir de la bataille, du champ couvert de morts, éclipsé du monde des guerriers pour tenter de rentrer chez lui par le plus court chemin. C’était à Marengo, c’était en 1800. Il ne prévit pas tout ce qui viendrait contrarier sa louable intention et le retarder de tant d’années. Il se voyait rentrer en son Ithaque bohémienne, salué par le vieux chien de la ferme parentale. La vie lui a démontré qu’elle est plus complexe qu’il l’imaginait.

Et elle le reste, Lucien l’âne mon ami, et pense seulement à ses braves sportifs qui allaient tout droit à leurs exploits et qui en sont présentement privés ; c’est-y pas malheureux, ça ?

Oh, dit Lucien l’âne, s’il n’y avait que ces gens-là dont le destin héroïque est contrarié, mais il y a tous les autres pékins qui ont leur vie habituelle carrément bouleversée : ce qui devait se faire, ne se fait pas ; ce qui était prévu comme la Guerre de Troie, celle de Giraudoux, n’aura pas lieu. Tous baignent dans l’incertitude – du moins, ceux qui survivent. Enfin, ce qui est quand même rassurant, c’est que ces derniers sont énormément plus nombreux ; mais on s’égare, revenons à la guerre et à notre troupe de déserteurs de Bohême.

De Bohême, reprend Marco Valdo M.I., justement, de Bohême, le pays de Chveik et celui de Smiřicky, celui de l’Escadron blindé et du miracle en Bohême. La Bohême est un grand pays de légendes paramilitaires ; les Tchèques pratiquent une certaine distanciation par rapport aux armées. Il me paraît d’ailleurs certain que notre Arlequin est un lointain ancêtre du soldat Chveik, lui aussi déserteur émérite, ainsi qu’il est conté dans La chanson de Chveik le soldat.

« J’ai jeté mon beau fusil,
J’ai jeté tous mes habits,
J’ai quitté la Cacanie
Et je recommence ma vie.

Surtout, ne me reconnaissez pas,
J’étais Chveik le soldat ;
Et surtout, oubliez-moi,
J’étais Chveik le soldat. 
»

Marco Valdo M.I. mon ami, j’adore ces aperçus que tu nous offres sur les héros militaires tchèques, mais ça ne me dit pas ce qu’il y a dans la chanson.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, tu te trompes vivement, car c’est précisément un épisode digne de ces héros historiques de la Bohême qu’elle raconte. La bande des conscrits pacifistes qui entoure Matěj arrive à se planquer dans une grange et à vivre un certain temps en troquant les neuf chevaux de l’escorte contre de la nourriture et du vin. Quand elle a épuisé ses munitions, elle reprend la route et se fait reprendre et incorporer à nouveau dans un autre régiment – on les rhabille d’un autre uniforme et on les arme. Manque de chance pour nos braves, c’est la veille d’une bataille. Au matin, enfin armés, on les envoie de force à l’attaque. Matthias liquide le caporal qui le suit comme une ombre et le pousse vers l’ennemi.

Ainsi le cabotin a eu raison du cabot, dit Lucien l’âne en riant.

Oui, complète Marco Valdo M.I., le déserteur renaît sur ce champ de bataille, célèbre par son soleil.
Ah, dit Lucien l’âne en souriant, ne serait-ce pas le soleil d’Austerlitz qui éclairera la bataille qui commence ?

Oui, Lucien l’âne mon ami, c’est bien à Austerlitz que notre Arlequin amoureux joue la répétition de Marengo. Comme on n’en est qu’au prologue, il te faudra patienter pour la suite.

Attendons alors, dit Lucien l’âne, et tissons le linceul de ce vieux monde routinier, répétitif, guerroyant, drôle et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Même quand il n’a plus de régiment,
Pour vivre, le soldat le plus simple doit manger.
La bande des conscrits s’attelle consciencieusement
À ne pas mourir, à fuir, à louvoyer, à marauder, à piller.

L’adjudant-chef est parti, très tôt
Du mauvais côté, se faire fusiller par l’ennemi.
Alors, l’unité échange les neuf chevaux
Contre du cochon et du vin de pays.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

La troupe vit dans sa grange,
Se nourrit du troc équin,
Un régime de lard et pain,
Une vie digne des anges.

Fin du cheval, du lard, du pain.
Repris, équipés de neuf, armés.
Direction le champ où va se jouer
Au soleil du lendemain, le destin.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Le son du canon les tire du sommeil,
La douce matinée s’étire vers le soleil.
Matthias s’éclipse, il est ramené au camp.
Le caporal l’empoigne : Vorwärts ! En avant !

L’animal suspicieux ne lâche pas sa trace,
Matthias a dans le dos cette bête de race.
Matěj, la pétoire à la main, fait face
Et d’un coup, du vilain cabot se débarrasse.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

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