Le
Banquet
Chanson
française – Le Banquet – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN
AMOUREUX – 39
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Le Banquet des Singes
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Dialogue
Maïeutique
Quel
titre, Marco Valdo M.I. mon ami ! J’en suis tout étourdi et
on ne m’ôtera pas de ma cervelle d’âne que ce n’est pas un
titre insignifiant. Imagine : « Le Banquet », rien
de moins ; tu ne te mouches pas du pied. Qui d’autr que toi
aurait osé invoquer ainsi les mânes de Socrate, Agathon, Pausanias,
Aristophane, Eryximaque, Aristodème, Phèdre et Alcibiade et par
ricochet, ou pour rester dans le ton, par reflet sur le mur du fond,
Platon lui-même, sans plus se soucier d’ailleurs de la
coïncidence.
Bon
Lucien l’âne mon ami, il n’en est rien. Si j’ai intitulé ma
chanson « Le Banquet », c’est qu’en vérité, c’en
est un, même si les participants n’ont pas la même allure que les
illustres Grecs. D’autant que de ce qui est du banquet proprement
dit et de son déroulement, on ne s’en inquiètera que
tangentiellement au personnage centra de Matthias, car dans cette
saga de l’Arlequin amoureux (voilà qui nous rapproche des
conciliabules grecs), le héros, tout déserteur, vagabond et
misérable qu’il est, n’en reste pas moins le deus ex machina de
l’histoire. C’est
lui qui agite parmi ses marionnettes, en son théâtre du monde en
réduction qu’est cette odyssée, pas
moins de quatre Empereurs en fonction et l’inénarrable Docteur
Faust, qu’on vit encore en Russie aux prises avec un Petit Père
des Peuples, il n’y a pas si longtemps.
Tu
t’égares,
Marco Valdo
M.I. mon ami, laisse-moi te le dire. Admettons que ce soit un Banquet
de province impériale, austro-hongroise, tchèque, et pour tout
résumer, habsbourgeoise ; sur ce, tournons la page et passons
au reste.
Non,
non, je ne voudrais pas aller plus avant sans te parler un peu,
Lucien l’âne mon ami, d’un tableau qui me semble lui aussi
illustrer et commenter – sans un mot de trop – ce banquet de
Litomyšl,
où va se donner en spectacle notre déserteur aux prises avec les
Autorités.
Un
tableau, dis-tu, certes, mais lequel ? Dis-moi s’en, Marco
Valdo M.I. au moins assez pour que je le situe parmi tous ceux qui
valent d’être regardés.
Oh,
Lucien l’âne mon ami, il
n’y a pas grand-chose à en dire, si ce n’est que – comme tu le
verras – c’est un banquet de singes et que cette appellation
aurait bien plu à Matthias Sereno et à sa petite troupe. C’est
également l’occasion de faire resurgir ce peintre qu’on dirait
maintenant « belge »,
un peintre du XVIIe
siècle - né
à Anvers en 1610 et mort à Bruxelles en 1690, qui
en dehors de ce que j’appellerais la « peinture obligée »,
produisit de très curieux tableaux.
Ah !,
dit Lucien l’âne, je connais ça ; ce sont évidemment les
tableaux les plus intéressants. Ceci dit, revenons-en au banquet,
dont on n’a encore rien dit.
Donc,
même si ce banquet n’est pas un banquet platonicien orthodoxe, je
te dirai, Lucien l’âne mon ami, que c’est cependant un grand
moment, une sorte de reflet de la
Guerre de Cent Mille Ans, celle-là
où les riches mènent une guerre sainte, une guérilla sournoise
contre les pauvres, où pour les puissants, il s’agit seulement
d’établir d’abord et de conforter et d’étendre ensuite la
domination et en corollaire, la distance sociale. Indispensable
la distance sociale : « On
n’a pas élevé les cochons ensemble », en effet, suggère
Lucien l’âne ; « On ne mélange pas les torchons avec
les serviettes », qu’ils disent. « Séparons
le bon grain de l’ivraie ». Sinon, sinon, comment
distinguerait-on les riches des pauvres et comment les amateurs de
richesse et d’apparence : à vrai dire, de tape-à-l’œil,
pourraient-ils simuler leur ambition en se parant des symboles de la
richesse et de la possession ? Que feraient-ils sans le costume,
la robe, la bagnole, la piscine, le smartefone et autres babioles ?
Avec quoi pourrait-on faire croire que l’on vaut plus que son
voisin ? Et aussi, jouir de le voir rabaissé ? Le principe
de base, c’est qu’il y a un haut et un bas et que pour bien
faire, il faut qu’ils ne se confondent pas.
J’ai
toujours vu aussi loin que je m’en souvienne – dans l’espace et
dans le temps, dit Lucien l’âne, que ceux du haut n’appréciaient
guère d’être importunés par la simple présence des pauvres, de
ceux du bas.
Ainsi
en va-t-il dans la chanson, reprend Marco Valdo M.I., où la
rencontre – pourtant explicitement commandée et
forcément souhaitée dans un moment d’égarement par le Tout
Puissant François – entre l’Empereur et le saltimbanque sera
vivement écourtée. L’un renvoyant l’autre :
« Sa
Grâce apostolique s’en débarrasse ;
Au
banquet, il renvoie le paillasse. »
Et
pour terminer, j’imagine que ne t’échappera pas
l’allusion historique à Marie-Antoinette :
« Et
le banquet rit : « Tu as faim ? Mange le foin ! »
Oh,
dit Lucien l’âne, elle était connue sous le nom de Madame la
Brioche et plus tard, la Reine sans tête. Je m’en souviens,
c’était quelques années avant ce banquet. Elle était la tante
de cet Empereur grognon. Concluons en tissant le linceul de ce vieux
monde stationnaire,
qui s’en va à reculons « Comme s’en vont les écrevisses,
À reculons, à reculons. », trébuchant, essoufflé et cacochyme.
À reculons, à reculons. », trébuchant, essoufflé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
château resplendit tel un astre ;
Las
et lourd, l’Empereur a peu mangé ;
La
bonne société banquette et se bâfre.
À
la bibliothèque, l’Illustre s’est retiré.
Bercé
par la douceur du malaga
Le
Habsbourg embrumé rêvasse
Et
malgré le café et les noix,
Un
ennui impérial le terrasse.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Les
sujets sont des êtres dérangeants
Qui
vont grouillant, rampant, bêlant.
Tout
lavé dans sa chemise blanche empruntée,
Sous
sa fourrure de mouton blanche et peignée,
Dans
le couloir, le bouffon mandé attend
Devant
la porte, depuis un bon moment.
Pour
réveiller, le souverain qui dort,
Matthias
bêle, bêle, bêle très fort.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Sa
Grâce apostolique s’en débarrasse ;
Au
banquet, il renvoie le paillasse.
Le
comte demande : Que sais-tu faire ?
Matthias
se demande : Que vais-je faire ?
Le
Comte dit : « Tu as faim ? : une brassée de
foin. »
Et
judicieusement les coups du pied comtal
Étrillent
soigneusement le pauvre animal.
Et
le banquet rit : « Tu as faim ? Mange le foin ! »
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
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