jeudi 30 janvier 2020

LE COUVRE-FEU

LE COUVRE-FEU



Version française – LE COUVRE-FEU – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – CoprifuocoLe luci della centrale elettrica2017

 
Mostar et son pont  - Avant


Couvre-feu. Une chanson dans laquelle se confondent les événements contemporains et les faits personnels. C’est l’écho d’un voyage en Bosnie que j’avais fait avec un ami il y a une dizaine d’années ; à Mostar, nous avons découvert que les clochers et les minarets maintenant effondrés se ressemblaient tous, des décombres, on ne pouvait pas les distinguer les uns des autres. Au-dedans, les arbres avaient déjà poussé, le temps écoulé depuis la fin de la guerre se mesurait à leur hauteur. Dans cette chanson, il y a une fille qui déménage à Toronto pour se rendre compte que c’est une grande Varèse et il y a aussi un ouragan en route auquel les experts ont donné son nom.

(Vasco Brondi)


Petit dialogue maïeutique




Avant la guerre de Bosnie, dit Marco Valdo M.I., il y avait un pont à Mostar ; en 1993, pendant la guerre, il fut détruit ; ensuite, après la guerre, on l’a reconstruit à l’identique – inauguration du nouveau pont en 2004. Depuis lors, il est toujours là.

Oh, dit Lucien l’âne, c’était bien la peine de faire la guerre et de tuer tous ces gens. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde insensé, criminel, destructeur, reconstructeur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le soir tombait
Sur une Europe multiculturelle belle et minable,
Sur un autre bar qui change de direction,
Sur un autre héros à oublier.


Le jour des attentats, tu as écrit
Pour rassurer tout le monde
Que comme toujours, tu étais de ce côté,
Mais pas parmi les morts ou les blessés .


La paix viendra inattendue et bénie :
Comme chaque soir, tu seras morte de fatigue ;
Ils seront tous agenouillés en direction de l’Amérique du Nord,
De l’Italie du Nord ou de La Mecque.


Tu fermeras les yeux pour voir dehors :
L’hiver le plus doux des dix mille dernières années,
Ces quatre arbres, tes saints patrons
Et ta mère, la madone des angoisses.


Là où il y avait un minaret ou un clocher,
Il y a un arbre en fleurs parmi les ruines.
Nous sommes deux, aveuglés par le soleil,
Pendant que tu cherches à expliquer
Ce qui nous a fait inventer :
La Tour Eiffel,
Les guerres de religion,
La station spatiale internationale,
Les armes de destruction massive,
Et les chansons d’amour.


Qu’est-ce qui nous rend uniques et fragiles,
Avec sept vies et sept milliards de désirs,
Une peau très fine
Et toujours assaillis de pensées


Sur cette planète appelée Terre –
Même si, comme nous, ce n’est quasiment que de l’eau,
Comme nous entre un amour et une guerre,
Assiégés par ce qui manque ?


C’était pour t’éloigner de moi, de toi,
De la place de la cathédrale,
Tu as découvert que Toronto est un plus grand Varese,
Mais à part le froid, n’est pas si mal.


Là, il y a des filles comme toi
Qui petites ont été très seules
Et maintenant, sont plus fortes qu’un pays entier.
Il y a un ouragan avec ton nom,
Des avions militaires qui, comme certains baisers, ne font pas de bruit.


Là où il y avait un minaret ou un clocher,
Il y a un arbre en fleurs parmi les ruines.
Nous sommes deux, aveuglés par le soleil,
Pendant que tu cherches à expliquer
Ce qui nous a fait inventer :
La Tour Eiffel,
Les symphonies de Beethoven,
La station spatiale internationale,
Les armes de destruction massive,
Et les chansons d’amour.


Ce qui nous a fait inventer :
La Tour Eiffel, les guerres de religion,
La station spatiale internationale,
Les armes de destruction massive,
Et les chansons d’amour.

mercredi 29 janvier 2020

La Danse de l’Empereur


La Danse de l’Empereur


Chanson française – La Danse de l’Empereur – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 38

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.






Dialogue Maïeutique



Vois-tu, Lucien l'âne mon ami, le Concerto de l'Empereur fut un hommage contrarié à la Révolution française et son titre inexact transmis pour toujours à la postérité, au point d’en faire une inévitable réminiscence de l’Empereur des Français, Napoléon Ier, cette danse de l’Empereur est l’hommage forcé du bateleur Matěj Kuře, alias Matthias, Mathieu, Luigi Sevastiano, Andrea Sereno à François Ier, Empereur d’Autriche.

Ah bien, dit Lucien l’âne, voilà-t-il pas que Matthias, etc. danse pour l’Empereur. La chose est surprenante, vraiment inattendue et je suis fort curieux de savoir comment cela s’est-il produit, comme le demandait la Marquise .

Un peu par hasard évidemment, répond Marco Valdo M.I., mais très certainement logiquement, comme on va le voir. C’est d’ailleurs souvent ainsi que les rencontres les plus invraisemblables ont lieu, car quand même, le déserteur Matěj Kuře n’a aucune raison, ni aucun intérêt à se trouver à danser en présence de l’Empereur, qui – je rappelle tout de même – est le chef suprême de l’armée que le fugitif doit à toute force éviter.

Sur ça, il n’y a aucun doute, dit Lucien l’âne. S’il était reconnu, il serait sûrement dans une situation très périlleuse : arrêté, emprisonné et puis, réincorporé une fois encore, dans un régiment disciplinaire, où il serait tenu à l’œil.

Pour rappel et resituer cette rencontre historique, Matthias s’était réfugié loin de la ville à la bergerie du comte Wallenstein, son ancien « patron ». C’est un endroit censément isolé et tranquille, un lieu de tout repos. Il y avait été accueilli, hébergé et nourri par le berger qu’il connaissait depuis son passage au château comme « maestro di teatro ». Sur le midi, arrive une triclée de gens en berlines, le tout escorté de gendarmes à cheval. C’est la visite impériale, une venue impromptue. L’Empereur, auquel le comte entend montrer ses pouliches, ses brebis et ses jardins d’agrément, s’ennuie, s’ennuie énormément et prétexte un malaise pour pouvoir se retirer dans un petit pavillon. Entretemps, Matthias, alias Sereno, est entraîné par les soldats de l’escorte dans leur beuverie. Pour se faire bien voir de ces nouveaux partenaires, avec sa peau de mouton sur le dos, il fait des pitreries et les soldats, par blague, le poussent dans le pavillon, où il se retrouve subitement et tout seul, face à l’Empereur. C’est cette rencontre du déserteur bêlant, couvert d’une laine puante et du souverain impérial que relate la chanson.

Ce n’est pas une rencontre banale, dit Lucien l’âne, et le mouton ne doit pas en mener large.

Évidemment, reprend Marco Valdo M.I., d’autant que toute la cour, le comte de Wallenstein en tête, accourt affolée à l’idée d’un possible attentat. Pour sauver la situation, le pauvre Matthias comme à son habitude dans de telles circonstances a recours à son art de comédien de rue et sous son apparence de mouton, il se met à bêler et à danser pour amuser l’Empereur et la galerie. C’est la consternation, on s’apprête à empoigner l’animal et à le bastonner quand l’Empereur tout souriant applaudit au spectacle de ce sujet tchèque tellement poilu et malodorant.

Ouf, dit Lucien l’âne qui s’y connaît dans ce genre de situation – souvenez-vous de « ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal », il est sauvé.

Certes, dit Marco Valdo M.I., et même, il est requis pour une nouvelle séance en soirée au château pour amuser les invités et leurs dames. Mais pour cette soirée, il te faudra patienter ; c’est l’histoire d’une autre chanson.

Le destin du déserteur prend parfois d’étranges tournures, dit Lucien l’âne. J’ai un peu l’impression que comme l’âne, il doit le supporter en recourant à une infinie patience et à beaucoup de stoïcisme. Ce sont des situations philosophiques ; mais dans la Guerre de Cent Mille Ans, les pauvres et les plus faibles sont souvent forcés à des actes et des conduites qu’ils n’aiment pas. C’est le cas du travail, par exemple. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde inéquitable, forcené, féroce, pharamineux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




« Schön ! », dans sa vie, un Empereur
Connaît bien des choses et des êtres,
Des maréchaux, des prêtres et des ambassadeurs
Des ministres, des prophètes et des traîtres.

« Schön ! », le Kaiser d’Autriche n’a jamais
De plus loin ou de si près, approché
Si poilu, si laineux, en mouton habillé,
Un bateleur plébéien, qui plus est, un de ses sujets

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Debout face au souverain, Matěj, est sidéré:
Aucune fuite n’est laissée, aucune ouverture,
L’Empereur sourit de cette aventure :
« Schön !, Tanzen ? Peux-tu danser ? »

Avec sa toison sur le dos, avec sa toison sur le dos,
À quatre pattes aussitôt, à quatre pattes aussitôt,
Matthias danse la danse du mouton, la danse de la brebis,
De deux doigts, Sa Majesté applaudit, sérieux applaudit.


Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Sais-tu le tchèque et l’allemand ?, demande le comte.
En ce cas, bouffon, présente-toi au château
Ce soir, décrassé, lavé comme il faut ;
Nous t’attendrons pour la danse de la tonte.

« Bonne nuit, Père Prosper, à la fête, je suis attendu
En personne. » « Vous connaissez donc l’Empereur ? »
« Je suis son fou de cour, à peine devenu,
Pour toujours, pour un jour, pour une heure. »

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

dimanche 26 janvier 2020

La Visite impériale


La Visite impériale

Chanson française – La Visite impériale – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 37

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.




Dialogue Maïeutique

Souviens-toi, dit Marco Valdo M.I., après l’enterrement de Serenus et la longue veille qui s’en était suivi, à laquelle Matthias s’était mêlé, manière de profiter un peu du banquet et avait pour ce faire laissé sur la place du village tout son petit théâtre. Une rébellion, une petite révolution avait secoué la troupe abandonnée. Il s’y était élevé des velléités d’indépendance ; certains s’étaient même quasiment mis en route. Ce n’est que grâce à l’intervention du Docteur Faust et de Polichinelle, la scission avait été évitée. Au matin, tous s’étaient ravisés et sous la houlette de Matthias, devenu entretemps Andrea Sereno, ils avaient repris le chemin de la clandestinité.

De ça, je me souviens, répond Lucien l’âne. Et maintenant, que va-t-il se produire ? Il faut quand même que parfois, ils s’arrêtent et qu’ils donnent un spectacle histoire d’avoir de quoi vivre. Et puis, quel sens aurait une troupe de théâtre qui ne jouerait jamais ? On finirait par s’apercevoir de la supercherie.

En effet, Lucien l’âne mon ami, même s’il est dit « pour vivre heureux, vivons cachés ! », même les déserteurs doivent se nourrir et ne peuvent rester en permanence cachés. Ils doivent nécessairement être quelque part ; en l’occurrence, cette fois, en Enfer. Enfin, dans la salle de l’Auberge « À l’Enfer » et dans cet Enfer, la troupe se sent bien et elle consentirait volontiers – moyennant juste compensation – à y donner quelques représentations divertissantes de théâtre miniature. Tout se présente sous les meilleurs auspices, mais au samedi matin, tout ce petit monde est proprement mis à la porte et poussé hors de la ville ; le tout, sans ménagement. Bref, on dégage ! Cet impromptu est inattendu, tout à fait anormal : il doit se passer quelque chose.

Oui, dit Lucien l’âne, j’ai déjà connu ça ; ce sont des choses qui arrivent. Généralement, on chasse les mendiants, les gitans, les juifs, les étrangers, les sans-papiers, les damnés de la terre. Souvent, ça ressemble à un grand nettoyage de printemps : on balaye tout.

Tu vois juste, Lucien l’âne mon ami, c’est une sorte de grand nettoyage qu’organisent les autorités de Litomyšl, cette petite ville de Bohême d’où Matthias, à l’époque Luigi Sevastiano, avait déjà dû fuir. C’était le récit que faisaient :
L’Aveu théâtral : où pour survivre, Arlequin (alias, alias) à l’instigation de la Comtesse se fait conseiller in teatro auprès du Comte de Wallenstein.
Le Bouffon de Franziska : où Arlequin, conseiller in teatro est captif de la Comtesse qui le traite sous le nom germanisé d’Harlekin.
Une Statue ne porte pas de Caleçon : où Arlequin, revenu sur scène, se retrouve le cul nu sur la scène du théâtre du Comte Wallenstein.
La Pécheresse aux jolis Doigts : où on découvre le portrait d’Arlecchina.
La Confession d’Arlequin : où on apprend comment Arlequin, chassé par le Comte, se réfugie pour l’hiver chez les pères et obtient cette grâce par un artifice de confession.
La Mare aux Cochons : où l’Arlequin qui étouffe entre les murs religieux, fait le mur et tombe dans la mare aux cochons.
Le Retour du Printemps : où Matthias n’en pouvant plus se décide à rentrer chez lui.

On se croirait dans le jeu de l’oie, dit Lucien l’âne, voilà un fameux retour à la case départ. Je me demande ce que va faire Andrea Sereno, qui si je m’y retrouve, est le nouvel habit d’Arlequin.

Après avoir marché un temps, dit Marco Valdo M.I., Andrea Sereno avec sa hotte sur le dos rejoint la propriété de campagne du Comte Wallenstein, composée essentiellement d’un haras et d’une bergerie dont Matthias connaît l’existence et le berger depuis le temps où lui-même travaillait pour ce comte aux ambitions théâtrales. Habituellement, c’est un lieu calme, idyllique, bucolique où il ne passe pas grand monde. Matthias trouve refuge à la bergerie et est même nourri par le berger, mais au matin du dimanche, à l’heure de la grand-messe, arrive toute une cohorte de berlines, suivie par un peloton de gendarmes à cheval. C’est pile le jour de la visite impériale – précisément, celle de François Ier Empereur d’Autriche, mais François II comme Empereur du Saint Empire. C’est un événement qui ne s’est jamais produit qu’une seule fois dans l’Histoire : ce jour-là. Le reste et comment Arlequin rencontre l'Empereur, je te laisse le découvrir avec la chanson.

Je m’en vais le faire à l’instant, Marco Valdo M.I. mon ami, et je suis déjà inquiet de savoir où cette visite perturbante va conduire le déserteur Matěj Kuře, présentement Andrea Sereno, soldat méritoirement démobilisé. En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde impérial, bucolique, protocolaire, hasardeux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Septembre mouille le soir de ce jeudi
À l’auberge de l’Enfer – un bel abri,
Où Matthias passe la nuit incognito,
Nul ne l’a reconnu en Andrea Sereno.

Vendredi, à l’Enfer, Sereno et sa troupe
Donneraient volontiers quelques scènes.
Raus ! Dehors !, avec une grossièreté obscène,
Sans explication, on chasse tout le groupe.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Pour lors, ils vont par les prés verts
Chercher un gîte où se mettre à couvert :
À l’écurie du comte, ils trouvent à souper ;
À la bergerie, du fromage de brebis pour déjeuner.

Branle-bas de combat ! Arrive en matinée
Un convoi de sept berlines bien chargées :
Caesar Franciscus Secundus et sa dame,
Des comtes, des burgraves et des gendarmes.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

L’Empereur à Litomysl, le comte Wallenstein rayonne :
Gloire au haras, gloire à la jumenterie !
L’escorte cuit des saucisses et fait une beuverie
Où Andrea s’empiffre et s’entonne.

Face à l’Imperator, dans le petit pavillon,
Les soldats poussent Matthias, le mouton trublion
Et le pitre déclame :« Que son Altesse en sa clémence,
Souffre que devant elle, en artiste, je m’avance ! »

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

UNE VIE DE BRADYPE


UNE VIE DE BRADYPE


Version française – UNE VIE DE BRADYPE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Una vita da bradipo – Paolo Buconi – 2013[2013]
Paroles : Paolo Buconi
Musique : Paolo Buconi e Davide Fasulo
Interprétation : Martino Vaona – de Caprino Veronese, qui avait à ce moment 7 ans.



OBLOMOV
L'immortel héros



À vrai dire, la morale de cette petite chanson n’est pas très différente de celle de Lavorare con lentezza d’Enzo Del Re… : « Il n’y a pas d’urgence, avec du calme tout s’arrange : c’est le message pour mener une vie de bradype ! Il serait agréable de vivre dans la tranquillité, sans haleter. Un rythme de vie lent, c’est ce précisément qu’il faut ! Alors, ralentissons, ne courons pas comme le lion, le guépard et la gazelle d’Afrique : laissons tous nos soucis et suivons lentement le battement du cœur. »




Dialogue Maïeutique

Lucien l’âne mon ami, viens ici, il faut que je te dise quelque chose à propos de cette chanson. Sache, ah, d’abord que je l’avais sélectionnée grâce à ou à cause de son étrange titre : « Una vita da bradipo » – « Une vie de bradype ». Mais qu’est-ce qu’un bradype ?

Oh, dit Lucien l’âne en souriant de toutes ses dents, un bradype, c’est bien simple, c’est un aï, un paresseux, un unau, un bradypode, littéralement : un animal qui marche lentement. Et même, plus lentement que nous les ânes, c’est tout dire.

Exact, reprend Marco Valdo M.I., et qui plus est, ce bradype est la démonstration vivante de ce proverbe italien : « Chi va piano, va lontano », car le bradype, paresseux, aï, unau meurt généralement de vieillesse. En somme, comme l’avait souhaité dans sa chanson Le Testament, Tonton Georges :

« S’il faut aller au cimetière,
Je prendrai le chemin le plus long,
Je ferai la tombe buissonnière,
Je quitterai la vie à reculons.
Tant pis si les croque-morts me grondent,
Tant pis s’ils me croient fou à lier,
Je veux partir pour l’autre monde
Par le chemin des écoliers. »

Donc, enchaîne Lucien l’âne, tu avais choisi cette chanson eu égard à l’étrangeté de son titre, mais encore ?

Eh bien, répond Marco Valdo M.I., un moment, au début, j’ai eu peur de me fourvoyer quand j’ai vu – comme on peut se tromper, comme on peut se laisser abuser par des stéréotypes – que c’était une chanson présentée à un festival de la chanson enfantine. J’ai un moment hésité avant de me mettre à composer cette version française. Est-ce que – comme le titre italien l’annonçait – ça en valait la peine ? Cependant, et la chose se vérifie ainsi, c’est en faisant ma version française que je me suis rendu compte de mon erreur, que j’ai pu porter une appréciation fondée.

Comme quoi, dit Lucien l’âne, il faut toujours suivre sa première impulsion, sa première impression, sa première intention afin de vérifier sa pertinence ; sinon, comment savoir ? Bref, tu as fait une version française, mais encore ?

Chemin faisant, Lucien l’âne mon ami, je me suis aperçu qu’une autre dimension de cette chanson me venait à l’esprit par l’oreille avec ce « Sciubidubidù » italien, qui me renvoyait à la célèbre scie française « Scoubidou », l’impérissable œuvre du bellâtre Sacha Distel, un navet de poids, mais qui – et c’est là intéressant – est elle-même tirée d’une chanson où est né le « shoo-bee-doo-be-doo » ou « Scooby-dooby-scoo-doo), à savoir « Apples, Peaches and Cherries » (1953) d’Abel Meerepol, alias Lewis Allan, auteur de « Strange Fruit » (1930), un homme qui, soit dit en passant, adopta les enfants des Rosenberg, assassinés sur la chaise électrique en 1953. Jean Ferrat en fit [[41965]].

Fort bien, dit Lucien l’âne, mais je ne sais toujours pas ce que raconte la chanson, ni pourquoi tu as l’air si satisfait d’en avoir fait une version française. Si tu voulais éclairer ma lanterne…

Soit, répond Marco Valdo M.I., voici. J’insiste sur le fait que ma réflexion est tout entière fondée sur ma version française, autrement sur la manière dont j’ai interprété la chanson originelle ; je le dis, car j’ai conscience d’avoir un peu dérivé. Le résultat est une chanson un brin décalée, un soupçon dada et fortement ironique. Elle tient de la fable animalière, pimentée de scoubidou. C’est l’histoire d’un bradype un peu soucieux de son avenir – on le comprend il est censé vivre cent ans – essaye de calmer la précipitation humaine et son goût immodéré pour le travail et la production ; cet aï songe aux conséquences que tout ça peut avoir sur le monde. Cette attaque frontale contre le travail rejoint celle d’autres chansons telles que : Travailler, c’est trop dur (Zachary Richard), Je peux pas travailler (Boris Vian) et Le Travail, c’est la Santé (Henri Salvador). Et je ne peux m’empêcher d’évoquer ce bon vieil Oblomov, une des figures majeures de cet art de vivre.

Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, comme tu fais bien d’appeler ici la mémoire du grand fainéant d’Oblomov, sans doute le plus formidable héros de la Russie et puis, cette longue dissertation, tout ça inrigue et donne à cette soi-disant « canzoncina » – « chansonnette », une dimension inattendue : c’est une canzone, une chanson à part entière. C’est pourquoi tu as bien fait de « rendre à César ce qui est à César » et à Paolo Buconi, sa chanson. Même si elle nous est parvenue par un chemin tordu. Cet itinéraire est anecdotique, ce qui compte, c’est la chanson et son auteur ; pareil évidemment pour la version française. Alors maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde pressé, mal fagoté, infantile, infantilisant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Quelle fatigue d’être au monde, ce monde en escaliers
Qui descendent, qui montent, où tous veulent arriver.
Le lion, le guépard, la gazelle courent comme des dératés.
Il vaut mieux ralentir, sinon on va s’effondrer.


Qu’elle est belle,
La vie de bradype !
Avec calme,
On vit lentement.
Le monde en nous imitant
Changerait en un instant.
Mais finalement,
Dites-moi : qu’y a-t-il de si urgent ?
Qu’elle est belle
La vie de bradype,
Scoubidou, ha !
Scoubidou, ha !
Dites-nous, quelle urgence, déjà,
Il y a ?


Je connais les tigres, les crocodiles féroces, Greuh !
Des animaux intelligents, tous stressés ! Euh... euh... euh... euh...
Mais pour vivre jusqu’à cent ans, il faut le vouloir.
Laissez tomber les soucis et vivement le soir !


Qu’on se couche ! Scoubidou, ha !
Qu’on se couche ! Scoubidou, ha !
Qu’on se couche ! Scoubidou, ha !
Qu’on se couche ! Scoubidou, bidou, ha !


Qu’elle est belle,
La vie de bradype !
Avec calme,
Jamais on ne se presse.
Quelle délicatesse,
On freine à l’avance,
Mais dites-moi : quelle urgence ?


On bouge en douceur
En suivant les battements du cœur ;
On vit tout tranquillement,
Lentement, doucement, mais sûrement.


Scoubidou, ha ! Scoubidou, ha !
Scoubidou, ha ! Scoubidou, ha !
Scoubidou, ha ! Scoubidou, ha !
Scoubidou, ha ! Scoubidou, bidou, ha !


Qu’elle est belle, Scoubidou, ha ! Scoubidou, ha !
La vie de bradype, Scoubidou, ha !
Qu’elle est belle, Scoubidou, ha ! Scoubidou, ha !
On freine tout le temps, Scoubidou, ha ! Scoubidou, ha !
Le monde en nous imitant
Changerait en un instant.
Mais finalement,
Dites-moi qu’y a-t-il de si pressé ?
Pourquoi vous êtes si pressés ?
Pourquoi vous êtes si pressés ?
Car elle est belle
La vie de bradype,
Après tout, dites-moi pourquoi vous êtes si pressés,
Dites-nous pourquoi vous êtes si pressés.


Dites-vous : « Quelle urgence déjà,
Il y a ?!? »
Scoubidou, ha !
« Quelle urgence déjà, il y a ?!? »
Scoubidou, bidou, ha !